Gérald Papy

« En Italie, la catastrophe n’est pas assurée »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Des six pays fondateurs de l’Union européenne, l’Italie est le premier à basculer dans le populisme de gouvernement, en vertu d’une tendance qui, venue de Hongrie et de Slovaquie, a déjà touché l’Autriche et se répand d’est en ouest. Le programme que le Mouvement 5 étoiles et la Ligue ont concocté pour diriger la Péninsule relève plus de l’addition de mesures démagogiques de campagne électorale que d’un projet structuré et réaliste.

Le coût des dépenses qu’il implique inquiète particulièrement parce que, faute de chiffrage des économies afférentes, il s’inscrit en violation complète des règles européennes de bonne gouvernance et de rigueur budgétaire. La crainte est d’autant plus grande que l’Italie est la 3e puissance de l’Union européenne (si l’on en exclut déjà le Royaume-Uni) et qu’elle traîne comme un boulet une dette publique évaluée à 2 300 milliards d’euros, soit 132 % de son PIB. Apparaît tout aussi inquiétante et illusoire l’expulsion annoncée de 500 000 migrants inclue dans une batterie de dispositions de type sécuritaire pour satisfaire l’électorat de la Ligue, formation d’extrême droite.

Pour autant, les cris d’orfraie poussés depuis l’annonce de la nouvelle coalition sont incongrus et déplacés. Trop tardifs sur la politique migratoire quand on se rappelle dans quel abandon l’Union européenne a laissé Rome se dépatouiller avec les candidats réfugiés arrivés en nombre à Lampedusa ou ailleurs. Trop hâtifs en regard des pronostics de rupture avec la rigueur budgétaire européenne tant que l’exécutif italien n’est pas passé aux actes. Quelques signes inclinent à penser que le pire n’est peut-être pas certain.

L’inflexion du projet initial indique que les alliés du gouvernement italien n’excluent pas d’ajuster, plus qu’à la marge, leurs ambitions

La coalition, il faut le rappeler, consacre la domination du Mouvement 5 étoiles, à l’idéologie moins figée, sur la Ligue au prorata de son score électoral (32 % contre 17 % aux législatives du 4 mars dernier). L’illustre la désignation proposée au poste de Premier ministre du professeur de droit privé de 54 ans, Giuseppe Conte, dont le parcours au sein de nombreuses universités européennes et américaines traduit l’ouverture d’esprit en plus du respect de la primauté du droit. L’inflexion du projet initial indique aussi que, confrontés à la realpolitik, les alliés improbables n’excluent pas d’ajuster, plus qu’à la marge, leurs ambitions. Ils ont déjà renoncé à la sortie de l’euro et à un utopique effacement de la dette.

Il y a du reste un précédent d’évitement de catastrophe annoncée. Quand Alexis Tsipras accède au pouvoir en Grèce à l’issue des législatives de janvier 2015, beaucoup s’étonnent de l’alliance de l’eau et du feu qu’il forme avec les Grecs indépendants, une formation qui n’a certes pas le pedigree sulfureux de la Ligue italienne mais qui n’en est pas moins nationaliste conservatrice et fort éloignée des idéaux de la Syriza radicale de gauche. Et pourtant, malgré la pression de Bruxelles, malgré des dissensions internes à son parti et malgré des élections anticipées dès septembre de la même année, le jeune Premier ministre va réussir le pari des mesures impopulaires, de la coalition contre nature et, in fine, de la restauration de la crédibilité de la Grèce au niveau européen. Certes, l’importance économique, stratégique et symbolique de l’Italie interdit de pousser trop loin la comparaison. Mais l’exemple grec démontre que pour pareil gouvernement novice, la reconnaissance de ses pairs est aussi une question de survie et que ce penchant peut tempérer les envies de table rase les plus révolutionnaires. Même Mario Balotelli, fantasque joueur de football de Manchester City, de l’AC Milan, de Liverpool et de Nice s’est assagi et postule à nouveau à une sélection en équipe nationale…

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