Du 20 au 22 février 1934, les Belges défileront en masse devant la dépouille d'Albert Ier. © PHOTO NEWS

17 février 1934 : le Roi est mort, un héros est né !

C’est une tragédie. Ce lundi 19 février, en lisant leur journal du matin, les Belges ne peuvent plus nier l’évidence. Albert, leur roi, est mort. L’événement s’est produit l’avant-veille. Le souverain était en train d’escalader le « Vieux Bon Dieu », une falaise d’une trentaine de mètres située à Marche-les-Dames, en bord de Meuse. Il était expérimenté et en bonne santé. Il est pourtant tombé. Définitivement.

Et voilà déjà que la presse évoque  » un guide « ,  » un serviteur incomparable « . Un héros. Etre roi des Belges n’est pourtant en rien un gage de popularité. En 1909, c’est dans l’indifférence la plus totale que Léopold II est décédé. L’homme était sévère, distant, mégalo. Et ses moeurs étaient loin de faire l’unanimité. Albert, son neveu, présente un autre style. Attentif à l’opinion publique, il soigne son image. Il passe pour être un homme proche du peuple, un mari aimant et un bon père de famille.

Et puis, il y a la guerre. Sa guerre. En 1914-1918, Albert incarne la résistance belge à lui tout seul. Sur le terrain, il se montre proche de ses hommes et dirige les opérations. Au terme du conflit, il participe aux conférences internationales de paix. Déjà, le  » roi- chevalier  » est né.

C’est dire si sa mort est un choc brutal, largement accentué par les gros titres de la presse écrite.  » La foudroyante nouvelle a frappé de stupeur le pays entier « ,  » Une catastrophe effroyable frappe la Belgique « ,  » La Patrie est en deuil « , lisent les Belges. En quelques heures, une mythologie se met en place. Albert  » avait consacré toutes les forces de sa haute intelligence, toutes les ressources de son grand coeur, au service de la Belgique.  » Il  » n’avait pensé, agi, vécu  » que pour son pays. Il avait  » sauvé  » la Belgique. Mort, le roi devient une légende. Et ce ne sont pas les quelques vociférations du communiste Drapeau rouge –  » A bas la monarchie ! Vive les Soviets !  » – qui y changeront quelque chose. Du 20 au 22 février, les Belges défilent massivement devant la dépouille. Dans certains cas, ils doivent attendre plus de huit heures avant de pouvoir s’incliner devant le souverain défunt.

La mort du roi ne frappe pas seulement la Belgique.  » L’univers en deuil « , ose même Le Vingtième Siècle. Des télégrammes sont envoyés dans les grandes capitales pour annoncer le décès. Mieux : plusieurs missions extraordinaires sont dépêchées à l’étranger. Composées d’éminentes personnalités – diplomates, ministres d’Etat ou hauts aristos -, elles sont notamment chargées de décrire l’amour qu’Albert portait pour le pays tiers.

Vient ensuite le temps du souvenir. Dans les maisons, les gramophones permettent de réentendre la voix du défunt. Sur les places, des statues sont érigées. Albert donne son prénom à des rues et des cafés. Il inspire les poètes et les écrivains. En quelques années, pas moins de 86 biographies lui sont consacrées. Dans les parages de Marche-les-Dames, une autre activité est signalée. Des feuilles mortes sont vendues, tachées du sang royal. D’authentiques reliques.

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