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Ballonné ? Mal au ventre ? Vous êtes peut-être intolérant au lactose

Le lait peut être à l’origine d’allergies, mais aussi d’intolérance. En cause : le lactose qu’il contient. Si l’allergie est une maladie aux conséquences graves, l’intolérance est pour sa part le plus souvent naturelle, normale et sans grandes conséquences. Si ce n’est l’inconfort causé…

Notre organisme est bien fait : il a prévu de produire une enzyme spécifique pour digérer le premier aliment que reçoit le bébé, le lait. Cette enzyme, c’est la lactase, chargée de contribuer à digérer le lactose contenu dans cet aliment maternel.  » Le bébé dispose d’un taux maximal de lactase pour bien absorber le lait de sa mère. Mais à partir de deux ans, un phénomène tout à fait naturel se produit chez la plupart d’entre nous : le taux de lactase diminue. Chez certaines personnes, cette enzyme peut aller jusqu’à disparaître « , explique Anne-Marie Lauwers, diététicienne aux Cliniques Universitaires Saint-Luc à Bruxelles. Elle est spécialisée dans les conseils aux personnes atteintes d’intolérance au lactose.

Une question culturelle

Cette diminution de production de lactase par l’organisme humain est un phénomène quasiment universel : on considère que les trois quarts de la population mondiale sont touchés par cette hypolactasie. Il s’agit de la principale cause d’intolérance au lactose. Mais de grandes variations sont enregistrées à travers le monde : en Europe du Nord, environ 20 % seulement des gens seraient concernés, alors qu’en Afrique, le taux d’intolérants au lactose atteint les 70 %, et culmine en Asie, avec 90 % ! Chez nous, on tourne dans la moyenne européenne (car les pays scandinaves sont encore moins touchés !).  » Les raisons de ces différences de prévalence ne sont pas encore expliquées. On a évoqué la piste d’une exposition plus importante au lait de vache dans les pays occidentaux, ce qui conserverait la capacité de l’organisme à se protéger, et à produire de la lactase. Mais aucune preuve scientifique ne peut confirmer cette théorie « , poursuit la spécialiste. D’autres pistes évoquent une incapacité générale de tout être humain à ses origines de digérer le lactose, mais cette aptitude serait apparue peu à peu il y a 5000 à 10.000 ans, avec la sédentarisation : les populations ont commencé à consommer le lait du bétail qu’elles élevaient, la sélection naturelle ayant fait le reste dans la persistance de cette aptitude.

Il existe d’autres causes de cette intolérance, comme un déficit congénital, c’est-à-dire que la personne est née avec un déficit génétique au niveau du gène LCT qui assure la production de lactase. Cette cause est extrêmement rare : environ 1/60.000 en Finlande. Résultat : le bébé ne supporte même pas le lait maternel, ni même les préparations pour bébés à base de lait de vache.

u0022 Il ne faut pas diaboliser le lait de vache : tous les laits de mammifères contiennent du lactose. Le tout est de choisir la forme sous laquelle les consommer ! u0022

Enfin, une maladie intestinale chronique peut aussi être la cause d’une intolérance au lactose, du fait de l’atteinte de la muqueuse intestinale.  » Dans ce cas, précise la diététicienne, il n’est pas impossible que l’intolérance au lactose soit temporaire : lorsque la maladie intestinale est traitée et guérie, l’intolérance peut alors disparaître également.  » Il ne s’agit pas d’une assurance, mais le lien doit encore être confirmé entre les deux pathologies.

Douleurs et troubles intestinaux

Si certains phénomènes d’intolérance font l’objet d’un effet de mode, ce n’est pas du tout le cas de celle au lactose. Au contraire, elle est peut-être sous-estimée, tant par le grand public que par le corps médical, qui n’y pense pas nécessairement en cas de plaintes. Car l’hypolactasie peut causer des plaintes particulièrement gênantes et inconfortables :  » Il s’agit essentiellement de ballonnements, de douleurs abdominales, de flatulences, du reflux gastrique, de la constipation et de la diarrhée chez une même personne. La personne intolérante peut aussi souffrir de nausées et vomissements. L’intensité de ces symptômes est variable en fonction de la quantité de lactose ingérée, mais aussi en fonction du taux de lactase encore disponible dans l’organisme. Car dans les cas les plus fréquents, ce taux diminue progressivement, l’absence totale de lactase étant rare. Généralement, l’intolérant conserve un taux minimal de lactase lui permettant de digérer de petites quantités de lactose.  »

C’est précisément pour cette raison que l’élimination totale des produits laitiers ne se justifie pas, dans la plupart des cas.  » Mal conseillées, des personnes qui souffrent – ou pensent souffrir ! – d’intolérance au lactose bannissent tous les aliments contenant de près ou de loin du lait de vache au profit par exemple de lait de brebis. Elles commettent une double erreur : tout d’abord, le lactose est présent dans le lait de tous les mammifères, même dans le lait de chèvre ou de brebis ; mais l’erreur principale est l’éviction totale. Car des produits laitiers provenant de mammifères peuvent être digérés par les intolérants au lactose, comme les fromages cuits, à pâte dure « , poursuit Anne-Marie Lauwers. Ainsi l’emmental contient moins de 1g de lactose par 100g, contre 4 à 5g pour le lait entier, quelle que soit son origine (vache, brebis, chèvre…). Le yaourt peut aussi être consommé sans crainte : même s’il contient quelque 3g/100ml, il provoque peu de symptômes. Les produits riches en lactose peuvent par ailleurs être consommés dans des circonstances précises pour déclencher un minimum d’inconfort : par petites quantités, de manière fractionnée ou pendant les repas, par exemple.

Ne pas exagérer !

Et c’est bien ce que regrette la diététicienne :  » Il y a une exagération dans le bannissement des produits laitiers animaux, en faveur des ‘laits’ de coco, de riz, de noix ou encore d’amandes… Or, ils ne sont pas suffisamment riches en protéines. Il vaut mieux utiliser du lait de soja, voire des laits de vache sans lactose, et donc ne pas bannir totalement tout produit laitier « , enchaîne Anne-Marie Lauwers.

Mais si l’intolérance au lactose ou sa malabsorption sont clairement installées et que l’on doit assister à un dîner important, qui contiendra des sauces, desserts ou autres préparations contenant des produits laitiers comme de la crème ou du lait, doit-on pour autant éviter d’y participer ?  » Non. Dans des cas ponctuels, il est possible de prendre, en comprimés, l’enzyme nécessaire pour digérer le lactose. Cela permettra de ne pas être indisposé. Dans certains pays, la prise à long terme est considérée comme une option. Chez nous ce n’est pas le cas : ce traitement coûte relativement cher. Manger intelligemment est la meilleure solution « , conclut la diététicienne.

Par Carine Maillard

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