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Traiter l’insomnie, mais comment ?

Prendre un somnifère pour mieux dormir n’est généralement pas une bonne idée. Quels sont les risques et les limites de ces produits ? Quels mythes circulent encore à leur sujet ? Quel regard porte le médecin sur vos troubles du sommeil ? Que pouvez-vous faire vous-même pour y remédier ?

Au début de cette année, le SPF Santé publique a une fois encore remis la problématique sur le tapis au travers d’une campagne de sensibilisation (*) : les Belges consomment beaucoup trop de somnifères… et ils seraient bien inspirés de penser d’abord à d’autres solutions.  » Il est évident qu’un somnifère est parfois indiqué – par exemple lorsque, submergé(e) par l’émotion après le décès d’un proche, vous n’arrivez vraiment plus à trouver le sommeil. Les médicaments offrent alors une solution temporaire… mais mieux vaut, pour toute une série de raisons, ne pas les utiliser plus d’une ou deux semaines, confirme le Pr Johan Verbraecken, qui préside la Belgian Association for Sleep research and Sleep medicine (BASS).

Pourtant, bien des gens ont l’illusion de mieux dormir avec une pilule, alors qu’ils se réveillent en réalité davantage au cours de la nuit… mais ne s’en souviennent plus le matin venu, parce que ces produits provoquent des pertes de mémoire transitoires.

 » Une accoutumance et une dépendance peuvent aussi s’installer dès deux semaines d’utilisation, poursuit le spécialiste. Et ce n’est pas vrai uniquement pour les benzodiazépines classiques, comme on le croit encore trop souvent : la supériorité des produits plus récents (zolpidem, zopiclon) à cet égard n’est pas démontrée.  »

De dangereux effets résiduels

L’accoutumance signifie qu’il faut absorber des doses de plus en plus importantes pour obtenir l’effet souhaité… ce qui accroît malheureusement aussi le risque d’effets indésirables.  » Les somnifères peuvent provoquer non seulement un manque d’énergie, une somnolence ou des troubles de la concentration, mais aussi des problèmes de mémoire, un émoussement de l’affect et même une confusion, en particulier chez les personnes âgées. Au lendemain de la prise, il arrive aussi de ressentir une faiblesse musculaire et des facultés de coordination, de jugement et de réaction moins affutées que d’habitude. Tous ces effets peuvent affecter le fonctionnement quotidien, favoriser les chutes chez les personnes âgées et comporter certains risques pour la conduite de véhicules ou de machines.  »

L'accoutumance signifie qu'il faut absorber des doses de plus en plus importantes pour obtenir l'effet souhaité... ce qui accroît malheureusement aussi le risque d'effets indésirables.
L’accoutumance signifie qu’il faut absorber des doses de plus en plus importantes pour obtenir l’effet souhaité… ce qui accroît malheureusement aussi le risque d’effets indésirables.© ISTOCK

L’effet résiduel des somnifères dépend non seulement du dosage, mais aussi de la durée de leur présence dans le sang sous une forme active ; c’est pour cette raison que l’on distingue les benzodiazépines à courte, moyenne et longue durée d’action et que le zolpidem à courte durée d’action n’est pas tout à fait comparable au zopiclon, dont l’effet est un peu plus prolongé. Chez les personnes qui ont des difficultés à trouver le sommeil plutôt qu’à rester endormies, le problème sera parfois résolu par un somnifère à courte durée d’action dont les effets résiduels resteront généralement limités.  » Pour autant, du moins, que ces produits soient correctement utilisés, précise le Pr Verbraecken. Certains patients n’hésitent en effet pas à reprendre une dose s’ils se réveillent au cours de la nuit. Le lendemain matin, ils ne s’en souviennent absolument plus et n’ont donc pas conscience du risque d’effets résiduels, avec toutes les conséquences qui en découlent !  »

Arrêter ? Pas si simple !

Si les somnifères à courte durée d’action provoquent moins d’effets résiduels lorsqu’ils sont correctement utilisés, ils sont par contre associés à un effet  » rebond  » plus marqué – un phénomène qui trahit l’installation d’une dépendance.  » Lors de l’arrêt du traitement ou de la réduction du dosage, les insomnies réapparaissent de plus belle et peuvent parfois même être pires qu’auparavant. Il arrive souvent que le patient ait alors des rêves très intenses ou des cauchemars. Des angoisses, des symptômes grippaux, des troubles sensoriels et même des manifestations psychotiques ne sont pas à exclure.  » Pour éviter ces symptômes de sevrage, il faut étaler l’arrêt sur au moins six mois, sous la supervision d’un médecin.

Traiter l'insomnie, mais comment ?

À côté des somnifères soumis à prescription, certains produits en vente libre et suppléments alimentaires passent pour favoriser un bon sommeil et améliorer les insomnies. Il s’agit principalement de préparations à base de plantes comme la valériane, la mélisse officinale, l’aubépine, la passiflore et le houblon.  » Elles peuvent avoir leur utilité si vous ne recherchez qu’un effet modeste, mais nous ne les recommandons pas en routine parce que leur efficacité n’est pas suffisamment démontrée. Il en va de même pour la mélatonine, que l’on retrouve également dans certains de ces produits. Il s’agit d’une substance produite naturellement par l’épiphyse, qui fait surtout office de régulateur de l’horloge biologique.  » Le somnifère idéal reste donc clairement à inventer…

Prendre le mal à la racine

Chez environ 80 % des patients, les insomnies sont conditionnées, ce qui signifie qu’il s’agit d’un mauvais comportement appris… et qui peut donc aussi se désapprendre par une prise de conscience et des exercices appropriés. La réponse à bien des insomnies passe avant tout par une bonne hygiène du sommeil ! ( voir cadre)

 » Les troubles du sommeil peuvent toutefois aussi être provoqués ou favorisés par une maladie physique ou mentale, précise Johan Verbraecken. Votre médecin recherchera ce genre de problème de façon ciblée. Il pourra également déterminer si, et à quel stade du traitement, il est opportun d’effectuer une analyse dans un laboratoire du sommeil. Si vous ronflez la nuit et que vous avez tendance à somnoler en cours de journée, il est possible que vous souffriez d’apnées du sommeil, mais les examens pourraient aussi révéler par exemple la présence d’une dépression atypique – deux problèmes qui nécessiteront évidemment un traitement adapté.  »

Votre médecin passera également en revue vos traitements médicamenteux susceptibles d’induire des troubles du sommeil. C’est le cas par exemple de certains antiallergiques : le simple fait de modifier le moment de la prise peut parfois suffire à améliorer la situation.

(*) www.health.belgium.be/fr/sante/prenez-soin-de-vous/medication/somniferes-et-calmants

Traiter l'insomnie, mais comment ?
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Quelques conseils pour mieux dormir

– Levez-vous toujours plus ou moins à la même heure.

– Si vous faites la grasse matinée, ne traînez pas au lit pendant plus d’une heure.

– Limitez les siestes à une demi-heure au maximum et ne dormez plus après 15 h. Si vous avez du sommeil à  » rattraper « , allez plutôt vous coucher plus tôt.

– Limitez votre consommation de caféine (café, thé, certains sodas, chocolat…), en particulier après 15 h

– Évitez les repas lourds et l’alcool moins de deux heures avant le coucher.

– La cigarette (nicotine) et les joints (cannabis) ont un impact délétère sur la qualité du sommeil.

– Exposez-vous tous les jours à la lumière du soleil pendant au moins une demi-heure et efforcez-vous d’être physiquement et mentalement actif tout au long de la journée.

– Le soir, détendez-vous ; n’utilisez plus d’ordinateur, de tablette ou de smartphone l’heure qui précède le coucher.

– N’allez vous coucher que quand vous êtes vraiment fatigué(e). Si vous ne dormez toujours pas après 20 minutes, levez-vous et faites une activité relaxante (lire, écouter de la musique…) avant de réessayer.

– Si vous avez tendance à ruminer dès que vous posez la tête sur l’oreiller, essayez de tenir un journal et de mettre vos problèmes sur papier. Si nécessaire, gardez un bloc-notes sur votre table de nuit.

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