Le 8 octobre 1868 : Juan Prim y Prats portraituré par Henri Regnault. © Belgaimage

Novembre 1866: Juan Prim, le Catalan qui complotait à Bruxelles

Homme d’Etat pour les uns, vil conspirateur pour les autres, ce Catalan a du caractère. De la suite dans les idées aussi. Dans son combat qui l’oppose à Madrid, il est prêt à tout. Même à partir. Pour mieux rebondir. En 1866, loin de l’Espagne et de sa cour honnie, c’est en Belgique qu’il échoue.

Fier de sa cause, ce démocrate ne se cache pas. Entouré de ses compagnons d’armes, il parcourt les réceptions mondaines sous l’oeil bienveillant de l’establishment politique local. Il prend aussi le temps de s’entourer. De réfléchir. Patiemment, il fomente son coup. Mais à Madrid, la colère sourde. Et les relations belgo-espagnoles se retrouvent soudainement menacées.

La Belgique libérale du xixe siècle est un paradis pour les exilés. Ilot de libertés dans une Europe largement autoritaire, elle recueille toutes sortes de réfugiés politiques. C’est donc assez naturellement qu’à l’été 1866, le général Juan Prim y Prats, comte de Reus, vicomte de Bruch, marquis des Castillejos, décide de s’y rendre. Après un bref séjour à Ostende, l’homme gagne Bruxelles. C’est là, au coeur de l’automne, que la conspiration prend de l’ampleur. Les va-et-vient se multiplient. Pas moins d’une cinquantaine d’Espagnols sont ainsi répertoriés autour de Prim. Leur objectif ? Faire tomber la Couronne espagnole ! Il faut dire que sous la houlette d’Isabelle II, l’Espagne ne se porte pas au mieux, minée par des crises politiques à répétition et un important appauvrissement de la population.

Madrid est évidemment au courant de l’activité des comploteurs. Le 18 octobre, le ministre plénipotentiaire espagnol en poste à Bruxelles introduit une première réclamation officielle auprès de Charles Rogier, ministre des Affaires étrangères. Dans les mois qui suivent, les autorités madrilènes multiplient les interpellations. Elles souhaitent du gouvernement belge qu’il interdise tout déplacement aux Espagnols. En vain. Certes, la Sûreté de l’Etat suit de près les agissements des exilés. Mais Bruxelles n’entend pas aller plus loin. Il est vrai que l’Espagne n’est en rien susceptible de menacer ses intérêts diplomatiques.

Eté 1867 : l’histoire s’accélère. Sous l’autorité de Prim, un putsch – dites  » Pronunciamiento  » – est tenté en Catalogne. L’opération échoue. Défait, le militaire regagne la Belgique. Mais son statut a changé : de vague conspirateur, l’homme est devenu un véritable traître à sa patrie. Alors que la presse nationale s’empare passionnément du sujet, Bruxelles tranche. Et force Prim à quitter le pays. Rageur, le haut gradé s’exécute. Mais il n’oubliera pas.

Fin de l’histoire ? Pas encore ! En septembre 1868, un nouveau coup d’Etat est tenté en Espagne. Isabelle II se voit contrainte de fuir en France. Pour Prim, l’heure de gloire est arrivée. Après avoir été nommé ministre de la Guerre, il devient carrément président du conseil des ministres. La revanche est totale. Et amère pour Bruxelles. Jusqu’à la fin de ses jours, Prim nourrira un profond ressentiment à l’égard de la Belgique.

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