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Dans une usine de Pennsylvanie, à la poursuite d’un vaccin « universel » contre la grippe

Le Vif

Face au virus de la grippe mutant chaque année, un vaccin efficace dans la durée et contre un maximum de souches fait toujours défaut, laissant planer le risque d’une nouvelle pandémie. L’industrie biopharmaceutique y travaille, mais le chemin s’annonce encore long.

Swiftwater, petite localité rurale de Pennsylvanie entre torrents poissonneux et collines boisées des Appalaches, abrite l’une des plus grandes usines au monde de Sanofi Pasteur, la division vaccins du géant pharmaceutique français Sanofi.

Ce site de 2.500 salariés produit essentiellement des vaccins saisonniers contre la grippe, selon un procédé bien établi dans l’industrie mais largement méconnu du grand public: la culture des souches virales dans des oeufs de poule.

Des centaines de milliers d’oeufs embryonnés venant de fermes spécialisées de la région sont livrés quotidiennement sur place. Avec une aiguille, un bras robotisé inocule dans chacun d’entre eux une souche atténuée du virus.

« L’oeuf est le petit bioréacteur dans lequel on peut développer le virus de la grippe », explique Franck Chassant, le directeur de l’usine.

Après quelques jours d’incubation et de réfrigération, les oeufs sont contrôlés, puis ouverts. Seul le blanc, dans lequel le virus s’est épanoui, est récolté.

Suivent diverses étapes de purification, inactivation du virus, filtration puis formulation pour rassembler différentes souches dans une dose unique de vaccin. Avec le remplissage, l’emballage et les analyses, le processus complet peut prendre jusqu’à 6 mois.

Un procédé solide, mais imparfait

Deux fois par an, en février pour l’hémisphère Nord et en septembre pour l’hémisphère Sud, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) évalue quelles seront les souches de la grippe les plus menaçantes pour l’hiver suivant et transmet ses consignes aux fabricants.

Cependant « ce processus épidémiologique tend à entraîner une faible efficacité vaccinale, notamment quand les souches retenues pour les vaccins ne correspondent pas aux nouvelles souches en circulation », explique à l’AFP Tamar Ben-Yedidia, directrice scientifique de BiondVax, biotech israélienne en pointe sur la grippe.

La technologie d’incubation dans des oeufs, bien que robuste, n’est pas non plus irréprochable: de légères différences tendent à apparaître entre les souches de départ et les antigènes obtenus au final, atténuant l’efficacité des vaccins.

Un problème dont sont conscients les fabricants, d’autant que leurs vaccins antigrippaux actuels ne sont utiles que sur une saison et protègent à des degrés divers contre 4 souches, au mieux.

Une production « plus fiable » et dans des délais plus courts peut être obtenue avec des vaccins développés à partir de cellules, selon John Shiver, patron de la recherche-développement de Sanofi Pasteur.

C’est l’une des raisons de l’acquisition l’an dernier par le groupe français de l’américain Protein Sciences, qui commercialise déjà aux Etats-Unis un vaccin antigrippal à partir de cellules d’insectes.

Mais les vaccins antigrippaux du futur devront aussi cibler des propriétés centrales du virus, qui ne mutent pas chaque année.

Biotechs

« C’est comme dans une voiture avec énormément d’options, mais dont le moteur, bien protégé, reste le même », compare Laurent Humeau, directeur de la recherche-développement chez Inovio.

Cette biotech californienne est récemment parvenue à immuniser plusieurs espèces d’animaux mammifères contre une large sélection de souches grippales des 100 dernières années, en leur injectant un fragment d’ADN commun à toutes ces souches.

Le candidat-vaccin M-001 de BiondVax cible pour sa part une sélection de peptides, des petites protéines communes au virus de la grippe, et il est censé stimuler une double réponse immunitaire.

Son intérêt réside aussi dans son stade clinique avancé: il s’apprête à être testé dès cet automne sur quelque 9.600 volontaires de 50 ans et plus en Europe de l’Est, pendant deux saisons grippales.

David Loew, le patron de Sanofi Pasteur, affirme cependant ne pas croire à la perspective d’un vaccin « universel » contre la grippe. « Beaucoup de biotechs lancent ce genre de rumeurs, c’est une exagération pour avoir des fonds », balaie-t-il.

Mais le numéro un mondial des vaccins antigrippaux ne pouvait pas risquer de rater le coche. Sanofi Pasteur a ainsi créé l’an dernier sa propre biotech interne, FluNXT, missionnée pour mettre au point un vaccin antigrippal « à protection élargie », un objectif jugé plus réaliste.

« FluNXT est l’un des plus grands projets, sinon le plus grand que nous ayons » assure M. Shiver, restant en revanche avare de détails. Selon M. Loew, développer un tel vaccin « prendra dix ans ».

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