Une patiente m'a demandé un jour si la sclérodermie systémique, c'était la même chose que la sclérose en plaques, la maladie qui avait emporté son conjoint. Cette angoisse l'avait empêchée d'entendre tout ce que son médecin lui avait expliqué jusque-là. © ISTOCK

Repartir du bon pied

Face à la survenue d’une maladie grave, notre esprit est traversé par une multitude de pensées qui ne nous aident pas toujours à avancer. Il est d’autant plus important de s’y arrêter.

Imaginons que vous soyez atteint(e) d’une maladie chronique pour laquelle il n’existe aucun traitement curatif – la polyarthrite rhumatoïde, par exemple. Le regard que vous portez sur votre pathologie peut alors avoir une influence bien réelle sur votre bien-être, sur vos symptômes et même sur vos chances de survie. Ce regard peut influencer le choix des traitements : opposition aux traitements lourds considérés comme des poisons pour aller vers des remèdes naturels ; bon suivi des recommandations du médecin en qui le patient a confiance ; méfiance envers le corps médical qui n’avance pas les mêmes explications irrationnelles glanées sur internet… Le vécu, l’interprétation et la perception de la maladie sont donc loin d’être anodins !

Un impact sous-estimé

Infirmière et docteure en sciences biomédicales, Seher Arat a travaillé pendant huit ans comme consultante pour des patients atteints de maladies rhumatismales systémiques, une expérience qui lui a permis de mesurer pleinement l’ampleur du rôle de la perception de la maladie.  » La manière dont un patient vit son problème de santé est vraiment déterminante, affirme-t-elle d’emblée. La perception de la maladie commence avant même le premier contact avec un soignant. Imaginons par exemple que vous souffriez de maux de ventre. Dans un premier temps, vous allez décider d’attendre un peu, de faire plus attention à ce que vous mangez ou de fouiller votre armoire à pharmacie en quête d’un médicament utile. Ensuite, vous allez réévaluer la situation : la douleur s’est-elle améliorée ? Devriez-vous consulter un médecin ? Prendre l’avis d’une amie ou du Dr Google ?  » Cette perception de la maladie relève aussi d’un processus dynamique, qui peut, surtout au début, être influencé par les contacts avec les autres et par les informations glanées dans les médias.

Cinq domaines

La perception de la maladie – comprenez, la construction mentale que nous élaborons lorsque nous sommes confrontés à un problème de santé – est une notion clairement définie en psychologie de la santé. Elle possède une composante cognitive et une composante émotionnelle. La première recouvre à son tour cinq grands domaines : l’identité (qu’est-ce qui m’arrive, qu’est-ce que je sais des symptômes ?), les causes (pourquoi est-ce que cela m’arrive, quelles causes puis-je pointer du doigt ?), les conséquences (quelles conséquences la maladie a-t-elle pour moi ?), le temps (combien de temps cela va-t-il durer ?) et la guérison ou le contrôle (la maladie peut-elle se soigner ? être maîtrisée ?). Il va sans dire que la réponse à ces questions va avoir un impact tant sur notre comportement que sur nos émotions.  » Les deux vont de pair, même si l’une ou l’autre facette peut prendre le dessus, souligne Seher Arat. Lorsque nous sommes submergés par l’émotion, nous allons par exemple beaucoup pleurer ou parler de notre problème. Lorsque c’est au contraire l’aspect rationnel qui domine, nous nous astreindrons à faire scrupuleusement les exercices appris chez le kiné.  »

Repartir du bon pied

Les questionnaires visant à sonder la perception de la maladie restent malheureusement beaucoup trop peu utilisés à l’heure actuelle.  » Dans l’ensemble, les patients sont bien informés au sujet de leur pathologie, mais les soignants aussi devraient essayer de se faire une idée de la manière dont les malades perçoivent leur propre problème et des connaissances qu’ils possèdent déjà. Certaines personnes sont par exemple convaincues que leur lupus découle d’un excès de stress. Il est important de le savoir pour pouvoir les détromper. Si le patient s’accroche à une information erronée ( » inadaptée « ), il sera à peu près impossible de lui faire assimiler celle qui est correcte.  »

Parfois, ce sont aussi les angoisses du malade qui empêchent l’information de passer :  » Une patiente m’a demandé un jour si la sclérodermie systémique, c’était la même chose que la sclérose en plaques, la maladie qui avait emporté son conjoint. Cette angoisse l’avait empêchée d’entendre tout ce que son médecin lui avait expliqué jusque-là.  »

Orienter les comportements

Pour orienter les comportements de santé dans la bonne direction, il faut avant tout être attentif à la perception de la maladie et du traitement.  » Il existe par exemple une foule d’idées préconçues concernant la cortisone, illustre Seher Arat. Quand on prescrit ce traitement, il faut donc toujours s’efforcer d’évaluer ce que le patient a déjà entendu. ‘Mon cousin a pris 10 kg sous cortisone’ ou ‘le pharmacien a froncé les sourcils en voyant l’ordonnance’ sont des pensées qui peuvent influencer la compliance thérapeutique.  » Peut-on également influencer la perception de la maladie dans un sens favorable ?  » Il n’y a pas de solution toute faite, mais oui, c’est possible. Cela dépend un peu de la phase dans laquelle se trouve le patient. Avoir une idée claire de sa vision et de ses questions et angoisses pour y apporter les bonnes réponses est un premier pas important.  »

*Seher Arat, The impact of illness perceptions on health outcomes in patients with multisystem diseases, KU Leuven, 10 novembre 2017.

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