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La neige, nous la fabriquons nous-mêmes

Le négationniste le plus obstiné est obligé de le reconnaître : les choses ont changé sur le plan climatique. Voilà plusieurs saisons que les amateurs de sports d’hiver sont confrontés au problème. Le temps est révolu où une épaisse couche de neige était garantie aux vacances de Noël. Au même titre d’ailleurs que les quelques semaines de ski après Pâques.

Revenons un instant à l’hiver 2016-17. À la mi-décembre, nous déjeunions sur la terrasse en manches courtes. Le soleil brillait, les versants sud des collines et tout ce qui se trouvait à moins de 2 000 m étaient vert gazon. La première semaine de janvier, nous avions connu une grande tempête de neige mais, deux semaines plus tard, pratiquement plus aucune trace. Tout fondait littéralement. Pourtant, sur les pistes, les conditions étaient plus qu’acceptables. Une étude publiée en Suisse, au début de cette année, précise sans détour que d’ici 2035, selon le scénario le plus favorable, on ne trouvera de la neige qu’à plus de 2 000 m. Ce qui implique incontestablement la fermeture de nombreuses stations. À l’horizon du prochain changement de siècle, cette limite se situerait même à 3 000 m si nous ne mettons pas un terme au réchauffement climatique. Suivant cette hypothèse, la neige artificielle deviendrait une nécessité absolue.

DEUX TYPES DE CANONS À NEIGE

L’hiver n’est pas au rendez-vous ? Pas de problème, nous en fabriquerons un nous-mêmes. Pour fabriquer de la neige artificielle, on fait geler des gouttes d’eau à haute pression. Les canons à neige pulvérisent un mélange d’eau et d’air comprimé. L’air se dilate, se refroidit et tombe sous la forme de neige artificielle. Il est évidemment indispensable que l’air soit suffisamment froid. Les gouttelettes d’eau doivent être transformées en neige avant de toucher le sol. La température extérieure est donc de la plus grande importance. On obtient la meilleure neige artificielle quand il fait -3 ° C. S’il fait plus chaud, les gouttes ne gèlent pas et on ne pulvérise que de l’eau. S’il fait par contre trop froid, les gouttes risquent de tomber sous forme de glace. L’humidité de l’air intervient également. Si l’air est trop humide (en cas de nébulosité par exemple), il faut qu’il fasse plus froid pour faire geler les gouttelettes. Le canon à neige expulse les gouttes sous haute pression, ce qui les fait geler plus rapidement.

Il existe deux types de dispositifs d’enneigement. Le premier est le canon à perche (plus de 2 m de haut). Grâce à un compresseur central, l’air comprimé et l’eau sont vaporisés. La longueur de cette perche accorde aux gouttes d’eau tout le temps nécessaire pour se refroidir et être rejetées sous forme de neige. Le grand avantage des perches à neige est qu’elles peuvent fabriquer de la neige à des températures plus élevées.

Un deuxième type d’enneigeur est le canon proprement dit dans lequel un grand ventilateur projette de l’eau et de l’air. L’inconvénient de ces canons est qu’ils ne peuvent être mis en oeuvre que quand il fait -3 ° C. Les stations essaient actuellement de pulvériser de l’air froid dans cette projection d’eau de sorte que les canons puissent également fonctionner par des températures plus élevées.

LES LIMITES DE LA NEIGE ARTIFICIELLE

Plusieurs questions demeurent concernant le recours aux canons à neige. La fabrication de neige artificielle nécessite énormément d’eau. 200 l par seconde, rien d’exceptionnel pour un canon à neige moderne. Or, l’eau se fait de plus en plus plus rare. Certaines stations – du moins les plus importantes – créent un nombre croissant de grands bassins. Cette eau provenait d’abord uniquement des précipitations et des rivières mais aujourd’hui elles ne suffisent plus et il faut pomper ou transporter de l’eau venue d’ailleurs. En plus d’eau, la confection de neige artificielle exige naturellement beaucoup d’électricité. C’est pourquoi on adopte de plus en plus de systèmes fondés sur l’énergie solaire.

Mais la longueur des périodes de froid se réduit et les stations de ski ont donc moins de possibilités et de temps pour fabriquer de la neige artificielle. S’il ne fait pas assez froid, les canons sont en chômage technique. Alors qu’auparavant, le canon à neige constituait une aide sporadique en cas de manque, il est devenu maintenant la seule alternative pour permettre de garder une station opérationnelle pendant une durée suffisante, et donc de la rendre rentable.

Il va de soi qu’on ne skie pas sur la neige artificielle comme sur la vraie neige. La structure d’un cristal de neige revêt la forme d’une étoile composée de bras, absents dans le cas de la neige artificielle. De ce fait, la neige artificielle apparaît plus compacte que la vraie neige, elle fond moins vite et s’avère plus solide.

LE RECYCLAGE DE LA NEIGE

Quelques bons hivers froids et une neige en abondance constitueraient une idéale – mais très hypothétique – solution. Si nous faisons abstraction de la quantité d’énergie et d’eau nécessaire, la production de neige artificielle présente aussi un avantage. La neige artificielle forme une excellente couche protégeant et isolant mieux le sol. Comme la neige est blanche, elle reflète le soleil et empêche le sol d’absorber la chaleur. La neige – même artificielle – exerce ainsi un effet rafraîchissant. L’inconvénient est qu’elle reporte le dégel, exerçant une influence sur la croissance des plantes et sur la biodiversité.

Il faut évidemment que la neige artificielle soit produite dans les règles de l’écologie. On cherche activement des systèmes plus économiques fonctionnant exclusivement à l’énergie solaire, ainsi que des canons à neige plus puissants. La possibilité de développer des cristaux ayant les mêmes caractéristiques que la neige véritable est également à l’étude. La méthode la plus écologique, actuellement utilisée dans de nombreuses stations, est celle qu’on appelle le  » snowfarming « . Ce concept consiste à conserver de la neige de l’année précédente dans les plus grandes quantités possibles et sans additifs chimiques, et à la réutiliser au cours de la saison suivante. Les réserves ainsi accumulées peuvent être utilisées comme telles et – mieux encore – la neige perd très peu de sa qualité initiale.

Les sports d’hiver représentent un business qui brasse des millions, impose des investissements énormes et fait vivre de nombreuses populations. Il faut dès lors admettre qu’actuellement, les considérations d’ordre écologique ne font pas le poids face aux intérêts économiques.

TEXTE: JURGEN GROENWALS

D’ici 2035, selon le scénario le plus favorable, on ne trouvera de la neige qu’à plus de 2 000 m.

La fabrication de neige artificielle nécessite énormément d’eau. 200 l par seconde n’a rien d’exceptionnel pour un canon à neige moderne.

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