30 juin 1960, le roi Baudouin se rend à la cérémonie d'indépendance du Congo. La Belgique " dégage ". © PHOTO NEWS

Farce au pili-pili

Nouveau fait d’armes pour le Collectif Manifestement, qui chronique le rattachement de la Belgique au Congo, ou une parodie de la belge dérision.

Le fait est acquis : on ne nous rendra pas le Congo. Il est vrai qu’au prix du caoutchouc, des mains coupées et du sang sur les lianes, le roi Léopold II en a peut-être assez profité. La Belgique, ensuite, ne s’est pas servie non plus le plus parcimonieusement qui, au nom de la coopération multilatérale, peupla l’Afrique centrale de combien d’éléphants blancs, ces investissements aussi dispendieux qu’inutiles, pour le peuple congolais en tout cas. Inversement, une curieuse nostalgie s’est emparée des suppôts du Collectif Manifestement, qui publient à présent une Chronique du rattachement de la Belgique au Congo (éd. maelstrÖm réévolution) sous la plume de Laurent d’Ursel et Xavier Löwenthal.

S’il est question, parmi bien d’autres ambitions situées assez loin de la realpolitik, de  » saccager la confortable identité belgo-surréaliste et folkloricocorico-décalée « , il n’en demeure pas moins que l’initiative du vénérable Collectif est sous-tendue par des influences dadaïstes, surréalistes et néosituationnistes, certes, mais possiblement aussi par les mânes de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) et du Collège de ‘Pataphysique, si chers à Raymond Queneau, Georges Perec ou Boris Vian. Même si les activistes du rattachement n’en ont cure, sachant que le situationniste Guy Debord, qui projetait de tracer des balades sur les toits de Paris, fut rarement égalé.

Cela n’empêche qu’à défaut d’un projet politique viable – les auteurs parlent d’ailleurs de  » politique-f(r)iction  » -, la République royale et populaire du Congo, fondée le 17 décembre 2006, et son empereur Maurice Boyikasse Buafomo, conteur à l’origine, dégagent des ondes et des vibrations plutôt sympathiques qui n’ont toutefois pas convaincu l’ancienne ministre bruxelloise de la Culture, Fadila Laanan, de subsidier la publication du présent ouvrage. Et encore moins, il va de soi, le rattachement proprement dit.

En son point 3, la charte du Collectif stipule que  » s’il est provocateur, le thème […] ne tient ni de la farce, ni du gag, ni de la fête « . L’on doit bien rire pourtant à certains moments quand, par exemple, dans un questionnaire à choix multiple, les conspirateurs suggèrent que le missionnaire puisse être une position érotico-rattachiste et que la langue de bois est la langue officielle de la République démocratique du Congo.

Ce mariage fantasmé du cornet de frites et du régime de bananes, inspiré également par une bonne poignée d’artistes (dégagés) dont feu Dieudonné Kabongo et Charlie Degotte, nous fait songer au passage qu’il se trouva naguère quelque homme d’Etat flamand pour instituer les noms de rues en néerlandais à Léopoldville. Mais oublions cela vite fait et souvenons-nous que le colonisateur belge a  » dégagé  » le 30 juin 1960. De quoi, éventuellement, s’en aller aussitôt consulter le Manifeste du dégagisme (éd. MaelstrÖm), suivi sous peu du Dégagisme du manifeste, respectivement ourdis et perpétrés par les mêmes dangereux insurgés.

Chronique du rattachement de la Belgique au Congo, par le Collectif Manifestement, maelstrÖm réévolution, 209 p.

Par Eric de Bellefroid

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