Un terrain de jeu à la verticale
L’escalade a plus que jamais la cote chez les enfants, au point que beaucoup de centres affichent complet et que les listes d’attente ne cessent de s’allonger. Il faut dire qu’il s’agit vraiment d’un sport formidable qui développe non seulement la force et la condition physique, mais aussi la confiance en soi et bien d’autres facultés encore…
En pleine concentration, Léon(*) fixe le mur devant lui. Imperturbable, il laisse son regard glisser lentement vers le haut tandis que ses mains se tordent dans le vide. Il est encore jeune – dix ans tout au plus – et pas bien grand, mais l’intensité avec laquelle il se prépare mentalement à toutes les prises du parcours qui l’attend est manifeste. Soudain, il semble sortir de sa transe et regarde autour de lui, en quête d’un partenaire.
La sécurité avant tout
Quelques animatrices se chargent d’accueillir les jeunes grimpeurs. Une main passée dans les cheveux, une remarque sur leur tenue, quelques conseils pour ceux qui sont déjà à mi-parcours : l’ambiance est détendue mais aussi étonnamment calme, sachant qu’on dénombre parmi les utilisateurs de la salle près d’une vingtaine de petits. Alors qu’un groupe d’enfants a habituellement tôt fait de générer un niveau sonore à vous casser les oreilles, ici, on entend surtout le bruit d’une intense concentration. Tout au plus la respiration laborieuse de ceux qui approchent du haut du mur est-elle de temps à autre entrecoupée par les conseils de leurs assureurs, mais le silence reprend rapidement ses droits. Tout le monde dans la salle apprécie clairement le fait que cette discipline relève pour eux de l’évidence.
Notre objectif n’est pas de les former à la compétition, mais de leur permettre de s’amuser et de progresser à leur propre rythme. Erik Mercelis, exploitant de la salle d’escalade Wallstreet
Entre-temps, Léon est déjà haut. » C’est l’un de nos meilleurs jeunes grimpeurs « , glisse Erik Mercelis, qui exploite la salle avec son frère Gert. Ce dernier pratique encore beaucoup lui-même, Erik un peu moins : il veut avant tout développer un endroit où les gens se sentent bien… L’attention qu’il accorde aux plus jeunes fait partie intégrante de cette philosophie, comme en témoigne le fait que les enfants ne cessent de le solliciter pour un conseil technique ou simplement pour un peu d’attention.
» Les plus jeunes ont 8 ans, explique-t-il. Rien n’empêche de commencer encore plus tôt, mais cela doit alors se faire sous la supervision individuelle des parents ou d’un ainé expérimenté. Nos propres activités jeunesse ne sont accessibles qu’à partir de 8 ans, parce que les plus petits ne sont pas physiquement à même de gérer la corde du système d’assurage. « Comme dans pratiquement toutes les salles utilisant ces » top ropes « , les enfants travaillent en effet par paires, chacun assurant la sécurité de l’autre sur le mur d’escalade. Pour ce faire, ils sont reliés entre eux par une corde qui traverse un anneau fixé en haut du mur ; à mesure que celui qui grimpe monte, l’autre fait passer la corde à travers un dispositif d’assurage afin qu’elle reste (presque) tendue et que le grimpeur ne risque en aucun cas de tomber. » Ce système est extrêmement sûr, mais il faut une certaine force pour faire glisser la corde à travers le dispositif d’assurage. Pour les enfants trop jeunes ou trop petits, c’est un peu trop demander « , explique Erik.
Un sport très complet
Rares sont les sports qui sollicitent l’individu d’une manière aussi complète que l’escalade, et c’est justement cette spécificité qui en fait une discipline intéressante pour les enfants et les jeunes. Sur le mur, ils développent en effet l’ensemble de leur corps en s’amusant : tous leurs muscles travaillent ; ils doivent réfléchir à la manière d’atteindre le prochain point d’appui en coordonnant l’action des bras, des jambes et du tronc ; ils apprennent à jauger le risque de chute et chaque difficulté surmontée alimente leur confiance en eux. Ils apprennent aussi à communiquer avec celui ou celle qui les assure en bas du mur et qui pourra, parfois, les guider par ses conseils lorsqu’ils se retrouvent coincés à un endroit plus difficile du parcours.
Ne jamais forcer
On observe aussi que les enfants ne sont pas en permanence accrochés au mur d’escalade. » C’est un choix conscient, précise Erik. Notre objectif n’est en effet pas de les former à la compétition, mais de leur permettre de s’amuser et de progresser à leur propre rythme. Ceux qui sont vraiment motivés et doués peuvent rejoindre l’équipe de compétition, mais nous ne pousserons jamais ceux qui n’en ont pas envie. Ceux qui veulent progresser rapidement ont même la possibilité de s’entraîner avec l’équipe de compétition, mais sans forcément participer aux épreuves proprement dites. Chacun décide par lui-même quel est le niveau lui convient et dans quelle mesure il veut s’investir. »
Les normes de sécurité sont extrêmement strictes et, lorsqu’elles sont respectées, le risque d’accident est vraiment minime. Reginald Roels, fédération flamande des sports de grimpe et de montagne (KBF)
Si les animateurs prévoient tant de moments de repos, c’est toutefois aussi en partie pour éviter les risques de surcharge – un motif qu’ils expliquent très clairement aux enfants et qui semble bien compris. Dans la » salle de blocs « , dont la faible hauteur et le sol recouvert d’épais matelas de réception permettent de se passer de corde de sécurité, il n’est pas rare de voir une poignée d’enfants grimper pendant que les autres bavardent ou les observent en leur donnant des conseils. Là aussi, l’ambiance est détendue et permet à chacun de s’amuser à son propre niveau. » Certains sont naturellement doués et partent à l’assaut du mur comme s’ils avaient des années d’expérience, alors qu’ils n’ont en réalité commencé qu’il y a quelques mois. Certains deviendront d’excellents grimpeurs, d’autres décideront à un moment donné de mettre un frein à leurs ambitions et de se concentrer sur autre chose, comme la formation des plus petits, par exemple, poursuit Erik. Personnellement, cela m’est égal, tant que les gens sont heureux et prennent plaisir à ce qu’ils font. Au final, c’est cela qui compte ! »
Extrêmement sûr, même pour les enfants
Ceux qui sont convaincus que l’escalade est une activité réservée aux accros à l’adrénaline et bien trop dangereuse pour les enfants ont tout faux. En comparaison avec d’autres disciplines populaires comme le football, le vélo, le tennis, etc., on peut même affirmer que c’est au contraire un sport très sûr ! » Les normes de sécurité sont extrêmement strictes et, lorsqu’elles sont respectées, le risque d’accident est vraiment minime « , assure Reginald Roels, responsable assurances de la fédération flamande des sports de grimpe et de montagne (KBF). D’ailleurs c’est bien simple : aucun accident d’escalade sur mur impliquant un enfant ne lui a encore été signalé cette année ! D’après lui, les incidents sont très largement la conséquence d’un manque d’attention, ce que confirme la base de données des accidents d’escalade établie aux Pays-Bas. Il souligne en outre que les cas graves sont assez exceptionnels, tout en concédant qu’il n’est évidemment jamais agréable d’être victime d’une fracture ou d’une foulure, même plus bénigne.
» Le risque de chute – la grande hantise de bien des parents ! – est en réalité plus faible chez les enfants que chez leurs ainés, remarque Erik Mercelis. Les adultes sont plus lourds et l’assureur doit être très attentif à ne pas les laisser redescendre trop brutalement. Les petits, eux, sont souvent tellement légers qu’ils restent suspendus dans le vide lorsque l’assureur lâche la corde ; il devra souvent la pousser activement dans le dispositif de sécurité pour les faire revenir au sol. »
(*) prénom d’emprunt
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