Gérald Papy

Jacinda Ardern, « ministre des enfants vulnérables »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Dans le contexte ambiant de « révolution morale » que connaissent les rapports femmes – hommes après l’affaire Weinstein, un pays, en particulier, peut servir de modèle, pays pourtant essentiellement connu chez nous pour les hakas époustouflants et martiaux de ses rugbymen All Blacks, La Nouvelle- Zélande.

Le pays avait déjà vu des femmes accéder aux plus éminentes fonctions politiques du pays : gouverneure générale, cheffe de gouvernement, présidente de la Chambre des représentants, présidente de la Cour suprême, elle vient de se doter de surcroît d’une Première ministre âgée de… 37 ans, DJ à ses heures perdues et fâchée avec l’Eglise mormone de ses parents qui ne reconnaît pas les droits des homosexuels. A un journaliste qui l’interrogeait il y a quelque temps sur la compatibilité entre sa carrière politique et d’éventuels projets de maternité, Jacinda Ardern avait répondu qu’au-delà de son choix personnel assumé,  » il était inacceptable qu’en 2017, des femmes aient encore à répondre à ce genre de questions pour briguer un emploi « . A l’emblème féministe, la nouvelle Première ministre néo-zélandaise ajoute encore la précocité : plus jeune députée du Parlement de Wellington à 28 ans, plus jeune dirigeante du Parti travailliste à 37 ans et plus jeune cheffe de l’exécutif depuis… 1856. A l’époque, c’était évidemment un homme.

La version moins optimiste de cette success story range Jacinda Ardern dans la catégorie des pires arrivistes. Pour devenir Première ministre, elle n’a pas hésité à s’allier au parti populiste Nouvelle-Zélande d’abord, dirigé par un vieux routier de la politique, Winston Peters. Depuis quand la gauche, fût-elle sociale-démocrate blairiste (Jacinda Ardern a été conseillère politique de l’ancien Premier ministre britannique) s’allie-t-elle avec des nationalistes ? En 2006, puis en 2016, le socialiste slovaque Robert Fico s’est appuyé sur le Parti national slovaque (SNS) pour former ses gouvernements. En Autriche, les sociaux-démocrates du SPÖ sont associés à l’extrême droite du FPÖ pour gérer le land oriental du Burgenland… Dans un monde où les convictions politiques sont moins affirmées et moins tranchées qu’auparavant en raison de la complexité des défis, c’est comme s’il n’y avait plus d’interdits idéologiques. Jacinda Ardern et Winston Peters se sont donc entendus pour réduire l’immigration asiatique et décourager les candidats étrangers aux investissements immobiliers. Plus classique et plus cohérent, le second soutien parlementaire au gouvernement de Jacinda Ardern émane des Verts qui, pour éviter de devoir endosser toute l’action de la coalition aux accents nationalistes, ont obtenu que les ministères qui leur sont dévolus soient considérés hors cabinet. Une version originale du  » un pied dedans, un pied dehors  » des écologistes belges.

u0022Depuis quand la gauche s’allie-t-elle avec des nationalistes ?u0022

Les craintes du Green Party of Aotearoa New Zealand s’avèreront-elles exagérées ? Somme toute, le programme du gouvernement Ardern a aussi de fortes orientations sociales : construction de nouveaux logements à destination des plus démunis, renforcement du système de santé publique, gratuité de l’accès à l’université… et, surtout, lutte contre la pauvreté, notamment juvénile. Illustration de sa détermination dans ce domaine, Jacinda Ardern a créé un ministère dédié à ce combat et c’est elle qui le pilotera, ce  » ministère de la Réduction de la pauvreté infantile  » ou, selon une appellation antérieure,  » ministère des Enfants vulnérables « . Il n’empêche, pour un pays comme le nôtre où la principale action visible de cet ordre, dans une Wallonie où un quart des enfants vit sous le seuil de pauvreté, est l’opération des saltimbanques de Viva for life, le volontarisme néo-zélandais devrait faire réfléchir les responsables politiques.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire