Thierry Fiorilli

« L’irresponsabilité, valeur sûre de l’année »

Thierry Fiorilli Journaliste

On n’a jamais autant parlé de santé mentale qu’aujourd’hui. Qu’on soit porté par la colère ou par l’enthousiasme, qu’on l’utilise pour se dédouaner ou pour décrédibiliser. On n’a pratiquement plus que  » folie  » et ses dérivés à la bouche.

Trump ? Cinglé. Kim Jong-un ? Timbré. Les types qui tirent dans la foule ? Fous furieux. Les prédateurs sexuels ? Malades mentaux. Charles Manson ? Dément. Pareil dès qu’il est question, notamment, de dépression, de burnout, de bipolarisme : on y lie toujours, tôt ou tard, sous une forme ou une autre, la question du trouble mental, en y voyant l’une des causes ou en y pointant l’une des conséquences.

En même temps, le nombre de diagnostics psychiatriques n’a jamais été si élevé. Comme la consommation de médicaments psychotropes, qui agissent sur l’activité psychologique et mentale. Pourtant, comme l’illustre notre dossier, la définition même des troubles mentaux demeure, encore et toujours, et plus que jamais, extrêmement vague, variant tant selon les textes de loi que selon les autorités médicales.

Il n’empêche : l’évolution des sociétés, l’accélération des rythmes et l’éclatement des repères traditionnels, entre autres big bang, semblent bien nous mettre régulièrement la tête à l’envers. Charge mentale accablante, stress permanent, lois de la concurrence, contraintes de la performance, anxiété environnante, envies débridées, réseaux sociaux, culte de la colère et triomphe de l’atrabilaire… Tous ces ingrédients qui prennent d’assaut ce qu’on appelle pudiquement l’équilibre. Et qui en ont raison, souvent.

L’année 2017 l’aura démontré presque chaque jour. Au nom du fameux  » bon sens « , des chefs d’Etat ou d’entreprise, des groupes ou des individus, des jeunes ou des anciens, ont multiplié faits et gestes insensés. Tuant, torturant, expulsant, pillant, limogeant, détruisant. Allumant de nouveaux brasiers, annonçant de nouveaux conflits, provoquant de nouvelles catastrophes. Aux quatre coins du monde. Comme immunisés par leur pouvoir, qu’il émane de la population, d’un prétendu droit divin, du hasard, de l’anonymat d’un avatar, d’une arme ou de leurs propres compétences.

Ces hommes-là, parce qu’il ne s’agit presque jamais de femmes, ont affiché cette année des comportements dépassant tout entendement. Par pure provocation ou parce que, à leurs yeux, toute norme finit par s’estomper devant le besoin d’asseoir davantage une puissance. Qu’ils s’appellent Harvey Weinstein ou Yvan Mayeur, du QG liégeois de Publifin au bureau ovale de la Maison-Blanche, à Pyongyang ou dans le nord du Sinaï, depuis un camion-bélier n’importe où comme dans un abattoir de la Flandre profonde, ils ont prouvé, à des degrés divers bien sûr, que la folie n’exclut pas la conscience de ses actes.

En ce sens, ils auront érigé en dominatrice de l’année l’irresponsabilité.

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