Il ne reste aux signataires de l'accord sur le nucléaire iranien de 2015 qu'à prier pour que Trump ne soit pas réélu en 2020. © h. punz/apa/afp

Pourquoi l’accord iranien est à l’agonie

Le Vif

Malgré le marathon diplomatique en cours, le sauvetage du compromis nucléaire de Vienne, signé en 2015, relèverait du miracle.

Au vain jeu des exigences réciproques, les Etats-Unis mènent face à l’Iran par 12 à 7. Après son fracassant retrait du compromis nucléaire de Vienne (Autriche), Washington a posé le 21 mai dernier, par la voix du secrétaire d’Etat Mike Pompeo, douze conditions – évidemment inacceptables – à la très hypothétique conclusion d’un nouvel accord ; et ce deux jours avant que l’ayatollah Ali Khamenei, Guide suprême de la République islamique, assène à son tour un diktat en sept points – tout aussi irrecevables – aux partenaires européens de Téhéran. De telles passes d’armes rhétoriques ne sauraient masquer la cruelle réalité : voué à garantir la nature strictement civile du programme atomique de l’ancienne Perse, le Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) végète dans un profond coma. Et il faudrait un miracle pour le ramener à la vie. Au mieux, les signataires attachés au pacte viennois – Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Allemagne – peuvent espérer maintenir à flot une coquille à demi vide jusqu’au terme du mandat de Donald Trump ; en priant pour que celui-ci ne décroche pas un second bail en 2020.

Croit-on vraiment, chez Pompeo & Co, que Téhéran consentira un jour à couper les ponts avec le Hezbollah libanais ou à retirer son corps expéditionnaire de Syrie ? Et imagine-t-on sérieusement, à Paris, la théocratie chiite disposée à  » compléter  » l’accord moribond, à en élargir le champ, voire à en prolonger la durée ? Peut-être le président iranien, Hassan Rohani, serait-il prêt à transiger, si tel était le prix à payer pour cueillir enfin les fruits de la levée graduelle des sanctions économiques infligées à son pays, mais l’élu réformiste demeure plus que jamais tributaire de l’imprimatur du Guide. Or, Khamenei le martèle sans relâche : pas question d’entraver l’essor de l’arsenal balistique de l’Iran ni de refréner l’affermissement de son influence régionale. Le pouvoir téhéranais met donc au défi un Vieux Continent jugé  » indigne de confiance  » d’administrer la preuve de son aptitude à résister aux diktats du  » Grand Satan  » d’outre-Atlantique. Et de lui fournir des  » garanties réelles  » sur au moins trois fronts : l’écoulement de ses exportations pétrolières, la sécurisation des transactions bancaires, la protection des investissements sur son sol.

Le voudrait-elle que l’Europe ne pourrait sans doute pas tenir de telles promesses, tant sa marge de manoeuvre s’avère étriquée. Envisagé le 17 mai, lors du sommet informel de Sofia (Bulgarie), le recours à la  » loi de blocage « , adoptée en 1996 pour contourner le régime punitif made in USA, visant alors à bannir tout commerce avec Cuba, la Libye et… l’Iran, s’apparente à un leurre. Certes, rien n’empêche de prémunir les PME très engagées au Moyen-Orient contre les effets de châtiments extraterritoriaux. Mais il en va tout autrement pour les géants ayant un besoin vital d’accéder au marché américain, et qui sont exposés à de fatales représailles. La preuve : sauf improbable dérogation, le groupe Total renoncera à l’exploitation du champ gazier offshore South Pars 11.

Il y a une autre faille : s’ils s’évertuent à afficher leur unité face à l’oukase trumpien, les poids lourds de l’Union européenne obéissent à des impératifs parfois contradictoires. Témoin, la suspicion latente envers l’Allemagne, soupçonnée de guigner en solo un modus vivendi avec l’administration républicaine, tant elle laisserait de plumes en cas de guerre commerciale.  » Germany First «  ?

Par Vincent Hugeux.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire