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Le rapport « TVA » de la Cour des Comptes était-il trop conciliant ?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

La Cour des comptes a étudié le système des remboursements de TVA accordés par le fisc, qui concernent de gros montants. Son rapport semble fort accommodant. Explication.

Chaque assujetti à la TVA doit déposer une déclaration tous les mois ou tous les trimestres en fonction de son chiffre d’affaires, et verser un montant de TVA au fisc. Il existe nombre de circonstances, temporaires ou structurelles, où un assujetti doit récupérer un montant supérieur à ce qu’il doit payer à l’administration. Ces remboursements TVA atteignent des sommes énormes. En 2016, ce sont plus de 13 milliards d’euros qui ont ainsi été restitués, alors que les recettes nettes de TVA de l’Etat s’élevaient à 28 milliards. Il est donc essentiel pour le fisc de contrôler si ces remboursements se font sans préjudice pour le Trésor ni inégalité de traitement pour le contribuable.

La Cour des comptes a remis, en mars dernier, un rapport sur le sujet. Son constat : le système fonctionne plutôt bien, excepté quelques problèmes au niveau de l’intégration de banques de données, de la transparence entre services et une politique plus tolérante de certains contrôleurs pour autoriser les entreprises à obtenir un remboursement mensuel plutôt que trimestriel. Pas de quoi fouetter un chat… Mais, au Réseau pour la justice fiscale (RJF), on juge ce rapport – d’ailleurs avalisé par le ministre des Finances sans la moindre remarque – fort accommodant. Un expert nous explique que le document est pauvre en chiffres, contrairement aux pratiques habituelles de la Cour.

 » Il y a de grosses lacunes sur les contrôles effectifs et leurs rendements « , s’étonne Victor Serge,/ du RJF, qui donne un exemple : la Cour des comptes n’a visiblement pas interrogé le SPF Finances quant au nombre de contrôles effectués sur les restitutions TVA trimestrielles qui concernent les PME et la grande majorité des entreprises. La Cour se contente de répertorier le nombre de dossiers sélectionnés en vue d’un contrôle et non le nombre de contrôles eux-mêmes.

Or, les statistiques fiscales que nous avons consultées montrent qu’en 2014 et 2015, seulement 25 % des dossiers sélectionnés ont été contrôlés et moins de 6 % en 2016, l’année de la réorganisation du fisc, qui a vu les services classiques TVA absorbés dans des unités communes avec les services ISR (impôt sur les revenus). Une réorganisation qui pose question pour le sujet qui nous occupe. En effet, jusqu’en 2015, les objectifs du SPF Finances en matière de contrôle des crédits TVA étaient bien respectés. En 2016, ceux-ci chutent drastiquement, à moins de 20 % de l’objectif, puis reprennent un peu de couleurs en 2017, sans atteindre les niveaux antérieurs à la réorganisation. Résultats : en 2014, 35 millions d’euros de crédits TVA ont été rejetés et, en 2016, seulement 6 millions.

Est-ce dû à un problème d’affectation du personnel formé pour ce contentieux ? Le rapport de la Cour des comptes est muet sur ce point. Or, comme nous le précise Aubry Mairiaux, président de l’UNSP-Finances, les syndicats demandent depuis des mois d’avoir des données précises sur le nombre d’agents TVA subsistant dans les unités de gestion et de contrôle de l’administration. En vain. De bonne source, on sait que les unités de contrôle du pilier PME manquent cruellement d’agents TVA. Autre précision : les 7 230 assujettis bénéficiant d’une autorisation de remboursement mensuel (principalement des grandes entreprises) ne font l’objet d’aucun contrôle particulier.

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