Image d'illustration © iStock

« De plus en plus de gens meurent d’une simple infection parce qu’ils ne réagissent plus aux antibiotiques »

Le Vif

C’est ce qu’a déclaré la ministre de la Santé publique Maggie De Block (Open VLD) dans une interview accordée à l’hebdomadaire flamand Humo. Nos confrères de Knack se sont demandé si elle avait raison.

« Nous avalons beaucoup de pilules », a déclaré la ministre de la Santé publique Maggie De Block (Open VLD) à Humo. « Des antibiotiques aussi. Avec tous les risques que cela comporte, car de plus en plus de bactéries deviennent résistantes. Et il y a trop d’antibiotiques dans nos volailles et notre bétail que nous finissons aussi par ingurgiter. Nous sommes en train de constituer une banque de données pour sortir ceux qui en prescrivent trop et ceux qui en consomment trop. Ce n’est pas lié à un zèle budgétaire, mais à la santé publique : nous voyons de plus en plus de gens mourir en quelques jours suite à une simple infection, parce qu’ils ne réagissent plus aux antibiotiques. »

Est-ce vraiment le cas? Quand dit « de plus en plus de gens », de combien de personnes s’agit-il ? Qui, quand, et depuis quand ? La déclaration ne concernait pas spécifiquement la Belgique, mais la situation dans le monde entier, a laissé entendre la porte-parole de Maggie De Block.

« L’exactitude de ces propos dépend en effet de l’endroit où on se trouve », déclare le professeur Herman Goossens (Université d’Anvers), une autorité mondiale en matière d’antibiotiques et de résistance bactériale. « Il est vrai qu’il y a des gens qui meurent d’infections que nous ne pouvons plus traiter. C’est assez rare dans les hôpitaux belges, mais le problème est plus grave en Europe du Sud et encore plus en Asie et en Amérique du Sud. Depuis vingt ou trente ans, le phénomène augmente lentement, mais sûrement. »

Les antibiotiques sont des substances chimiques, des médicaments qui combattent les bactéries. Bien qu’ils soient efficaces uniquement contre les infections bactériales et non contre les contaminations virales telles que la grippe et la plupart des affections des voies respiratoires, beaucoup de gens insistent tout de même pour en obtenir. La surconsommation mondiale a entraîné une espèce de « course aux armements » entre les bactéries qui s’adaptent (« mutent ») et résistent aux antibiotiques existants, et les scientifiques qui tentent de développer de nouveaux antibiotiques.

Le professeur Goossens compare le problème au réchauffement climatique et cite une étude britannique menée en 2014 par l’économiste Jim O’Neill, pour se faire une idée de l’ampleur. Selon les estimations, en 2014, 700 000 personnes seraient décédées de résistance aux antibiotiques. « Si nous ne faisons rien, d’ici 2050, ce nombre atteindra les 10 millions par an, ce qui est plus que le nombre de personnes qui meurent de cancer chaque année (8,2 millions). »

Cependant, il n’existe pas de chiffres fiables sur le nombre de morts. « Comme les patients dont nous parlons étaient souvent âgés et affaiblis, et que même sans infection ils n’avaient pas de perspectives encourageantes, il est difficile de déterminer la cause de décès exacte. « Nous disposons uniquement d’estimations brutes », explique Boudewijn Catry, chef de service de la cellule Infections liées aux soins & antibiorésistance à l’Institut scientifique de santé publique (ISP).

Catry n’avance pas de chiffres. Le seul des quatre experts qui se laisse tenter par une approximation sur base d' »estimations dépassées de 2011″, déclare « impossible à dire… 20 à 150 morts par an, en Belgique ? ». En 2017, l’ISP dressera un état des lieux du problème, déclare Catry. « Le problème sera plus important. Mais l’ampleur est impossible à prédire. »

Il n’y a pas de chiffres exacts du problème, mais comme les propos de Maggie De Block concernent le monde entier, les experts estiment qu’elle a raison et qu’il faut effectivement diminuer sa consommation d’antibiotiques.

Jan Jagers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire