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Le deuil, une moitié qui manque…

Perdre son partenaire, c’est aussi souvent se perdre. La bienveillance et la patience de l’entourage peuvent aider la personne endeuillée vers de nouveaux chemins.

Quand on est jeune, la mort du partenaire apparaît comme la fin de tout, y compris de sa propre vie.  » Les projets de construction ou de déménagement, les rêves de voyage, le désir d’enfant… : tout semble perdu d’un seul coup, explique Johan Maes, psychothérapeute, auteur et expert du deuil. Il n’est tout à coup plus aussi simple de répondre à des questions telles que ‘Qui suis-je ? ‘ ou ‘Quelle est ma place dans la société ? ‘. La personne endeuillée doit pour ainsi dire se retrouver. C’est particulièrement le cas pour les personnes qui vivaient une relation fusionnelle avec leur partenaire.  »

Les  » couleurs  » du deuil

Outre les circonstances, la cause et le lieu du décès, l’âge est un élément qui va influencer la manière de vivre le deuil pour le partenaire survivant.  » S’il perd la vie suite à un arrêt cardiaque après des décennies de travail intense, cela aura un autre impact que s’il meurt jeune dans un accident de voiture. Culpabilité, colère, impuissance, regret : en fonction des circonstances spécifiques, le chagrin peut prendre de nombreuses formes.  »

Pris au sens large, le deuil est une réponse à la perte de quelqu’un avec qui on entretient une relation précieuse. Johan Maes utilise volontairement le terme  » entretient « , et non  » entretenait  » :  » Ce n’est pas parce que votre partenaire est mort que votre relation l’est aussi. Le deuil n’est jamais totalement terminé, on n’oublie pas la personne décédée. Elle peut encore être présente dans les objectifs communs que vous poursuivez désormais seul(e), dans les valeurs que vous transmettez à vos enfants, lors de son anniversaire que vous fêtez encore chaque année, etc. À chacun de trouver sa façon de garder cette relation vivante.  »

Montagnes russes

 » Évidemment, cette présence ne doit pas vous empêcher de reprendre votre vie en mains. À terme, vous devez être capable d’entreprendre de nouvelles choses, de vous engager dans une nouvelle relation. Votre passé ne doit jamais devenir votre présent ou votre futur, même si c’est difficile « , conseille le psychologue. D’autant plus qu’un processus de deuil peut être très perturbant.  » Une veuve m’a raconté qu’elle avait décroché son permis de conduire, ce qui la rendait très heureuse. Auparavant, c’était toujours son mari qui conduisait : la voiture était son territoire. En obtenant son permis de conduire, elle reconquérait un peu de son indépendance. Pourtant, elle fondait en larmes chaque fois qu’elle se mettait au volant : dans la voiture, elle retrouvait l’odeur de son mari, sentait presque sa présence.  »

Car d’une part, les personnes endeuillées ressentent le manque, la perte, l’impact émotionnel ; et d’autre part, la vie continue, sans la personne aimée.  » À un certain moment, on se met à pleurer à cause d’une odeur ou d’une photo, et dans la minute qui suit, il faut conduire les enfants à l’école ou sortir les poubelles. On est constamment ballotté entre ces deux réalités, ce qui génère du stress et donne l’impression de vivre sur des montagnes russes « , poursuit-il.

Espace sécurisant

Ces changements brusques demandent beaucoup de compréhension et de courage de la part de l’entourage direct. La famille, les amis et collègues se sentent souvent impuissants, entravant la communication avec la personne endeuillée.  » Les proches n’osent pas téléphoner, par peur de poser les mauvaises questions. Ou donnent des conseils bien intentionnés mais contreproductifs comme ‘Tu vas refaire ta vie’ ou ‘Maintenant, tu dois te montrer fort(e)’. Des propos qui peuvent blesser ou confirmer la personne endeuillée dans sa solitude et qui n’attend pas de solutions toutes faites. En tant qu’ami ou membre de la famille, votre présence physique sera importante, et vous avez en outre le droit d’exprimer votre impuissance. Le plus important est de créer un espace où la personne endeuillée peut exprimer son chagrin en toute sécurité. Tâchez de lui offrir un lieu où elle peut se sentir vraiment écoutée et craquer sans souci. Tout en respectant évidemment vos propres limites.  »

Enfin, Johan Maes souhaiterait une société plus patiente et compréhensive :  » Actuellement, tout doit aller vite et être rentable. Pleurer quelqu’un, c’est normal, mais six mois après, il faudrait déjà tourner la page ! Ce n’est pas grave si vous fondez encore en larmes dix ans après le décès de votre partenaire. Ce n’est pas un échec. Il est primordial de respecter le processus de deuil.  »

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TEXTE THOMAS DETOMBE – ILLUSTRATION WWW.JESUSESCUDERO.COM

« Emmener la personne décédée d’une manière positive dans la vie future. » Johan Maes, psychotherapeute

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