Sur le plan environnemental, la forêt constitue un enjeu majeur. Elle stocke le carbone, fixe les sols, fait rempart aux inondations, véhicule la biodiversité. © GETTY IMAGES

La forêt, lieu devenu « superstar »

Héroïne de séries télé, sauvage et mystérieuse, bienfaisante et maltraitée, la forêt est devenue un objet de passion. Tous la revendiquent, les exploitants forestiers, les randonneurs, les artistes, les chasseurs, les naturalistes… Même les philosophes y trouvent l’inspiration. Comment harmoniser tant d’attentes contradictoires ? Qui possède vraiment la forêt wallonne ? Pourquoi un projet de type Nassonia est-il indispensable ? Va-t-on sauver la forêt de Soignes et les sentiers oubliés ? Le Vif/L’Express montre le chemin entre les arbres, ces grands êtres lents et sûrs.

Le baron Evence Coppée, quatrième du nom, a géré une propriété de famille, appartenant aujourd’hui à ses enfants, du côté de la Haute-Lesse. Elle est en passe de devenir une forêt mélangée, migrant lentement du statut d’équienne (arbres du même âge, de la même espèce, coupés en même temps) à celui de pérenne (arbres d’essences et d’âges différents). De fait, une mousse émeraude irradie le sol, signe de bonne santé. De jeunes épicéas poussent au pied des hêtres, et inversement. De glorieux Douglas se mélangent aux feuillus, épicéas et mélèzes. Pour satisfaire le goût de l’innovation de l’ancien propriétaire, des sapins nobles d’Amérique s’acclimatent en surplomb d’une prairie de graminées bordée de quelques chênes et de vieux pins sylvestres. Le ciel sublime cette beauté d’apparence si naturelle.  » Le mélange sera total quand les arbres les plus âgés se sèmeront les uns dans les autres « , approuve Evence Coppée, 88 ans. Juste à côté de ses terres, il s’enthousiasme pour les bois communaux de la Haye d’Ochamps retravaillés dans le même esprit pérenne par le jeune préposé de l’époque des Eaux et Forêts. La biodiversité privé-public, le baron approuve aussi.

Tout prédestinait ce chasseur  » intoxiqué  » dès l’âge de 7 ans à présider le comité de gestion des Chasses de la Couronne, deux massifs domaniaux (publics) de 4 000 hectares chacun, dans l’Hertogenwald et à Saint-Michel-Freyr (Saint-Hubert). Roi importé, Léopold Ier reçut en guise de cadeau de bienvenue le droit de chasse sur toutes les forêts publiques du pays. Son descendant, Baudouin, y a renoncé en 1982 tout en souhaitant que l’Hertogenwald et Saint-Michel-Freyr, aujourd’hui propriétés de la Région wallonne, deviennent des territoires cynégétiques exemplaires, propices à la recherche appliquée et aux activités socio-pédagogiques.

Evence Coppée a déposé définitivement sa carabine en 1983. De chasseur, il s’est transformé en  » inspirateur de gestion forestière et cynégétique « , selon ses mots. Son correspondant du fond des bois était Gérard Jadoul, prof de latin-grec, président d’Inter-Environnement Wallonie de 1999 à 2013. Leur collaboration se noua sur la question des ramasseurs de mues. En mars, ceux-ci partent à la recherche des bois de cervidés, qu’ils ont le droit de garder. Or, ces mues ont un grand intérêt scientifique. Il fut convenu de les photographier et cartographier pendant deux jours, après quoi ils étaient remis à leurs légitimes propriétaires.  » Grâce à cet accord, se réjouit le sage des bois, la connaissance zoologique a pu faire des progrès importants.  »

Un autre résultat de la gestion habile des Chasses de la Couronne s’expose dans un beau livre de Gérard Jadoul et de Philippe Moës. Au nom du cerf (Perron, 2015) raconte le destin de douze grands cerfs du massif de Saint-Hubert qui ont pu vieillir sans être chassés. Un plan de tir équilibré les a préservés et évité la prolifération des non-boisés (biches, bichettes et faons des deux sexes) qui occasionnent des dégâts aux jeunes pousses. Le Département de la nature et des forêts (DNF), qui a succédé à l’administration des Eaux et Forêts, a repris la gestion des Chasses de la Couronne dans le respect des  » visées écologiques et éthiques du roi Baudouin « . Le bois n’est pas une obsession. Parfois, pour l’équilibre écologique et la biodiversité, il vaut mieux faire retourner certaines portions de forêt à l’état de fagne (lande). Ce qui fut fait à Saint-Hubert dans le cadre du projet européen Life mené par Gérard Jadoul.

Le baron Evence Coppée : de chasseur, il s'est transformé en
Le baron Evence Coppée : de chasseur, il s’est transformé en  » inspirateur de gestion forestière et cynégétique « .© DIETER TELEMANS POUR LE VIF/L’EXPRESS

Touche pas à ma forêt !

Ces temps-ci, pourtant, l’humeur forestière est à la querelle. En mai dernier, le gouvernement flamand a voulu classer 12 000 hectares de terrains boisés. Les bourgmestres des provinces d’Anvers et du Limbourg ont vivement protesté car ceux de leurs administrés qui étaient propriétaires craignaient pour la valeur de leur bien. La boskaart (carte forestière) a été repliée illico. La Flandre (21 % des 700 000 hectares de surfaces forestières du pays) ambitionne de convertir 28 000 hectares à d’autres espèces et d’en reboiser 6 000 autres. Avec son 1 % des forêts nationales, la Région de Bruxelles-Capitale doit relever le défi du vieillissement de la hêtraie cathédrale de Soignes. Quant à la Wallonie (78 % des forêts belges), elle déborde de projets parfois contradictoires qui soulèvent souvent des nuées de controverses.

Inutile de le nier, la filière bois est importante pour l’économie wallonne : 8 000 entreprises et 18 300 emplois en dépendent pour un chiffre d’affaires estimé à 4,5 milliards d’euros. La production locale de bois ne suffit pas à la demande intérieure, une bonne partie part à l’exportation et revient sous la forme de produits finis ou semi-finis. L’Office économique wallon du bois vient de lancer une campagne autour de la marque collective  » Bois local – Notre savoir-faire  » destinée à valoriser l’économie circulaire et la proximité.  » Beaucoup d’espaces plantés d’épicéas au siècle dernier arrivent à maturité et alimentent les scieries locales « , ramasse Philippe de Wouters, directeur de la Société royale forestière de Belgique, une institution de plus de cent ans. Beaucoup de propriétaires, grands ou petits, se trouvent donc à la croisée des chemins. Alors que les scieries manquent de matière première, comment faire évoluer leur bien ? En coupant ? En reboisant ? Et avec quoi ?

Gérard Jadoul, spécialiste de l'écosystème forestier wallon.
Gérard Jadoul, spécialiste de l’écosystème forestier wallon. © DIETER TELEMANS

Sur le plan environnemental, la forêt constitue un enjeu majeur. Elle stocke le carbone, fixe les sols, fait rempart aux inondations, véhicule la biodiversité. Une foule de labels et d’incitants défendent ce précieux capital mais leur utilisation laisse parfois à désirer : du bois labellisé entre dans des fabrications qui, elles, ne le sont pas toujours. Sur le plan sociétal, la forêt est une source de détente et un loisir qui, en Wallonie, pourrait encore gagner en qualité. Le tourisme représente 6 % du PIB wallon. En santé humaine, la gemmothérapie (utilisation des bourgeons et des jeunes pousses d’arbre ou d’arbuste) et les  » bains de forêt  » proposent des alternatives à d’autres formes de traitement. Souvent, la forêt éveille des espoirs immenses de nouveaux départs, de liberté partagée. Raison pour laquelle ce qui la concerne est devenu à la fois tendance et hautement polémique.

A la fin de l’année dernière, quatre députés wallons CDH et PS avaient déposé une proposition de décret facilitant la vente de parcelles publiques en indivision à des groupements forestiers d’investisseurs privés, tout en autorisant des ventes anticipées de bois. René Collin (CDH), ministre wallon de l’Agriculture, de la Nature et de la Ruralité, a enterré précipitamment un projet qui ouvrait la voie à  » une privatisation de la forêt « , ont dénoncé ses adversaires. Son cabinet se justifie :  » Les forêts en indivision présentent des difficultés en matière de gestion, notamment parce que chaque décision nécessite l’unanimité. L’unique modification au système de sortie de forêt publique indivise était le fait que, pour plus de souplesse, on ne passait plus au parlement.  » Quant aux groupements forestiers qui auraient pu se porter acquéreurs de portions de forêts publiques, l’objectif du décret était double selon ses auteurs :  » Sensibiliser le grand public au patrimoine forestier wallon et lui permettre d’y investir.  » D’aucuns y ont vu une manière de céder à la demande du privé et de faire rentrer de l’argent dans les caisses.

Ainsi va le monde de la forêt, à son rythme, conscient d’être une valeur refuge mais aussi un refuge des valeurs »

Car la pression est forte. Les surfaces boisées sont très recherchées. Pas seulement pour leur production ligneuse – dont les prix sont stables – ou pour la chasse que pratiquent les nouvelles classes dirigeantes, en guise de ticket d’entrée dans le top de la société. Mais  » simplement pour le plaisir d’avoir son coin de nature à soi « , justifie Frédéric Petit, président de la Fédération nationale des experts forestiers et du Conseil supérieur des forêts et de la filière bois.  » Certains considèrent la forêt comme une valeur refuge depuis la crise financière de 2008. Le prix des fonds de bois, ou sol nu, a plus que doublé en dix ans, relève l’expert. Les fonds de bois qui se vendaient 1 800 ou 2 500 euros l’hectare partent actuellement à 4 000 ou 5 000 euros, voire plus dans des régions prisées comme le Condroz ou certaines parties de l’Ardenne.  » Des sommes auxquelles il faut encore ajouter la valeur du bois sur pied :  » De 5 000 à 25 000 euros l’hectare selon l’espèce, le volume sur pied, la qualité, l’accessibilité et la taille des arbres « , complète Frédéric Petit.

La saga Nassonia

La commune de Nassogne a aussi retoqué le projet d’Eric Domb, président-fondateur de la Pairi Daiza Foundation, qui voulait faire de la forêt communale de Nassogne une forêt intégrale. Au bout des nonante-neuf ans du bail emphytéotique, celle-ci aurait pu retrouver son état naturel. Au dernier moment, la commune de Nassogne a calé. Une guilde d’amis d’Eric Domb a quand même réussi à s’emparer, en y mettant le prix, du droit de chasse y afférent pour y pratiquer leur sport en poussée silencieuse plutôt qu’en battue à cor et à cris, cette dernière étant néfaste pour le gibier et la nature. Le projet est loin d’être abandonné. Le ministre René Collin a déjà désigné son point de chute : le massif de Saint-Michel-Freyr (1 695 hectares), jouxtant la forêt de Nassogne, qui présente la facilité d’appartenir à la Région wallonne. Reste à désigner, après appel d’offres, le gestionnaire de cet espace novateur. Eric Domb ? Il est candidat.

Philippe de Wouters, directeur de la Société royale forestière.
Philippe de Wouters, directeur de la Société royale forestière.© ISALINE DE WILDE

A la croisée des chemins

Il n’est plus temps de tergiverser. La forêt se trouve à l’orée de grands changements et son roi, le hêtre, est menacé. La crise du hêtre a débuté voici une vingtaine d’années. Des attaques de scolytes (insectes) ont favorisé l’installation d’un champignon, l’amadouvier, dans le coeur des arbres, qu’il fait pourrir. La tempête de 2000 a cassé beaucoup de hêtres et, depuis trois ans, il ne pleut pas assez au printemps, d’où leurs houppiers malingres. Une forêt naturelle pourrait peut-être trouver le chemin de la guérison ou s’adapter à la nouvelle donne climatique. Encore faudrait-il lui en laisser le temps et la liberté… L’association Inter-Environnement prône une  » renaturalisation  » de 10 % de la forêt wallonne. La Région wallonne, elle, parle de  » gestion différenciée « . En Allemagne, les partis politiques se sont fixé pour objectif de laisser au moins 5 % de leurs forêts retourner à l’état sauvage. Le sujet est à l’ordre du jour dans toute l’Europe, y compris celle du Sud en proie à des incendies récurrents.

Parmi les lobbys qui se disputent nos arbres, deux dominent le paysage wallon : la filière bois et les ventes de chasse.  » Ces deux lobbys se sont appropriés symboliquement la forêt, observe Gérard Jadoul. Les services écosystémiques comme la capture du carbone, la fixation des sols, la lutte contre les inondations ou la biodiversité sont peu ou pas chiffrés. Il y a là une opposition entre les intérêts des propriétaires et les attentes de la société. Le pouvoir politique va devoir arbitrer « , souligne l’Ardennais. Le principe de multifonctionnalité est déjà inscrit dans le Code forestier de la Région wallonne mais la  » stratégie forestière  » wallonne se fait toujours attendre.

Frédéric Petit, président de la Fédération nationale des experts forestiers et du Conseil supérieur des forêts et de la filière bois.
Frédéric Petit, président de la Fédération nationale des experts forestiers et du Conseil supérieur des forêts et de la filière bois.© DR

Pour le professeur Marc Dufrêne (ULg), expert des services écosystémiques et du patrimoine biologique, la Wallonie est très en retard par rapport à ses voisins.  » Globalement, la surface forestière wallonne a augmenté mais c’est principalement dû aux résineux et au maintien de méthodes de production intensive de bois. A croire que l’enjeu principal de la forêt wallonne, ce sont les planches, les bûches et la chasse, lance-t-il. Ces activités exclusives empêchent le développement d’autres activités génératrices d’autres formes de revenus.  » Plus qu’aujourd’hui, une dose de  » nature  » devrait être introduite dans les paysages et les processus de production forestiers.  » Des initiatives individuelles, il y en a, poursuit-il, mais peu ont l’envergure écotouristique du projet Nassonia. Les attentes du public sont immenses et relativement peu rencontrées. La découverte de la nature contribue à la santé physique et mentale, elle améliore leurs relations sociales. Voir l’engouement pour le brame du cerf, une expérience individuelle et collective qui réunit jusqu’à cent personnes par hotspot. «  La qualité du paysage n’est pas exploitée comme on pourrait l’espérer.  » En Ardenne, enchaîne le biologiste, on a restauré 6 000 hectares de tourbières et de milieux ouverts, sur les hauts plateaux et dans les vallées des massifs forestiers, mais ils sont trop peu mis en valeur.  »

Faut-il en déduire que les usagers simples de la forêt sont négligés ? Si l’on en croit Alain Carlier, ancien journaliste de la RTBF et administrateur de l’asbl Sentiers de grande randonnée, entre 1 et 1,5 million de Belges font tous les ans une sortie pédestre entre Pâques et la Toussaint  » mais ils n’ont pas toujours accès aux plus beaux itinéraires car les chasseurs et les exploitants forestiers défendent leurs territoires « . Josiane Baudrux, membre du groupement Pro Nassonia évoque ces Nemrod qui négligent de  » casser leur fusil  » (le plier en deux) quand ils rencontrent des promeneurs, ou ces sentiers défoncés par les engins sylvicoles qui tractent les troncs d’arbre.

Aujourd’hui, la forêt est investie d’une multitude de projets issus de la société civile : séminaires d’entreprise dans des chalets de chasse, nuits en cabanes dans les arbres, survival training, cimetières forestiers naturels (Les Arbres du souvenir), classes vertes ou promenades scolaires dans les bois, immersion de jeunes en décrochage scolaire… A l’avenir, faudra-t-il rétribuer les propriétaires privés pour les  » services écosystémiques  » que leurs forêts rendent indubitablement à la société ?

Chaque automne, le brame du cerf attire de nombreux curieux dans les forêts wallonnes.
Chaque automne, le brame du cerf attire de nombreux curieux dans les forêts wallonnes.© PHILIPPE CLÉMENT/BELGAIMAGE

 » L’exonération des droits de succession répond déjà en partie à cette question, avance prudemment Philippe de Wouters. Il y a en Wallonie 90 000 propriétaires pour 280 000 hectares de forêts privées, de taille parfois très modeste. Ils veulent garder leur libre choix. L’exploitation du bois, matériau supérieur à tout autre, fait partie de l’écosystème car il permet de financer la biodiversité ou d’autres services à un autre endroit, l’un n’empêchant pas l’autre.  » Le directeur de la Société royale forestière réclame de  » laisser du temps au temps « , comme le disait ce grand amoureux des arbres, François Mitterrand.  » Beaucoup de propriétaires partagent les préoccupations environnementales et sociales de leur génération, soutient Philippe de Wouters. Ils ne sont pas opposés par principe à ouvrir leurs bois à certaines activités ludiques ou pédagogiques mais il faut que le public soit éduqué, et cela demande des moyens humains.  » En guise d’exemple de mixité des fonctions, il cite le sentier didactique inauguré dans la fagne de Malchamps (350 hectares) avec la collaboration de Spa Monopole. Ou le stage d’immersion organisé par Solidarcité dans le bois de Soleilmont, près de Charleroi, pour des jeunes en décrochage scolaire. Ou encore le manuel Tous dehors rédigé par un collectif d’enseignants. Des initiatives soutenues, entre autres, par la  » Forestière « . Ainsi va le monde de la forêt, à son rythme, conscient d’être une valeur refuge mais aussi un refuge des valeurs.

Sources : Revue Forêt.Nature ; Société royale forestière de Belgique ; Panorabois 2015 ; DNF, Office économique wallon du bois 2015 ; SPF Economie 2013, L’Echo ; cabinet René Collin, ministre de l’Agriculture, de la Nature et de la Ruralité.

22%. La forêt belge (700 000 hectares) occupe 22 % du territoire national : 78 % en Wallonie, 21 % en Flandre et 1 % en Région de Bruxelles-Capitale. La forêt belge a progressé de 52 % depuis 1866, quand il s’agissait surtout de répondre au besoin d’étançonnement des mines. La forêt wallonne (560 615 hectares) représente, elle, près de 33 % du territoire régional. Depuis 1984, 40 000 hectares de résineux ont disparu. Les feuillus (53 %) reprennent le dessus sur les résineux (47 %). Les bois feuillus sont dominés par le chêne (35,2 %) et par le hêtre (19,8 %), les résineux par l’épicéa (73,2 %).

Les forêts domaniales wallonnes les plus étendues

La forêt publique (287 137 hectares, 51,2 %) a pris le dessus sur la forêt privée (273 478 hectares, 48,8 %). Les bois publics sont dits « soumis », c’est-à-dire soumis au régime forestier. Le Département de la nature et des forêts (DNF) ne gère pas les forêts privées mais son droit de police lui permet d’y constater des manquements au Code forestier.

Les communes (192 300 hectares), la forêt domaniale de la Région wallonne (67 200 hectares) et d’autres institutions comme les CPAS ou les Provinces (8 500 hectares) se partagent la forêt publique. Ainsi, le CPAS de Bruges est propriétaire de 1 304 hectares en trois blocs dans la commune de Vielsalm (1,1 million d’euros de vente de bois et droits de chasse en 2016). Le CPAS de Mons possède le domaine des Epioux (1 721 hectares). Le domaine de Ciergnon (6 000 hectares) relève de la Donation royale. Le roi Philippe, le prince Lorenz et ses enfants y pratiquent la chasse. Certains bois (domaine militaire d’Elsenborn) appartiennent à l’armée.

Le Vif/L’Express a obtenu le top 11 des forêts domaniales les plus étendues gérées par le Département de la nature et des forêts (hors sites de conservation de la nature). Certaines villes et communes ardennaises sont de grands propriétaires forestiers.

En hectares :

1. Bouillon : 7 349

2. Gedinne : 7 142

3. Anlier/Chenel/Rulles (domaniale indivise) : 7 043

4. Vresse : 6 250

5. Viroinval : 6 132

6. Libin : 6 072

7. Saint-Hubert : 4 958

8. Couvin : 4 830

9. Chimay : 4 537

10. Bertrix : 4 378

11. Bièvre : 3 946

Les grands propriétaires forestiers privés

La forêt privée se compose de 89 790 propriétés « juridiques » (une ou plusieurs personnes, physiques ou morales) pour 273 478 hectares. Certaines parcelles sont très petites : 91 % des propriétés wallonnes sont inférieures à cinq hectares (25 % de la surface privée), voire moins. Ainsi, 44 399 personnes possèdent entre 5 ares (500 mètres carrés) et 50 ares (5 000 mètres carrés). A l’autre extrême, 353 propriétaires ont entre 100 et 500 hectares (23 % de la surface privée wallonne). Enfin, 14 domaines forestiers dépassent 500 hectares. La plus grande propriété « juridique » est de l’ordre de 1 000 hectares (4 % de la surface totale) mais une personne peut être concernée par plusieurs propriétés juridiques (partie en pleine propriété, en indivision, en société) et se trouver à la tête d’une plus vaste propriété.

Historiquement, les grands propriétaires forestiers appartiennent à la noblesse ancienne ou anoblie aux xixe et xxe siècles (grands industriels), rejoints par quelques outsiders étrangers et les membres de la nouvelle élite économique.

Le top 5 établi par L’Echo du 16 mars dernier place la famille Boël en tête (domaine du Chenoy, plus de 2 000 hectares) associée par mariage aux Janssen (205 hectares à La Hulpe) devant les Limburg Stirum (Samrée, 1 600 hectares), la famille de Fierlant (entre 1 000 et 1 200 hectares à Freux), le duc de Wellington (1 083 hectares de terres agricoles, prairies et bois entre Nivelles et Waterloo) et Albert Frère (1 027 hectares de bois et pâturages autour de Loverval et dans la Botte du Hainaut).

Certaines familles, comme les Lhoist, Berghmans, Collinet ou du Bois, ont des liens professionnels avec le terroir (carrières, eaux). Une des plus vastes propriétés forestières d’un seul tenant (800 hectares, Dave), appartient à un noble espagnol, Carlos Guttierez de Los Rios, duc de Fernan Nunez. Des chefs d’entreprise plus récents ont acquis des bois pour y pratiquer la chasse, marqueur suprême du pouvoir, mais ils peuvent être gagnés par la passion des arbres et de la nature. C’est le cas des frères Marc et Nicolas Saverys (Anvers, transport maritime), qui possèdent des centaines d’hectares à Libin et Libramont. Ils ne sont pas les seuls Flamands à s’intéresser aux forêts ardennaises : le groupe Fruytier fait partie du top 20 européen des « processeurs de bois résineux » (achat et exploitation des grumes) et domine le marché belge, avec quatre implantations en Ardenne.

La filière du bois wallonne

Chiffre d’affaires estimé à 4,5 milliards d’euros, 8 000 entreprises et 18 300 emplois. Production de bois, principalement des résineux : 3,75 millions de mètres cubes par an. Vu la forte demande, 130 % de l’accroissement des résineux est prélevé, 70 % de celui des feuillus.

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