Présenté au MoMA, à New York : un tee-shirt mariant coton et Zoa, un cuir biofabriqué. © SDP

Fabriquer du cuir sans tuer de vache, c’est désormais possible

Le Vif

Ce qui s’apparente à une révolution dans le monde des matériaux ne prend pas la forme, comme on pourrait le supposer, d’un substitut fait de polymères synthétiques. Au contraire, il est produit de façon biologique. Plutôt que de provenir du dos d’un animal, ce cuir est le fruit du collagène craché par des levures OGM et cultivé, au mètre, dans une usine du New Jersey.

Ce cuir révolutionnaire, dénommé Zoa, Modern Meadow a mis cinq ans à le concevoir, grâce à 50 millions de dollars d’investissement. Alors qu’il devrait être commercialisé d’ici à 2020, il a été présenté au public sous forme d’un tee-shirt graphique en octobre dernier. Pas dans un magasin, mais lors d’une exposition de mode au Museum of Modern Art de New York. Telle une oeuvre d’art moderne qui veut  » transcender les limites physiques de la vache « .

Par rapport au cuir naturel, les avantages de ce cuir produit par des levures sont multiples. Tout d’abord, alors que la taille du produit naturel est limitée aux proportions de l’animal, le nouveau matériau ne subit aucune restriction de dimensions. De plus, il n’est balafré d’aucune cicatrice ni marqué d’aucune imperfection, sa qualité demeure constante. Il n’y a donc pas de perte de matière. Enfin, ce cuir de laboratoire devrait remporter l’adhésion de celles et ceux qui considèrent qu’un animal n’a pas à mourir pour recouvrir un divan ou chausser des pieds.

Derrière cette prouesse, se cache le génie (bio)chimique. Les bioingénieurs de Modern Meadow ont tout d’abord modifié génétiquement une souche de levure pour la rendre productrice de collagène bovin. Précisons que le cuir n’est rien d’autre que cette protéine qui donne à la peau sa résistance et son élasticité. Elle se compose de longues chaînes d’acides aminés qui s’enroulent entre elles pour former des triples hélices. A leur tour, ces dernières s’enroulent ensemble et donnent ainsi des fibres. Alors que chez la vache, ces étapes d’enroulements successifs sont réalisées par des cellules spéciales appelées fibroblastes, les scientifiques sont parvenus à s’en passer grâce à un procédé encore gardé secret. Ensuite, les fibres seraient facilement assemblées en couches à l’usine, formant un cuir brut qui peut alors subir les traitements traditionnels.

Par ailleurs, en peaufinant le réseau de fibres du collagène, l’équipe espère parvenir à contrôler la douceur au toucher du matériau, sa dureté ou sa mollesse. Mais aussi à le rendre bien plus résistant aux déchirures que le cuir naturel. Enfin, et bien que Modern Meadow n’ait pas fait part de cette intention, il serait techniquement possible de  » cultiver  » des cuirs de serpent ou d’alligator.

A l’ère où le véganisme gagne du terrain, où la remise en question du rapport de domination des humains sur les animaux n’a jamais été si forte, ce cuir  » végétalien  » se pose en sérieux concurrent sur un marché qui pèse pas moins de 100 milliards de dollars par an.

Par Laetitia Theunis.

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