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Conception de bébés à partir de trois ADN: « une infime partie du génome humain concernée »

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Le Royaume-Uni est sur le point d’autoriser la fécondation in vitro à partir de trois ADN différents. Si cette décision est validée fin février, il s’agirait du premier pays au monde à autoriser cette technique génétique. On a posé 3 questions au Dr Debray, du service de génétique humaine au CHU de Liège sur cette avancée génétique qui soulève des questions au sein de la communauté scientifique.

Quel est votre point de vue sur cette technique ?

Dr Debray : D’abord, il important de noter que ce n’est certainement pas une technique neuve, cela fait très longtemps que l’on travaille dessus. Mais vu que la législation doit être décidée la concernant, on en parle. En soi, ce genre de manipulation fait peur au grand public alors qu’elle ne concerne qu’une fraction minimale du gène. Pour moi, le débat n’est pas choquant, car c’est une infime partie du génome humain qui est concernée. Mais présentée comme une « grosse manipulation génétique », la technique peut faire peur, comme cela a été souvent le cas lors de telles avancées. Quand on a pratiqué la première fécondation in vitro il y a de plus d’une trentaine d’années, certaines personnes ont aussi émis leurs craintes face à ce genre de manipulations et à leurs conséquences. Maintenant, avec le recul, on sait qu’il y a un petit pourcentage seulement d’anomalies. Il est clair que ce genre de manipulations génétiques ne se font jamais sans risque, on ne peut pas prédire à l’avance ce qu’il va se passer.

Certains crient à l’eugénisme, avancent que ce procédé ouvre la voie à sélection de bébés, que leur dites-vous ?

Les applications de cette technique mêlant trois ADN différents (NDLR : voir ci-dessous les explications) sont très limitées. Elle permet d’éviter des maladies mitochondriales très rares qui concernent peut-être une dizaine de parents par an en Grande-Bretagne. ll n’est en aucun cas question ici de choisir la couleur des yeux ou des cheveux, car la manipulation génétique n’affecte qu’une infime partie des gènes des mitochondries sur des milliers d’autres gènes. D’autres techniques existent, prenons l’exemple du diagnostic préimplantatoire ou DPI (NDLR : une technique qui permet de détecter la présence d’éventuelles anomalies génétiques ou chromosomiques dans les embryons conçus après une FIV) qui a aussi ses opposants.

Cette technique pourra-t-elle être disponible un jour en Belgique ?

A ma connaissance, il n’y a pas encore de centre qui se soit lancé dans cette technique en Belgique. Le seul centre de génétique qui pourrait l’envisager est à mon sens celui de la UZ Jette qui est déjà fort avancé dans ce genre de techniques. Là, un laboratoire pourrait voir le jour. Pour éviter les dérives, il faut bien sûr que ces nouveaux procédés génétiques soient encadrés par des lois de bioéthiques comme c’est déjà le cas à l’heure actuelle pour tout ce qui touche à la reproduction humaine.

En quoi consiste la technique de remplacement des mitochondries ?

Cette technique a comme but de remplacer les mitochondries au lieu de faire appel à un classique don d’ovocyte de la part d’une donneuse. L’idée est de conserver le patrimoine génétique maternel, porté par les chromosomes qui se trouvent dans le noyau cellulaire. Pour cela, les chercheurs ont eu recours à la technique du transfert nucléaire.

Le procédé consiste à partir d’un ovocyte de la mère, contenant des mitochondries porteuses de la mutation incriminée. L’ovocyte est fécondé par un spermatozoïde paternel, le noyau de l’oeuf obtenu est ensuite prélevé. Un ovocyte provenant d’une donneuse, indemne de la maladie, a lui aussi été fécondé avant d’être débarrassé de son noyau. Le noyau comprenant la part de patrimoine génétique d’origine maternelle est alors transféré dans l’oeuf provenant de la donneuse.

L’oeuf qui en résulte comporte donc un noyau recelant les patrimoines génétiques de la mère et du père, et un cytoplasme dont les mitochondries contiennent l’ADN de la donneuse exempt de mutations. Donc, trois ADN, celui de la donneuse étant ultra-minoritaire (0,01%).

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