Béa Ercolini © Erik Anthierens

Des chiffres et des femmes

J’aurai vécu assez vieille pour le voir : les 8 et 9 juin, les dirigeant.e.s du G7 réuni.e.s au Canada débloquaient trois milliards de dollars (2,5 milliards d’euros) pour l’éducation des filles et des femmes vulnérables dans le monde. Une initiative historique, passée au second plan derrière le désastre diplomatique d’un Trump refusant de signer le communiqué final du sommet. Quelques jours plus tôt, à Bruxelles, les European Development Days (EDD) mettaient l’accent sur la nécessité de  » protéger, émanciper, investir  » sur les femmes et les jeunes filles des régions à problèmes. Jean-Claude Juncker (président de la Commission européenne), Federica Mogherini (la cheffe de la diplomatie européenne), la reine Mathilde, Paul Kagame (pour l’Union africaine), les présidents du Liberia et du Burkina Faso… L’Europe au chevet des 130 millions de filles qui, dans le monde, ne vont pas à l’école. Cela faisait des lustres que les féministes, études à l’appui, insistaient sur l’impact de l’égalité des genres sur l’économie et le bien-être.

80 millions de serviettes hygiéniques distribuées par Pu0026G

La nécessité de rattraper le retard en matière d’éducation des filles et des femmes, mais aussi de sécurité maternelle et de contraception, occupe enfin le devant de la scène des grands barnums internationaux. Pas trop tôt ! Le soir, les participants aux EDD se retrouvaient pour le lancement d’une campagne mondiale financée par des sponsors publics et privés. Objectif : récolter 500 millions de dollars d’ici à la fin de l’année pour changer la vie de 20 millions de femmes et de filles dans le monde. Après Alexander De Croo, ministre de la Coopération au développement (le gouvernement belge investit trois millions d’euros), un ministre luxembourgeois ou la directrice de l’ONU femmes, c’était donc à Ranya Shamoon, la vice-présidente pour l’Europe des soins féminins de Procter & Gamble, de prendre la parole. La multinationale promet d’aider 400 000 jeunes filles en Inde, Afrique et Chine en leur offrant à long terme serviettes hygiéniques et éducation via le programme Always (car il s’agit bien de ces protections menstruelles) d’éducation à la puberté et à la confiance. Le choix par P&G de la cause des jeunes femmes comme axe de communication autour de sa marque de protections périodiques ne date pas d’hier.

On se souvient du fameux clip  » Courir comme une fille « , qui dénonçait les biais de genre. Pour leur éviter de manquer l’école, P&G a offert 80 millions de serviettes hygiéniques à des jeunes filles ces dix dernières années. Dans les pays en développement, mais aussi au Royaume-Uni !  » Nous sommes l’un des plus gros annonceurs du monde, déclare Ranya Shamoon, nos marques ont une responsabilité dans le changement de certains clichés sur la manière dont les femmes sont censées se comporter ou non.  » La multinationale n’est évidemment pas la seule à miser sur la cause des femmes pour vendre ses produits. Avancée bienvenue ou nouvelle tarte à la crème de la pub toujours en recherche de tendances ? Les deux, mon général ! Mais me revient la phrase de Lao Tseu, elle aussi récupérée par une campagne en faveur du développement : si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour… Dans le cas présent, il est temps que P&G investisse dans la coupe menstruelle, ce petit dispositif en caoutchouc, lavable et réutilisable, que les jeunes femmes de la génération Y ont adopté depuis longtemps. Mais ça, c’est une autre histoire…

Coup de pub ou vrai programme d’émancipation ?

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