© ISTOCK

Quitter (encore) plus vite la maternité

Après un accouchement, les femmes belges passent en moyenne quatre nuits à l’hôpital. À un croire un projet-pilote réalisé dans plusieurs établissements de soins, ce séjour pourrait parfaitement être raccourci… à condition du moins que la mère et l’enfant puissent bénéficier de soins postnataux de qualité à la maison.

Alors qu’il y a une trentaine d’années, il était tout à fait normal qu’une jeune maman passe toute une semaine à l’hôpital après son accouchement, elle rentre aujourd’hui chez elle après quatre jours en moyenne… et la ministre fédérale de la Santé Maggie De Block aimerait que ce séjour soit encore raccourci. À sa demande, six projets-pilotes sont actuellement en cours dans des maternités flamandes pour examiner s’il est effectivement possible de réduire encore le temps passé à la maternité et quelles sont pour cela les conditions nécessaires. Si le bilan est positif, ce modèle a de grandes chances d’être déployé dans l’ensemble du pays.

Quelle est la durée envisagée pour ce séjour  » plus court  » à la maternité ? Dans le cadre de ce projet, la norme est de trois nuits après un premier accouchement par voie basse sans complications, de deux nuits à partir du second accouchement et de quatre nuits après une césarienne. Heureusement, la mère et l’enfant ne quittent la maternité qu’en l’absence de risque de complications.

Contexte historique

D’après Anne Dedry, spécialiste en sociologie de la famille, cette diminution drastique s’explique par la convergence d’un certain nombre de mouvements qui se sont renforcés mutuellement :  » Le premier, qui remonte aux années 80, émane de la base. À une époque où la péridurale venait de faire son apparition et où le bistouri était sorti presque en routine, un petit groupe de femmes a commencé à protester contre la médicalisation de l’accouchement et à réclamer le droit de décider de ses modalités et de son cadre. Elles n’étaient qu’une minorité, mais leurs idées ont fait leur chemin.  »

La future maman devra être préparée au séjour en clinique plus court déjà au cours de la grossesse.

Dans le même temps, on a commencé à réaliser que la durée de l’hospitalisation après un accouchement était souvent plus brève dans d’autres pays.  » Les Néerlandaises, par exemple, accouchent fréquemment à la maison ou ne passent qu’une seule nuit à l’hôpital ; les Britanniques rentrent généralement chez elles après 2-3 jours.  »

Sur le plan scientifique, l’idée s’est aussi de plus en plus imposée que la grossesse et l’accouchement ne sont pas des maladies et n’exigent donc pas d’hospitalisation prolongée.  » Un constat évidemment bienvenu à un moment où l’on commençait à prendre conscience du coût extrêmement élevé des lits hospitaliers, poursuit Anne Dedry.  »

Collaboration et concertation

Si les jeunes mamans doivent rentrer plus rapidement chez elles après l’accouchement, il est évidemment capital que les soins à domicile leur assurent un soutien optimal. Heureusement, les soins postnatals ont été fortement développés ces dix dernières années.  » Idéalement, les sages-femmes qui travaillent en première ligne ne devraient plus exercer en solo mais s’organiser en cabinets de groupe afin de garantir la qualité et la continuité des soins. C’est d’ailleurs l’une des recommandations que nous avons formulées dans notre évaluation intermédiaire, précise Lies Versavel qui participe au pilotage du projet. La collaboration permet d’améliorer les soins, tout comme la concertation et la communication entre tous les prestataires concernés – gynécologue, pédiatre, sage-femme, généraliste, acteurs des soins postnataux, ONE/Kind & Gezin… Sur ce plan, un écueil s’est fait jour : les prestataires utilisent encore trop souvent chacun son propre dossier. Un dossier électronique partagé sera vraiment une condition sine qua non si nous voulons continuer à évoluer vers des séjours plus courts.  »

Les Britanniques rentrent généralement chez elles après 2-3 jours.
Les Britanniques rentrent généralement chez elles après 2-3 jours.© BELGA

Les mamans satisfaites

La charge de travail accrue pour les sages-femmes, gynécologues et pédiatres hospitaliers constitue un autre point d’attention.  » L’information et les soins médicaux doivent en effet s’organiser à l’intérieur d’un laps de temps très court, rappelle Lies Versavel. S’ajoute à cela la nécessité d’examens supplémentaires, puisque la mère et l’enfant ne peuvent évidemment quitter la maternité que si nous sommes certains qu’il n’y a aucun danger. L’examen à sept jours, qui se faisait autrefois à l’hôpital, peut éventuellement être effectué à domicile par le généraliste – les médecins de famille ont d’ailleurs la possibilité de venir suivre chez nous une formation spécifique dans ce domaine.  »

Les recommandations épinglent encore la nécessité d’identifier le plus efficacement possible les familles vulnérables afin d’éviter qu’elles ne passent entre les mailles du filet.  » Il va sans dire que la future maman devra aussi être préparée au séjour en clinique plus court bien à l’avance, au cours de la grossesse, conclut Lies Versavel. Elle pourra ainsi organiser à temps les soins postnatals et prendre contact avec la sage-femme qui assurera son accompagnement. Les femmes qui ont testé ce système semblent satisfaites, ce qui rejoint la tendance que nous avons observé par ailleurs : les jeunes mamans trouvent de plus en plus normal de quitter rapidement la maternité… et ce non seulement parce que le système les y encourage, mais parce qu’elles-mêmes le souhaitent.  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire