Philippe Maystadt, en tant que président de la BEI durant les années 2000. © WIKTOR DABKOWSKI/BELGAIMAGE

De chiffres et de lettres

Pilier de la démocratie chrétienne, longtemps grand argentier belge, homme de compromis, artisan de la construction européenne, chroniqueur au Vif/L’Express, Philippe Maystadt rêvait d’une grande alliance progressiste face aux populistes.

Bonjour. C’est avec regret que je dois vous avertir que je suis entré dans la phase finale de la maladie et que je ne pourrai plus écrire de chronique pour Le Vif/L’Express. Je trouvais l’exercice intéressant, notamment parce qu’il m’obligeait – ce qui fut loin d’être simple – à ramasser mes réflexions dans un format beaucoup plus court que celui de mes articles habituels. En outre, les réactions que je recevais, variables selon le thème de la chronique, démontraient que j’avais des lecteurs attentifs. En particulier, la dernière chronique, sur les inégalités (NDLR : Le Vif/L’Express du 24 novembre 2017), qui m’a valu de nombreuses réactions positives. Je voudrais donc vous remercier de votre confiance et vous dire que j’ai été heureux de collaborer avec vous ainsi qu’avec Gérald Papy, avec qui je suis presque toujours d’accord. Je vous souhaite une bonne vie, à vous et au Vif/L’Express.

Bien cordialement,

Philippe Maystadt.  »

Le courriel est daté du 5 décembre. Deux jours plus tard, ce très grand ministre d’Etat, 69 ans, s’est éteint.

Ce Carolo formé aux sciences économiques à Namur est un ministre  » technique  » (Budget, puis Finances) durant les années 1980 et 1990. Philippe Maystadt crée une gestion dynamique de la dette, la mise en concurrence des banques pour éviter l’explosion des taux d’intérêts ou les emprunts portant son nom. Déterminant pour éviter la faillite du pays.

Vice-Premier ministre PSC, il défend les vertus du compromis –  » pour autant que ce ne soit pas de la compromission  » -, de la modération sociale et de la sociale démocratie ( » la seule voie qui permette de concilier liberté et solidarité « ). Il participe aux négociations menant au Traité de Maastricht, en 1992, posant les jalons de l’union monétaire, assure l’intérim, en 1998-1999, à la tête du PSC, entre Charles-Ferdinand Nothomb et Joëlle Milquet, puis dirige durant douze ans la Banque européenne d’investissement (BEI), qui octroie, bon an mal an, 60 milliards d’euros à des milliers de projets au sein de l’Union. Mission correspondant à sa conviction keynésienne : c’est en soutenant l’innovation et les grands projets qu’on sortira l’Europe de la crise. Philippe Maystadt devient aussi président de l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (Ares) et crée la fondation  » Ceci n’est pas une crise  » pour contrer la montée du populisme.

Il écrit, enfin. Vantant, notamment,  » l’art de la décision politique « , une Europe renforcée et une participation plus grande des citoyens dans la gestion locale. Et rêvant  » d’une force sociale-démocrate qui regrouperait la partie moderne et non corrompue du PS, la partie progressiste du CDH et de DéFI et la partie raisonnable d’Ecolo.  » Au fil de ses cinq ans de chroniques dans Le Vif/L’Express, Philippe Maystadt laisse un testament spirituel, plaidant pour la relance du projet européen, la lutte contre les inégalités et la dualisation croissante de nos sociétés, le réveil face aux technologies…

A tous les siens, nous présentons nos plus sincères condoléances.

Lire aussi  » La lumière d’un sage  » sur levif.be

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