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Défier son corps: où se situe la limite?

Les sportifs, dont les coureurs du Tour de France par exemple, demandent parfois l’impossible à leur corps. Mais où se situe la limite entre beaucoup et trop ? Et que faire si on est allé trop loin ? Fort de nombreuses années d’expertise, Romain Meeusen lève pour nous un coin du voile.

Tout d’un coup, Bart n’en pouvait plus. Jusqu’il y a peu, il était un des meilleurs de son club. Il s’entraînait sans arrêt, voulant se mesurer constamment aux autres membres.  » Voilà déjà un moment que cela ne va plus « , grommelait-il lors de son dernier entraînement : toujours fatigué, mal ici et là, des difficultés au travail… Jusqu’à ce qu’une personne de son entourage ose avancer l’idée qu’il s’était cassé en s’entraînant trop.

Droit vers le gouffre

De nombreuses notions erronées persistent chez les sportifs sur la bonne manière de s’entraîner pour progresser. Romain Meeusen est professeur de physiologie humaine à la VUB, et il en observe les conséquences chez les athlètes qui viennent le consulter. Il tient à faire d’emblée une remarque importante :  » Le syndrome de surentraînement ne survient pas seulement à cause de l’entraînement lui-même. Il est plutôt le résultat de la superposition complexe de plusieurs facteurs de surcharge, tout autant physique que mentale. Par exemple à cause des attentes des entraîneurs, de la famille, des amis et des collègues de travail, du stress lié à la compétition, de la personnalité de l’athlète, de la monotonie des séances d’entraînement, des problèmes personnels et émotionnels, du stress au travail, ou du travail pour l’école chez les étudiants… Ces facteurs forment une charge venant s’ajouter à l’entraînement physique, et c’est pour cela que nous parlons d’un syndrome, un ensemble complexe et important de plaintes dont on ne se débarrasse pas si facilement. La seule solution consiste à combiner le repos et une activité physique très légère jusqu’à ce que toutes les plaintes aient disparu. Et cela peut prendre beaucoup de temps : des mois, parfois même un an ou plus, avant de récupérer son ancien niveau. Surtout lorsqu’on a trop attendu avant de donner un sérieux coup de frein.  »

Romain Meeusen qualifie le syndrome de surentraînement comme le stade final d’une évolution, et il note une différence fondamentale avec un simple surentraînement. Pour le premier, le terme internationalement utilisé est celui de nonfunctional overreaching (voir schéma). C’est-à-dire que les séances d’entraînement ne sont plus  » fonctionnelles « , en ce sens qu’elles n’atteignent pas leur objectif et n’apportent plus aucun bénéfice. Au contraire : même après une période normale de repos, les performances restent inférieures à ce qu’elles étaient auparavant ou, dans le meilleur des cas, il n’y a pas d’amélioration. Heureusement, un repos supplémentaire de quelques semaines ou de quelques mois permet la guérison, en fonction du degré de sévérité du surentraînement.

Dans le simple surentraînement, appelé functional overreaching, le résultat espéré de l’entraînement a bien été obtenu : la condition physique et les performances ont progressé, après une courte période de repos dont le corps a besoin pour se rétablir.

Défier son corps: où se situe la limite?
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À identifier rapidement

Comme les conséquences du syndrome de surentraînement sont importantes, il est essentiel de le reconnaître aussi rapidement que possible. Mais ce n’est malheureusement pas simple. Les symptômes les plus importants consistent dans une baisse notable des performances, une impression persistante et croissante de fatigue et même d’épuisement, et des troubles importants du sommeil. Et le syndrome en est déjà à un stade bien avancé lorsque ces symptômes apparaissent. Il convient donc d’y être attentif. Souvent, les athlètes commettent l’erreur d’insister pendant des mois, dans l’espoir que cela s’arrangera spontanément. C’est pourtant à ce moment qu’il est indiqué de s’adresser à un professionnel pour se faire aider. Ceci dit, il ne faut pas compter sur les examens simples pour identifier le syndrome. Les tests à l’effort avec mesure de la fréquence cardiaque et de la puissance, les analyses sanguines, la vérification des équilibres hormonaux, etc. sont tout au plus utiles pour orienter la recherche du diagnostic. Ils ne permettent jamais d’affirmer avec 100 % de certitude qu’un athlète souffre (ou pas) d’un syndrome de surentraînement.

Sept conseils

 » Les conseils suivants peuvent aider à corriger plus rapidement une surcharge possible, explique Romain Meeusen. Ils sont surtout utiles aux athlètes qui se frottent souvent à leurs limites.  » :

1. Tenez un journal de votre entraînement.

2. Évitez la monotonie excessive dans vos séances.

3. Respectez vos limites. De nombreux sportifs s’entraînent trop et trop fort par rapport à leurs capacités, partant de l’idée fausse que cela améliorera leur condition. Certains peuvent effectivement s’entraîner beaucoup, mais ne commettez pas l’erreur de les prendre en exemple. Discutez-en avec un physiologue de l’effort, qui peut suivre votre type d’entraînement et l’adapter au besoin.

4. Prenez le temps qu’il faut pour récupérer. Au cours des périodes intensives d’entraînement, réservez par exemple au moins un jour par semaine pour ne rien faire. Consacrez-le à des activités non physiques et qui vous détendent, comme regarder un film, lire, faire une sortie en voiture, jouer à l’ordinateur, etc. Les sportifs amateurs qui travaillent à plein temps doivent bien avoir conscience du fait que la récupération peut leur demander plus de temps, car ils doivent poursuivre leur vie entre les séances de sport ; un athlète professionnel peut pour sa part plus facilement se reposer totalement.

5. Dormez suffisamment. Le nombre d’heures de sommeil diffère d’une personne à l’autre. Comme repère général, vous pouvez considérer avoir suffisamment dormi lorsque vous vous réveillez spontanément et bien reposé, et que vous vous sentez frais et énergique le reste de la journée.

6. Mangez et buvez suffisamment, aux bons moments de la journée.

7. Si vous êtes blessé ou malade, assurez-vous d’être complètement guéri avant de reprendre l’entraînement. Ce conseil est aussi valable pour les refroidissements d’origine virale qui peuvent, en cas d’entraînement intensif, conduire à des infections musculaires, avec de possibles conséquences graves comme des troubles du rythme cardiaque ou une mort subite.

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