Le couple princier paradant dans la capitale : une image qu'on a failli ne pas voir. © BELGAIMAGE

2 juillet 1959 : Albert, Paola et la Question royale

A première vue, tout va pour le mieux. Les cloches de la cathédrale des saints Michel et Gudule résonnent dans tout le royaume. Albert et Paola semblent très amoureux. Et derrière eux, l’ensemble du peuple belge se réjouit.

En masse, les gens se sont rués dans les magasins pour acheter leur premier téléviseur : en aucun cas, ils ne voudraient rater le mariage princier. Mais sous les mines réjouies, l’amertume filtre encore. En coulisse, un rude feuilleton vient de se jouer. A peu de choses près, une nouvelle Question royale éclatait.

C’est en avril que les Belges apprennent le prochain mariage du prince héritier. La joie est grande. Il faut dire que la cour a été peu à la fête au cours des dernières années… Mais un détail surprend : il est prévu que le mariage soit célébré au Vatican par le pape Jean XXIII. Ou plutôt : les mariages. Car en Italie, unions civile et religieuse sont scellées au même moment. Dans la presse, la grogne monte rapidement.  » Durant les dernières semaines, l’entourage royal, par ses erreurs répétées, a mis en place tous les éléments d’une nouvelle Question royale « , lit-on dans La Cité. Quant au bureau du Parti socialiste, il  » espère que les décisions annoncées ne sont pas définitives et que le gouvernement aura la sagesse de les faire modifier « .

En peu de temps, le dossier devient affaire d’Etat. Le gouvernement est mal pris. Lui-même n’a pas eu grand-chose à dire dans l’affaire. En avril, c’est le roi Baudouin (poussé par Léopold et Lilian ? ) qui a pris les choses en main. Par l’intermédiaire de l’ambassadeur belge près le Saint-Siège, Prosper Poswick, c’est lui qui a obtenu l’accord du Vatican. Dans les milieux gouvernementaux, on reproche au Palais d’avoir agi sans contreseing. Et on accuse Poswick d’être intervenu sans instruction ministérielle. Le diplomate s’en défend :  » Je crois que c’est cela la véritable diplomatie, celle qui ne se laisse pas enfermer dans les étroites limites des interventions officielles.  »

Il reste que le gouvernement doit réagir. A Bruxelles, les idées circulent. Ne pourrait-on pas organiser des manifestations locales en l’honneur des tourtereaux ? Ou tout de même célébrer le mariage civil à Bruxelles ? Entre le Palais, la rue de la Loi et l’ambassade belge près le Saint-Siège, ça cafouille. Début juin, le Premier ministre Gaston Eyskens confie à un diplomate français  » n’avoir pu depuis plus d’un mois se consacrer à aucune autre affaire « .

C’est du Vatican que viendra le salut. Début juin, Jean XXIII propose que le mariage soit célébré à Bruxelles. La solution est élégante, personne ne perd la face. Il n’empêche, l’alerte a été sérieuse. Dans les milieux politiques comme au Palais, une prise de conscience a lieu. Un geste doit être posé. En ce printemps 1959, Léopold et Lilian décident de quitter le domaine de Laeken. Et d’y laisser, seul, Baudouin régner. Effectué en décembre 1960, le déménagement ramènera un peu de sérénité dans le petit royaume de Belgique. Et mettra un terme véritable à la Question royale.

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