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Comment prendre soin de vos cicatrices?

Alors qu’auparavant, la cicatrice était considérée comme une séquelle inévitable, l’accent s’est aujourd’hui déplacé vers la qualité de la vie physique et psychologique avec ce stigmate.

On estime que chaque année, environ cent millions de personnes de par le monde vont avoir une ou plusieurs nouvelle(s) cicatrice(s). Celles-ci peuvent être divisées en trois grands groupes : celles qui découlent d’un traumatisme (accident de voiture, blessure…), celles qui font suite à une opération chirurgicale et celles qui se forment après une brûlure. Ce dernier cas est le moins fréquent mais aussi le plus lourd de conséquences.

Les brûlures se produisent très majoritairement (à 90 %) dans les pays en développement. Les cicatrices consécutives à une chirurgie sont au contraire beaucoup plus fréquentes en Occident, où il est plus courant d’opérer lorsque ce n’est pas strictement nécessaire. Celles qui font suite à un traumatisme sont à peu près aussi nombreuses partout mais tendent à toucher davantage les hommes, plus exposés aux accidents parce qu’ils exercent plus souvent des métiers physiques dans l’industrie.

Processus en trois phases

 » La cicatrisation normale se déroule en trois phases « , explique Peter Moortgat du centre Oscare, une structure de soins de suite, de recherche et de formation spécialisée dans les brûlures et les cicatrices.  » La première, celle de l’inflammation, relève d’un mécanisme de défense naturel contre les corps étrangers qui permet à l’organisme de nettoyer le lit de la plaie. Elle dure de un à cinq jours. Elle est suivie d’une phase de prolifération, au cours de laquelle on observe un afflux de cellules en provenance des tissus sous-jacents qui permettra de refermer la plaie. Cette étape prend normalement de 2 à 6 semaines.  »

La troisième phase ou phase de maturation peut prendre de trois mois à plusieurs années suivant les dimensions de la plaie. L’organisme produit alors du nouveau collagène (la composante principale de la peau), qui sera au fil du temps remplacé par une forme plus résistante.

La propension d’une lésion à laisser ou non une cicatrice dépend de plusieurs facteurs, notamment génétiques : certaines personnes y sont naturellement plus sujettes que d’autres. L’épaisseur des cicatrices tend aussi à diminuer avec l’âge, tandis que la durée de la phase inflammatoire augmente. L’origine joue également un rôle : une peau noire présente un risque accru de cicatrices dites hypertrophiques ou chéloïdes – des marques plus épaisses dues à un excès de  » peau neuve « .

Soigner la cicatrice

Le processus de guérison proprement dit peut lui aussi avoir un impact défavorable sur la cicatrisation. Si la plaie n’a pas la possibilité de se refermer, le processus de prolifération risque par exemple de se prolonger. Ceci accroît le risque de cicatrice hypertrophique, puisque le corps continue à apporter des cellules cutanées à la zone touchée et à produire du collagène.  » L’aspect final de la cicatrice dépendra aussi largement des soins de suite. Ceux-ci devraient se poursuivre tout au long de la phase de maturation et demandent donc beaucoup de temps et de patience « , observe le Pr Ulrike Van Daele (sciences de la réadaptation et kinésithérapie, université d’Anvers).  » 30 % des cicatrices ont besoin de soins de suite, dont les principaux aspects sont la protection contre le soleil, l’hydratation et la limitation des tensions sur la peau.  »

La protection contre le soleil est essentielle parce qu’une peau irritée est beaucoup plus sensible aux rayons UV, ce qui peut rendre la cicatrice durablement plus claire ou plus sombre que la zone qui l’entoure. Une bonne hydratation permettra quant à elle d’exploiter pleinement les facultés de régénération de l’épiderme. Une peau trop sèche est en effet plus sujette aux petites plaies, irritations et inflammations ; une simple crème suffira alors à la réhydrater. La thérapie par la pression (pressothérapie) à l’aide de bandages ou de vêtements de contention est régulièrement utilisée pour prévenir l’hypertrophie. Dans certains cas, on appliquera aussi un gel ou pansement de silicone pour assurer à la plaie un environnement suffisamment humide, avec l’avantage supplémentaire que ces produits limitent la tension sur la peau lésée.  » Nous savons aujourd’hui que les tensions qui s’exercent sur l’épiderme influencent énormément la formation de cicatrices, explique Ulrike Van Daele. Tous les stimuli mécaniques (mouvement, pression de l’air) sont en effet transformés dans la peau en signaux biochimiques pour la cellule, qui y réagira en augmentant/diminuant sa production de collagène ou en l’orientant dans une autre direction. Certaines personnes voient ainsi leur cicatrice se rétracter sous l’effet d’une tension constante, par exemple au niveau du coude. On pourra alors utiliser un bandage spécial pour former une sorte d’amas de peau autour de la zone lésée et la protéger des tensions.  »

Sous la peau

Au-delà de ses désagréments physiques (démangeaisons, douleur, rougeur, gonflement, limitation des mouvements…), une cicatrice peut aussi avoir un impact psychologique non négligeable. Dans la mesure où la peau est un instrument important dans nos contacts avec les autres, toute modification à ce niveau peut en effet influencer l’image et l’estime de soi.

Si les jeunes enfants voient généralement leur cicatrice comme une simple part d’eux-mêmes, la puberté représente souvent à cet égard un tournant-clé.  » Souvent, les parents vivent beaucoup plus mal une cicatrice chez leur enfant que le premier intéressé, d’une part parce qu’ils se sentent parfois coupables, d’autre part parce qu’une correction en profondeur n’est possible qu’à l’âge adulte sous peine de voir la croissance affecter la nouvelle cicatrice, explique Peter Moortgat. Si l’enfant ne juge finalement pas cette opération nécessaire une fois adulte, il faudra souvent un peu de temps à ses parents pour se faire à l’idée.  »

Le bon spécialiste

Comme bien des patients survivent désormais à leurs plaies et brûlures, on se concentre aujourd’hui beaucoup sur la qualité de la vie avec une ou plusieurs cicatrices. Les multiples facettes des soins de suite et la longueur de ce processus restent encore largement sous-estimés, sans compter que les patients sont souvent un peu abandonnés à eux-mêmes à leur retour chez eux. Ont-ils besoin d’un chirurgien esthétique, d’un dermatologue, d’un kiné ? Il est encore trop fréquent qu’ils aboutissent chez l’interlocuteur le plus adapté par hasard !

L’existence d’une qualification officielle aurait donc son utilité. C’est pour cette raison qu’à la demande du terrain, Oscare a fondé en 2010 sa Scar Academy, qui travaille depuis 2013 en collaboration avec l’université d’Anvers.  » Dans le futur, la formation voudrait distinguer trois niveaux de prise en charge, explique Peter Moorgat. Les actes réellement invasifs sont évidemment réservés aux chirurgiens. Les consultants peuvent réaliser des procédures semi-invasives comme la thérapie par laser, les injections ou les soins à base de micro-aiguilles. Enfin, la troisième catégorie recouvre les thérapeutes qui développent une approche non invasive, comme les kinés. Le patient qui s’adresse à un thérapeute ou consultant spécialisé dans les cicatrices aura l’assurance que son état sera correctement évalué et qu’il sera référé à l’interlocuteur adéquat si nécessaire. Faire disparaître la cicatrice d’un coup de baguette magique reste évidemment impossible, mais il y a souvent bien plus de possibilités qu’on ne le pense !  »

Par Tine Bergen

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