© Erik Anthierens

DES CHIFFRES ET DES FEMMES

Le temps de mettre sous presse, le chiffre n’a pu qu’augmenter. Twitter a aussi confirmé (1) que le fameux hashtag avait été utilisé dans 85 pays. Lancé le 15 octobre dernier par une comédienne agressée sexuellement par Harvey Weinstein, il s’est aussi déployé sur Facebook : en deux jours, il suscitait 12 millions de posts, commentaires et réactions rien qu’aux Etats-Unis ; 4,7 millions de plus si on compte les utilisateurs du monde entier.

On pourrait vous raconter que le mouvement a, en réalité, été créé il y a dix ans par l’activiste noire Tarana Burke pour faire savoir aux femmes de couleur violées qu’elles n’étaient pas seules… On veut surtout poser deux questions. Primo : même nés dans l’émotion, comme toujours lors des révolutions, ces chiffres ne tiennent-ils pas de la libération de la parole citoyenne ? Secundo : après #balancetonporc, les avis pour, les contre ; après ceux qui s’offusquent et ceux qui compatissent, celles qui crient à la délation, maintenant, que fait-on ?

Organiser, comme Isabelle Simonis (PS), des formations  » genre  » à l’intention des fonctionnaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles ? Réunir une table ronde ministérielle ? C’est bien le job d’une ministre des Droits des femmes. Créer, comme l’annonçait Emmanuel Macron, en direct sur TF1, une police spéciale contre le harcèlement dans l’espace public ? Voter, comme le propose sa secrétaire d’Etat à l’Egalité, une loi contre le sexisme ? Au passage, Marlène Schiappa recueille des lauriers internationaux pour sa vision avant-gardiste…

Cette loi sexisme, elle existe en Belgique depuis 2014. Proposée par Zakia Khattabi (Ecolo), finalement portée au Sénat par Joëlle Milquet (CDH), elle était la première du genre en Europe. En 2016, elle a failli être annulée. C’est vrai qu’elle n’est pas facile à appliquer. Voilà par quoi on pourrait commencer : améliorer la loi, la rendre plus  » ergonomique « . La laisser grandir.

La loi sur le racisme de 1981 a, elle aussi, eu besoin de quelques années pour trouver ses marques. Le sexisme est-il autre chose qu’un racisme antifemmes ? Enfin, même si elle n’est pas appliquée à tout bout de champ, lui permettre de percoler les mentalités : aujourd’hui, ce qui n’est pas interdit est souvent considéré comme permis… Encore faudra-t-il, à tous les niveaux, que les commissariats, parquets et juges soient au courant aussi, et réceptifs à ces situations où, s’il n’y a pas mort d’homme, il y a massacre de femmes. Pareil dans l’entreprise : malgré deux lois sur le harcèlement au travail, les plaintes au responsable restent souvent sans suite. Assez logique, quand la hiérarchie est très très masculine.

Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? On sensibilise dès le plus jeune âge, on forme les équipes en place. On se groupe entre filles plutôt que de balancer des noms toute seule, au risque de perdre son job ou d’être attaquée pour diffamation. Pour ma part, je rêve de travailler avec une union sacrée de femmes appartenant à l’ensemble des partis démocratiques, belges et européens, et de porter ensemble des mesures antisexisme. Mesdames, c’est quand vous voulez.

(1) A CBS News, le 24 octobre dernier.

par Béa Ercolini

1,7 million de fois Le hashtag #MeToo a été tweeté plus de 1,7 million de fois. Et maintenant, on fait quoi ?

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