Hommage à Jan Kuciak et à Martina Kusnirova à Bratislava, la capitale slovaque. © V. SIMICEK/AFP

Jan Kuciak, héros européen

Le journaliste tué avec sa compagne enquêtait sur des fraudes aux fonds structurels européens auxquelles la mafia calabraise ne serait pas étrangère.

Dans un peu plus de deux mois, le 17 mai, il aurait eu 28 ans… Jan Kuciak était reconnu comme l’un des meilleurs journalistes d’investigation de Slovaquie. Lui et sa compagne, Martina Kusnirova, ont été tués à bout portant, à une soixantaine de kilomètres de Bratislava, la capitale, dans la petite maison où le couple voulait s’installer.

A première vue, l’événement semblerait isolé. C’est la première fois qu’un journaliste est tué dans cette république d’Europe centrale depuis qu’elle a rejoint l’Union européenne (UE) en 2004. Hormis le massacre de Charlie Hebdo, en janvier 2015, seuls trois autres meurtres de journalistes ont été recensés depuis dix ans dans les pays de l’UE par Reporters sans frontières. Seulement voilà. L’assassinat de Jan Kuciak intervient quatre mois après celui de Daphne Caruana Galizia, à Malte, tuée dans l’explosion de sa voiture. Or, l’un et l’autre enquêtaient sur des affaires de corruption impliquant leur gouvernement.

La démocratie et la transparence reculent en Europe, dans l’ancien bloc communiste et ailleurs

En Slovaquie, Kuciak a publié sur le portail Internet Aktuality.sk une série d’enquêtes sur des soupçons de fraude fiscale concernant des hommes d’affaires proches du pouvoir. Récemment, il travaillait sur des fraudes liées aux fonds structurels européens et organisées, semble-t-il, par la mafia calabraise, la ‘Ndrangheta. Son dernier article, mis en ligne mais inachevé, donne le tournis… Kuciak y explique comment il y a trois ans, peu avant son retour au pouvoir, l’actuel Premier ministre Robert Fico aurait recruté comme assistante une certaine Maria Troskova, alors âgée de 27 ans, ex-danseuse aux seins nus et ancienne candidate au concours de Miss Univers. La jeune femme est soupçonnée d’être liée en affaires avec un proche de la ‘Ndrangheta. Mlle Troskova a présenté sa démission, le 28 février dernier, peu après la publication de l’enquête.

Populiste de gauche revenu au pouvoir à la faveur d’une coalition avec l’extrême droite, le chef de l’exécutif a souvent insulté les journalistes dans le passé, traitant certains d’entre eux de  » sales prostitués antislovaques « . Aujourd’hui, son gouvernement offre un million d’euros à toute personne qui aiderait l’enquête sur l’assassinat de Jan Kuciak.

La démocratie et la transparence reculent en Europe, dans l’ancien bloc communiste et ailleurs. Pas étonnant que le journalisme d’investigation devienne un métier dangereux.

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