© ERIK ANTHIERENS

Des chiffres et des femmes

Les chiffres font froid dans le dos. Ils concernent surtout les pays d’Afrique sub-saharienne et l’Asie du Sud. Niger, Mali, Mozambique… Et, bien sûr, Inde, Bangladesh, Afghanistan, Népal. Les petites vivent à la campagne, dans des familles pauvres où on va peu à l’école. A l’échelle de la planète, près d’une jeune fille sur trois est poussée au mariage avant ses 18 ans (1). Soit 27 gamines chaque minute (2). Une sur neuf a moins de 15 ans.

15 ans et pas encore mariée ?  » Déjà une vieille vierge « , dit-on d’elle sur l’île de Java, dans le village de Rini (3). Aujourd’hui, la jeune Indonésienne a 22 ans. Elle a décroché un diplôme, parcourt son pays et vient de prendre la parole au Japon et aux Pays-Bas, pour la plus grande fierté de ses parents. Ceux-ci avaient bien l’intention de la donner en mariage, sa treizième année accomplie, à un gars un peu plus âgé. C’est ainsi, sur l’archipel, qu’on s’en sort quand on n’a pas le sou. Alors, l’adolescente a proposé un deal :  » J’ai demandé à mes parents combien ils avaient dépensé pour mon éducation. J’ai dit que je rembourserais tout s’ils me laissaient continuer mes études.  » Une bonne idée : d’après Plan Belgique, très engagée sur la question, une fille scolarisée pendant au moins neuf ans a trois fois plus de chance d’échapper à un mariage précoce. La preuve par Rini. Sa Youth Coalition for Girls propage son histoire et celle d’autres rescapées, pour faire comprendre aux filles qu’un autre futur est possible.

Inutile de s’étendre sur la violence que représente le fait de partager la vie d’un homme qu’on n’a pas choisi, souvent bien plus âgé que soi (3). Une violence psychologique et physique qui s’exprime aussi en matière de risques médicaux. Chaque année, 70 000 ados meurent de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement (4).

Cela étant dit, dans toute une série de pays africains, mais aussi en Jordanie ou en Arménie, les chiffres reculent. En avril dernier, des religieuses musulmanes ont publié une fatwa qui déclare le mariage des mineurs inacceptable. Une campagne mondiale, #GirlsNotBrides, tourne sur la Toile. Le gouvernement belge, via sa coopération au développement, encourage les Etats qu’il soutient à changer de mentalité. Tiens, au fait, et en Belgique, ça arrive, les mariages précoces et forcés ? Parfois. Les chiffres disponibles parlent de cinq à dix mineurs subissant un mariage forcé, chaque année par grande ville belge (5). Une manière, paraît-il, de calmer les enfants turbulents.

(1) Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap), 2012.

(2) Etude Plan Belgique et KULeuven-Hiva, 2014.

(3) Jensen & Thornton, 2003.

(4) Thomson Reuters Foundation sur news.trust.org

(5) Kattrin Jadin (député fédérale MR), communiqué du 23 avril 2015.

par Béa Ercolini

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