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De quoi souffrait Jeanne d’Arc ?

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

La Pucelle d’Orléans reste encore aujourd’hui une icône française. Elle entendait des voix. Mais de quoi souffrait-elle réellement ?

Depuis 600 ans en France, le destin de la jeune fille continue de susciter les passions, rappelle Slate. Mais son histoire, si elle est encore souvent sujette à débat, n’a que rarement été abordée sous l’angle médical. « Les voix qu’entendait Jeanne d’Arc sont pourtant au centre de son existence et de son mythe », souligne Slate.

De son histoire, il reste un témoignage unique et authentique de son procès qui a duré cinq mois avant sa mise à mort sur le bûcher en 1431 et qui a été retranscrit. Elle y parle notamment des voix qu’elle entendait depuis l’âge de 13 ans et de son parcours. « Il n’y a pas un jour où je ne les entends pas », déclarait-elle.

La schizophrénie ?

Jeanne d’Arc était-elle tout simplement schizophrène ? Cette maladie très fréquente, qui touche 1 % de la population, est la première hypothèse qui vient à l’esprit des spécialistes en psychiatrie et neurologie. Il s’agit de la pathologie la plus courante qui fait entendre des voix aux malades. Chez la jeune fille, les hallucinations ne sont pas seulement auditives, elles sont également tactiles et olfactives, ce qui fait penser la balance en faveur de cette maladie.

Cependant, les témoignages autour de Jeanne ne rapportent pas « de bizarrerie du contact, de discours flou ou hermétique que l’on retrouve souvent chez ces patients », commente Slate. De plus, elle présente également des hallucinations visuelles qui sont beaucoup plus rares chez les patients schizophrènes.

« Enfin, dans les psychoses, les hallucinations provoquent souvent des émotions négatives, ce qui n’est pas le cas pour Jeanne chez qui elles seront un soutient jusqu’au bûcher », détaille Slate.

Une manie délirante ?

Pour le neurologue et psychiatre Roy Didi, Jeanne d’Arc serait en fait bipolaire, car elle présente un épisode de manie délirante et d’hallucination. « Cette jeune fille de 16 ans est suffisamment désinhibée pour quitter sa campagne, aller convaincre le roi et vaincre les Anglais. […]Elle élabore des projets mégalomaniaques et est capable de contaminer les autres, de faire adhérer la royauté: il n’y a qu’une maniaque pour faire ça », explique-t-il. Dans 40% des cas, la manie peut être accompagnée d’hallucinations.

Cependant, deux ans pour une manie, ce serait un peu long selon les experts. « Mais il peut y avoir des états maniaques qui durent plusieurs années lorsqu’ils sont alimentés par des hallucinations », explique le docteur Didi.

Des crises d’épilepsie partielle ?

Les hallucinations de Jeanne pouvaient être complexes : à la fois auditives, tactiles, visuelles et olfactives. Mais elles pouvaient aussi être plus simples, composées uniquement de quelques bruits. Cela fait penser à certains qu’il pouvait en fait s’agir de crises d’épilepsie partielle.

« Brèves et fréquentes, les voix et visions lui apparaissent toujours depuis la droite, une latéralisation qui va bien avec le diagnostic d’une crise limitée uniquement au lobe temporal ».

De l’anorexie mentale ?

Jeanne d’Arc présentait également de nombreux symptômes de l’anorexie mentale. Les médecins chargés de l’ausculter durant sa détention la décrivent comme très maigre et affirment qu’elle n’aurait jamais eu ses règles. De plus, elle mangeait très peu, ce qui contrastait avec l’activité physique intense à laquelle elle se soumettait, selon l’historienne Colette Beaune.

Une adolescente affabulatrice ?

Jeanne aurait-elle simplement vécu une adolescence un peu spectaculaire ? C’est en tout cas l’hypothèse avancée dans un article paru dans la revue L’information psychiatrique. « Une affirmation de soi dans un contexte d’exaltation, un goût pour les secrets, la mystique et les excentricités vestimentaires », ce qui correspondrait selon l’auteur à la dévotion zélée de Jeanne. Dans ce cas-là, l’auteur suggère que les voix doivent être considérées comme des affabulations à une époque où entendre des voix pouvait être valorisant.

Le mystère reste entier

Malgré les nombreuses hypothèses étudiées par le milieu médical, il reste encore impossible aujourd’hui d’établir avec certitude un diagnostic sur la santé mentale de la Pucelle d’Orléans.

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