Droit de réponse

Nous avons reçu, d’André Versaille, fondateur des éditions André Versaille, reprises en 2012 par Renaissance du livre, ce droit de réponse au droit de réponse d’Alain Van Gelderen, administrateur délégué de Renaissance du livre, publié dans Le Vif/ L’Express du 15 février dernier, après la parution de notre article  » Les drôles de comptes de l’éditeur « , le 1er février.

Je viens de jeter un regard sur l’interminable épître de Monsieur Van Gelderen. Que de contorsions dans ce long devoir ! Comme il tente de se défendre tant mal que mal… Il dit ressentir l’article de Madame Mélanie Geelkens  » comme une attaque sur sa personne « , ce qui n’étonnera aucun de ceux qui ont approché Monsieur Van Gelderen, qui a toujours considéré toute critique à l’égard de sa manière si particulière de mener ses affaires comme des agressions haineuses, et ce même lorsque ces critiques ont été reconnues par un Tribunal et qu’il avait lui-même été condamné, ce qui a été le cas à l’issue du procès que je lui ai intenté.

Monsieur Van Gelderen déclare que la  » mauvaise posture  » dans laquelle se trouve la Renaissance n’a rien à voir avec le départ de Pierre Kroll. Ah bon ? Son avocat ne l’a sans doute pas compris, puisque dans le plan de réorganisation judiciaire déposé au greffe le lundi 21 août 2017, p. 5 § 2.7, il dit le contraire :  » Un très important dérapage a eu lieu en 2016. Le nouveau distributeur-diffuseur Tondeur Diffusion s’est avéré un très mauvais choix. En charge depuis mai 2016, il a effectué des prestations commerciales de médiocre qualité […] La conséquence fut une diminution des ventes […] Conséquence ou non de ces médiocres ventes, un des principaux auteurs récurrent de la maison, Pierre Kroll, choisit de quitter la Renaissance, GÉNÉRANT UNE PERTE SIGNIFICATIVE DE CHIFFRE D’AFFAIRES pour les années à venir.  »

Je ne reviendrai pas ici sur ses assertions comme celle où il prétend avoir dû payer anticipativement les imprimeurs, et donc de devoir attendre  » 9 à 10 mois entre la première dépense et la première encaisse.  » Cette étrange affirmation est d’ailleurs contredite dans le plan même de la PRJ de la Renaissance, par son propre avocat, puisque l’on y trouve des créances d’imprimeur pour plus de… 1 100 000 €. Bizarrerie sur laquelle Monsieur Van Gelderen, avec l’énergie du désespoir, a toujours refusé de s’expliquer.

Quoi qu’il en soit, par cette PRJ, la Renaissance a obtenu de réduire ses dettes à 15 % de leurs montants. Parmi celles-ci, on en trouve plusieurs minuscules – entre 100 € et 200 € – de… certains salariés de la Renaissance, correspondant à des frais non remboursés. On nous assure qu’elles ne sont pas de complaisance. Je n’oserais d’ailleurs l’imaginer. Dans ce cas, M. Van Gelderen, grand propriétaire d’une dizaine d’entreprises, mettra, après une franchise de 12 mois, 48 mois pour rembourser, à ses propres employés, entre 15 et 30 euros… Quel seigneur !

Cela dit, je voudrais revenir sur les calomnies (fuite de ma part, vols divers, fausse comptabilité, et autres accusations de la même farine) que M. Van Gelderen profère à mon endroit dans son Droit de réponse, calomnies pour lesquels il a d’ailleurs été condamné à l’issue du même procès. M. Van Gelderen n’ayant pu exhiber le moindre témoignage de plainte de sa part pendant les six mois que j’ai prestés, ni pendant toute l’année qui a suivi sa rupture unilatérale de mon contrat, aucune de ses accusations mensongères n’a été retenue par le Tribunal.

En réalité, voici comment les choses se sont passées.

Editeur, j’ai rencontré M. Van Gelderen fin 2012, à un moment où ma maison, la SA André Versaille éditeur, traversait une période difficile, malgré la bonne évolution de son chiffre d’affaires (il était passé à un total de 321 926,79 € en 2011 à 399 141,17 € en 2012) du fait de certaines dettes dues notamment à une conjoncture difficile : la maison avait été créée l’année de la crise des subprimes, en 2008…

Lors de ces entrevues, M. Van Gelderen m’avait dit qu’il ne pouvait pas à la fois renflouer la société et la racheter à un  » prix convenable « . Mon désir étant de poursuivre mon activité dans ce métier que j’avais exercé avec bonheur pendant 42 ans, j’ai accepté de lui vendre 96 % des parts pour 5 000 € (j’avais négocié avec la diffusion d’Actes Sud la reprise de leurs parts en échange du produit des ventes des derniers mois). En contrepartie de ces 5 000 € symboliques, M. Van Gelderen s’engageait à éponger les dettes dans l’année 2013, et à relancer la maison. Nous avons alors signé un contrat où j’étais engagé dès le 2 janvier 2013 comme  » Directeur d’édition  » avec un  » lock up  » réciproque de trois ans : aucun de nous ne pouvait rompre, sans accord ni indemnités, les accords qui nous liaient, pendant une durée de trois ans.

Au bout d’à peine quatre mois, M. Van Gelderen n’a plus payé mes notes d’honoraires, pas plus que mes notes de frais impayées, elles, depuis ma prise de fonction (en janvier 2013).

En juin, M. Van Gelderen m’annonça qu’il avait mis la société en PRJ en m’expliquant qu’il ne s’agissait que d’étaler les dettes sur 2 ans. En ce qui me concernait, il me garantit qu’il allait me régler d’un coup, fin juillet, les mois de mai, juin et juillet, ainsi que le remboursement des frais des 6 derniers mois. Il m’assura, en outre, que ma situation étant celle de  » Directeur d’édition  » (ainsi que formulé sur notre  » Convention de collaboration  » du 26 décembre 2012), je ne pouvais pas être considéré comme un créancier et que cette PRJ ne me concernait en rien. Il termina l’entretien en me recommandant de  » bien préparer la rentrée « , et qu’il comptait sur moi pour assurer le programme. Sur ce, n’écoutant que son courage, il partit en vacances, laissant le soin à son avocat la tâche de me révéler la vérité. Et de fait, deux semaines plus tard, le 15 juillet, une lettre du conseil de M. Van Gelderen, me fit savoir que la SA André Versaille éditeur avait obtenu le bénéfice de la réorganisation judiciaire, et qu’elle déposerait, le 14 août 2013, son plan de réorganisation. Ce plan n’avait rien à voir avec ce que M. Van Gelderen m’avait annoncé : il ne s’agissait pas d’étaler les dettes sur deux ans mais de les réduire à 15 % de leurs montants, et de régler les montants résiduels en… 48 échéances mensuelles.

L’avocat m’annonça en même temps que mon contrat était du coup résilié :  » Nous vous informons que la société André Versaille éditeur ne poursuivra pas l’exécution du contrat de collaboration qu’elle a signé avec vous le 26 décembre 2012.  » Cette décision était illégale : une PRJ peut suspendre un tel contrat, mais seulement pendant sa durée de quelques mois, après quoi, la société devait me réintégrer, ce que M. Van Gelderen refusa.

Il est à noter que lorsque M. Van Gelderen a lancé la PRJ pour André Versaille éditeur, il n’en était pas administrateur, et n’en avait par conséquent pas le droit. Il a donc tenté de faire croire que c’était moi qui avais pris cette initiative – ce qu’il continue à répéter avec une plaisante imperturbabilité jusque dans son  » Droit de réponse « . Et pour cela, il a été jusqu’à carrément commettre un faux qu’il a présenté dans les pièces fournies avec les conclusions de son avocat ! Ce faux consiste en un courriel soi-disant adressé et signé par moi à mon assistante (la seule salariée de la maison) en la prévenant que j’avais introduit une requête en PRJ. Il s’agissait d’un faux facilement détectable et mon assistante en a témoigné. Comment d’ailleurs imaginer que j’aurais pu lancer une PRJ  » hara kiri  » où j’aurais cassé moi-même les contrats qui me liaient à la fois à André Versaille éditeur et à la Renaissance, sans la moindre indemnité, et réduit en même temps ma propre créance à 15 % de son montant ?

Quatre ans après la mise en route de cette PRJ, ni les auteurs, ni l’imprimerie Laballery, ni aucun des autres créanciers, ni bien sûr moi-même, n’avons perçu le moindre euro.

Particularité de ce plan : les auteurs ne figuraient pas sur la liste des créanciers… Explication de M. Van Gelderen au Tribunal à qui j’en faisais la remarque :  » Je ne les ai pas inclus parce que les auteurs étant vulnérables, et les sommes dues très faibles, je compte leur payer l’intégralité de leurs droits.  » Promesse qui ne fut évidemment nullement tenue.

Près d’une trentaine d’auteurs m’ont confirmé plus tard que :

1. ils n’avaient jamais été informés officiellement par le nouveau propriétaire et administrateur de la mise en PRJ de la société André Versaille éditeur en 2013 ;

2. contrairement à ce qu’il se passait jusqu’à 2011 (jusque-là, les auteurs avaient régulièrement perçu leurs droits) ils n’avaient reçu ni informations, ni relevé de compte, ni perçu de droits d’auteur, de la part des éditions André Versaille ;

3. ils s’en offusquaient d’autant plus que pour la quasi-totalité d’entre eux, leurs livres sont depuis épuisés.

Les déclarations de ces auteurs ont été transmises au Tribunal.

J’ai donc attaqué la SA André Versaille éditeur et la Renaissance en justice. Le Tribunal a tenu compte de la plupart des arguments avancés et condamné la Renaissance à me verser la somme de 143 000 € en principal, à majorer des intérêts au taux légal, et une indemnité de 5 866 € au titre de dommage pour m’avoir traité d’escroc, accusé d’avoir pris la fuite, emporté du matériel, etc., dans des lettres adressées aux professionnels du secteur de l’édition, et à nombre de journalistes.

Comme ce jugement était exécutoire par provision, nonobstant tout recours et sans caution ni cantonnement, M. Van Gelderen, pour échapper à la sentence, a réagi en mettant immédiatement la Renaissance en PRJ… Ce ne serait donc pas la défection de Kroll qui a provoqué la PRJ, ce serait la perte du procès que j’ai intenté à la Renaissance : je n’imaginais pas celle-ci si fragile…

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