Fred Vargas signe des intrigues à contre-courant des thrillers high-tech. © JOËL SAGET/BELGAIMAGE

« Quand sort la recluse », le nouveau polar arachnéen de Fred Vargas

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Pour le grand bonheur de ses lecteurs, Fred Vargas ne se lasse pas du commissaire Adamsberg. Son nouveau polar, en l’espèce arachnéen, se délecte comme une madeleine.

Et Danglard qui craignait que vous ayez changé.  »  » J’ai sans doute empiré, rien de bien grave.  » Il est des retours, et des répétitions, qui plongent les lecteurs dans un bonheur littéraire difficile à exprimer, où l’objectif, paradoxal pour un roman policier, n’est pas tant d’être surpris que conforté dans ses certitudes.

Les enquêtes de l’évanescent Jean- Baptiste Adamsberg suscitent définitivement ce sentiment : seize ans après L’Homme aux cercles bleus, la Française Fred Vargas publie le neuvième roman mettant en scène son célèbre commissaire, sa brigade et ses manières à nulle autre pareilles. On l’avait laissé, dans Temps glaciaires, sur les rives de l’Islande ; on l’y retrouve dans Quand sort la recluse, à l’heure de reprendre l’avion pour Paris, et de se découvrir une nouvelle plaie à gratter. Ou plutôt une piqûre : celle que laisse  » l’araignée recluse  » à ses victimes – trois vieilles personnes en sont mortes du côté de Nîmes, et il faut être un peu tordu pour y voir autre chose qu’une anomalie statistique. Celle, aussi, plus métaphorique, qui meut fondamentalement Adamsberg, à l’image de son voisin Julio qui continue à ressentir la piqûre d’araignée qu’il a eue sur le bras avant de se le faire couper, et à propos de quoi Adamsberg a tiré l’un de ses adages :  » Ne jamais laisser une piqûre en plan, toujours la gratter jusqu’au bout, jusqu’au sang, sauf à risquer d’être démangé toute sa vie.  »

Ecrivaine et archéozoologue

Quand sort la recluse, par Fred Vargas, éd. Flammarion, 478 p.
Quand sort la recluse, par Fred Vargas, éd. Flammarion, 478 p.© DR

Certes, ce polar-ci se veut peut-être un peu plus sombre – la brigade va se déchirer, l’adjoint Danglard se barrer – et l’intrigue va faire appel à d’autres références de Vargas, en particulier à sa trilogie écrite entre 1995 et 1997, Les Evangélistes. Mais sa réussite se situe à nouveau dans sa parfaite récurrence : Adamsberg ne change pas (il n’a toujours aucune méthode, mais bien la tête ailleurs, les idées dans le vent et ses deux montres cassées au poignet), et la tribu d’iconoclastes formant sa brigade est à nouveau au rendez-vous : Adrien Danglard,  » tenant de la logique linéaire et de la rationalité  » avec son érudition, sa mauvaise humeur et sa consommation de vin blanc, Violette Retancourt et ses 120 kilos, Froissy et son obsession de la bouffe, Voisenet et ses amours animalières, mais aussi Veyrenc, Mercadet ou Estalère, toujours missionné au café. Les mêmes, et les mêmes repères littéraires que dans Un lieu incertain, L’Armée furieuse ou Pars vite et reviens tard : des intrigues historiques, poétiques et provinciales à contre-courant de la modernité ou des thrillers high- tech, et un talent marqué pour les dialogues, aussi nombreux que drôles. Comme à chaque fois, aussi, l’autre vie de Fred Vargas (Frédérique Audoin- Rouzeau, de son vrai nom) vient fortement influencer l’écrivain : chercheuse au CNRS, titulaire d’un doctorat en histoire sur la peste au Moyen Age, et toujours activement archéozoologue mediéviste, cette Fred-là alimente en sujets et en érudition les récits de cette Fred-ci.

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