Care-YS, un parc industriel hyperspécialisé dédié à la personne âgée. © ASYMÉTRIE

Quitte ou double

Souvent annoncée, toujours reportée, l’arrivée d’un centre commercial à Namur se fait attendre. Pour les autorités, il en va de la survie du commerce dans la capitale wallonne. En attendant, en périphérie, la ville parie sur le zoning du futur.

Contrairement aux autres grandes villes wallonnes, la force du commerce namurois réside dans un équilibre, bien que fragile, entre le centre-ville et sa périphérie : on retrouve principalement au centre des commerces liés à la personne (vêtements, chaussures, beauté, culture, etc.), tandis que les quartiers périphériques accueillent des commerces alimentaires ou des articles encombrants. Une complémentarité que la ville veut absolument conserver pour garantir l’animation de son centre.

Ce modèle propre à Namur est envié par d’autres villes qui voient leur centre vidé après l’arrivée d’un centre commercial, mais il est menacé. Si Namur est la troisième ville commerciale de Wallonie après Louvain-la-Neuve et Waterloo, la rue de Fer, cette rue commerciale à ciel ouvert, a perdu en dix ans trois places au classement des artères les plus fréquentées de Belgique. Elle se situe désormais à la huitième position, en accueillant 130 000 passants par semaine. La plus grande menace serait de voir s’installer, en dehors du centre-ville, un centre commercial concurrent qui attirerait ces nombreuses enseignes en recherche d’espaces.

20 000 m2 en plus

C’est tout l’objectif de la construction d’un futur centre commercial sur le square Léopold afin de renforcer l’attractivité du centre-ville.  » Toutes les villes wallonnes ont multiplié les mètres carrés de commerce. De notre côté, on a suivi la stratégie de Maastricht, avec un centre commercial en connexion directe avec les commerces existants. Il se limitera à 20 000 m2, soit l’équivalent de l’extension envisagée pour l’Esplanade à Louvain-la-Neuve. De la sorte, ce centre commercial ne sera jamais autosuffisant. Il aura besoin que le reste des commerces à Namur fonctionne « , affirme l’échevin de l’aménagement du territoire, Arnaud Gavroy (Ecolo).

Depuis longtemps, l’arrivée d’un centre commercial à Namur est évoquée, puis retardée, tant le dossier est polémique et les investisseurs pas toujours suffisamment fiables. Cette fois-ci, cela devrait normalement aboutir après le consensus trouvé à la suite de la consultation populaire qui s’était opposée au projet initial. Un nouveau promoteur a été désigné et le choix s’est porté sur le groupe Besix. Et les autorités sont confiantes quant à son développement.  » On espère que le projet sorte de terre d’ici trois à quatre ans « , indique Luc Gennart (MR), l’échevin du commerce.  » 20 000 m2, c’est le nombre de mètres carrés qui manquent à Namur. On a un millier de petits commerces actuellement en ville dont la surface moyenne est de 80 m2 alors que les demandes que nous recevons sont pour des commerces de 200 à 300 m2.  »

En attendant, afin de maintenir l’attractivité du centre, la Ville draine les promoteurs vers le futur centre commercial.  » On parle de 70 000 à 80 000 m2 de projets, soit le centre-ville de Namur ! Les projets pleuvent, notamment de la part de grandes enseignes et des promoteurs. Mais comme on n’a pas de cellule de 300 m2, la pression est très forte pour construire en périphérie, ce qu’on ne veut absolument pas « , poursuit Luc Gennart.

Ainsi, un moratoire sur le développement commercial à Erpent a été mis en place durant deux ans jusqu’en 2018, étant donné que les promoteurs désireux d’investir dans des développements commerciaux à Namur s’en étaient détournés, ne voyant pas venir le centre commercial. Néanmoins, des changements sont attendus en périphérie à l’instar du déplacement du magasin Carrefour de Jambes qui déménagera sur le terrain juste en face, terrain qui a fait maintes fois l’objet d’un projet de centre commercial, lui aussi de 20 000 m2 avec la construction de logements. A Belgrade, l’ancien site du contrôle technique devrait devenir un pôle commercial de 9 000 m2 destiné au bricolage.

A l’heure de la Silver Economy

A côté de ces enjeux commerciaux, l’autre grand projet à sortir de terre est économique. Il s’agit de Care-YS, le futur parc dédié au vieillissement. Une première en Wallonie. En 2030, une personne sur cinq aura plus de 65 ans. En partant de ce constat, le Bureau économique de la province (BEP) et la Ville de Namur ont décidé de dédier les 13 hectares de terres agricoles le long de la chaussée de Louvain, sur le plateau de Bouge, à la santé.  » L’enjeu est à la fois de permettre à la population vieillissante de vivre dignement mais aussi de permettre à l’économie marchande de répondre à ces besoins nouveaux « , explique Renaud Degueldre, directeur général du BEP.

Une étude du BEP a montré que la santé est le cinquième secteur le mieux représenté dans la région namuroise en nombre d’employeurs et d’employés.  » L’idée s’appuie aussi sur la présence d’acteurs majeurs du secteur (hôpitaux, mutualités, universités et centres de recherche, entreprises de pointe) et la volonté affichée de la Ville de se positionner, en tant que smart city, sur les nouveaux modes de vie urbains « , ajoute Renaud Degueldre.

Care-YS pourrait accueillir des activités comme l’accompagnement de la personne âgée à domicile, son autonomie, la domotique, la santé nutritionnelle ou encore l’e-santé. Les partenaires potentiels sont les mutualités, les hôpitaux, les associations de soins et d’assistance aux personnes, mais aussi les universités comme l’UNamur, Gembloux Agro Bio Tech et l’UCL qui développe un projet de test  » grandeur nature  » à Louvain-la-Neuve sur les services, outils et usages à développer autour du vieillissement de la population.

Outre la commercialisation du parc, l’objectif est aussi de mener une politique orientée Silver Economy, l’économie dédiée au troisième âge, inspirée d’autres projets à l’étranger comme Silver Normandie à Colombelles, Silver Valley à Ivry-sur-Seine, en France, ou encore le projet Mutua Terrassa, en Espagne. Le parc devrait permettre la création à terme de 350 emplois pour un coût approximatif de sept millions d’euros. L’installation des premières entreprises sur le zoning de Care-YS est prévue pour 2020.

Ce nouveau parc économique viendra compléter l’offre de zonings namurois. Les parcs industriels de Naninne et Rhines sont saturés. Très atypique, il risque de devenir un modèle de zonings pensés comme des quartiers intégrés à la ville. C’est toute l’ambition de Care-YS : petit, incorporé à son environnement et hyperspécialisé.  » On est habitué à installer des zonings de 50 à 100 hectares, voire davantage. Avant, on prenait des terres agricoles et on les transformait en parc d’activité économique en en rassemblant le plus possible, sans étudier de cohérence particulière « , reconnaît Renaud Degueldre.

Par Pierre Jassogne

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