Gérald Papy

« Réduire l’influence de l’extrême droite, le dernier défi d’Angela Merkel »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le bilan des trois premiers mandats de chancelière d’Angela Merkel inclut généralement le constat que l’Allemagne s’est « normalisée » plus de septante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

En autorisant les interventions à l’étranger de l’armée, dans des missions de logistique, ou en augmentant les budgets dévolus à la défense, le pays a commencé à recouvrer tous les attributs d’une grande puissance que lui interdisait jusqu’alors la culpabilité de la Shoah. Forts de l’exceptionnel travail de mémoire entrepris autour de la responsabilité des leurs dans le génocide juif, les Allemands pouvaient légitimement aspirer à une forme de rédemption collective. La plupart d’entre eux estimaient sans doute que le souvenir des horreurs de l’hitlérisme continuerait à les immuniser contre un retour significatif de l’extrême droite sur l’échiquier politique. A la faveur des élections législatives, l’Alternative pour l’Allemagne a douché cet espoir et le prix de cette  » normalisation  » s’avère particulièrement lourd. Il n’y a plus désormais, parmi les grands pays européens, que l’Espagne pour échapper au fléau de la droite xénophobe. C’est le souvenir du franquisme qui joue là le rôle salutaire de repoussoir disqualifiant. Sans garantie de protection durable et absolue toutefois quand on voit le gouffre d’incompréhension, ferment potentiel d’extrémisme, qui sépare certaines de ses composantes, le gouvernement de Madrid et l’exécutif régional catalan en particulier.

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Spectaculaire dans son ampleur, l’irruption d’un seul coup de 94 députés de l’AfD au Bundestag était pourtant prévisible. Le jeune parti a profité, comme ailleurs, du ressentiment des laissés-pour-compte de la mondialisation et de la pratique locale des bas salaires. L’AfD a réalisé ses meilleurs scores en ex-Allemagne de l’Est qui collectionne les taux de chômage record. Elle a ensuite fait fructifier son potentiel sur la peur qu’inspirait à un certain nombre de citoyens l’arrivée de près d’un million de migrants. Dans une Europe où dominait au mieux l’indifférence, Angela Merkel avait eu l’audace et le courage de se montrer accueillante, optant pour une politique qui s’éloignait de celle prônée par l’aile droite de son parti. Un million d’électeurs traditionnels de la CDU-CSU ont rallié la formation d’extrême droite, dimanche 24 septembre.

Les plus optimistes avanceront que des facteurs circonstanciels liés à la crise des migrants de 2015 ayant permis le succès de l’AfD, leur disparition progressive, via une meilleure intégration et un apport reconnu au marché du travail, provoquera inéluctablement son reflux. Scénario plausible mais pas certain. Le mouvement Pegida, qui activait les mêmes ressorts anti-étrangers, existait avant la fuite massive des réfugiés syriens vers l’Europe et, qui plus est, l’AfD risque d’engranger des dividendes électoraux de sa nouvelle visibilité parlementaire.

Angela Merkel n’entame donc pas son quatrième mandat sous les meilleurs auspices. Le renoncement des sociaux-démocrates à rempiler dans une nouvelle coalition, s’il prive l’AfD du leadership de l’opposition, l’oblige à composer avec les libéraux et les verts et mettra à l’épreuve ses qualités de médiatrice. Elle sera en outre forcée de ménager la droite de son parti. Son principal défi n’en restera pas moins de réduire l’influence de l’Alternative pour l’Allemagne sur l’échiquier électoral. Sous peine que son quatrième mandat soit considéré comme celui de trop.

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