© FRANZ CHAVAROCHE/BELGAIMAGE

Parfois, il m’arrive de rêver…

J’exerce le métier d’infirmière dans un service de soins intensifs et je preste quelques jours de soins à domicile par mois, complémentaires à mon temps plein à l’hôpital.

J’ai 26 ans et ai déjà assisté à la mise au monde de plusieurs enfants… Mais aussi à la mort de nombreux patients. J’ai l’habitude d’entrer dans l’intimité de parfaits inconnus pour leur faire la toilette, faire des pansements, mettre des cathéters ou des sondes… Je nettoie chaque jour leurs excréments, je ramasse et nettoie leurs vomis. Je leur répète que  » ce n’est pas grave « , que  » j’ai l’habitude « .

J’ai déjà passé de nombreuses heures de ma vie à écouter certaines personnes me parler de leurs problèmes, être disponible pour réparer une télévision qui ne fonctionne plus, donner des conseils sur leur hygiène de vie, et parfois, simplement leur donner de la compagnie.

J’ai essayé de rendre la journée de mes patients plus belle, en leur faisant penser à autre chose, en les faisant rire parfois.

J’ai essayé de leur changer les idées lorsqu’ils devaient passer un examen douloureux…

J’ai aidé un patient à comprendre qu’il avait un cancer, parce qu’il m’a dit  » regarde un peu sur ce papier, il a écrit ce que j’ai, mais je n’ai rien compris… C’est grave ? …  »

J’ai aidé les médecins à réanimer des personnes qui sont toujours en vie aujourd’hui.

J’ai aussi aidé les médecins à maintenir en vie des personnes qui n’ont pas survécu.

J’ai appelé certaines familles pour leur permettre de passer les derniers instants avec leur proche qui était mourant.

J’ai annoncé le décès de certains patients à leur famille, j’ai réalisé leur toilette mortuaire et j’ai à chaque fois essayé de les rendre plus  » beaux « .

J’ai écouté leur famille, j’ai essayé de les comprendre lorsqu’ils n’étaient pas contents ou contrariés.

J’ai accompagné un patient et sa famille toute une nuit à son domicile, sachant que le lendemain il ne serait plus de ce monde.

Chaque jour, je côtoie la maladie, la souffrance, le cancer, la mort. Chaque jour, j’essaie de venir en aide aux autres.

J’adore mon métier et je ne serais pas heureuse d’en faire un autre…

Je rêve parfois… Je rêve que le métier que j’exerce puisse obtenir toute la reconnaissance qu’il mérite… Je rêve que les infirmiers puissent être respectés pour le travail qu’ils font. Qu’ils puissent être reconnus et soutenus…

J’ai vraiment beaucoup de mal à concevoir que le salaire d’une personne, qui prend régulièrement des décisions qui me paraissent aller à l’encontre du bien-être de la population, puisse être dix fois plus élevé que le salaire d’un infirmier qui se lève à 5 heures pour contribuer au bien-être de la population.

J’ai encore plus de mal à comprendre qu’une personne puisse gagner cent fois plus qu’un infirmier en jouant au football…

Pensez-vous que les personnes qui dirigent notre pays et qui prennent des décisions qui influenceront notre travail futur aient déjà vécu une seule des choses que je viens de citer?

J’ai 26 ans, j’adore mon métier, mais…

SÉVERINE DELAUNOY, INFIRMIÈRE
SÉVERINE DELAUNOY, INFIRMIÈRE

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