Yuli Edelstein © Getty Images

Yuli Edelstein, président du parlement israélien: « Notre armée n’a jamais commis de crimes de guerre »

Le processus de paix au Moyen-Orient est-il mort? Le président du parlement israélien Yuli Edelstein, de passage en Belgique cette semaine, continue à croire à une issue. « Au lieu de négocier, nous devons réunir la population israélienne et palestinienne. »

À l’approche du 27 janvier, la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, notre confrère de Knack s’est entretenu avec Yuli Edelstein. Président de la Knesset et figure de proue du parti Likoud du Premier ministre Benyamin Netanyahou, il assistera à une commémoration aux parlements belge et européen. « Aujourd’hui aussi, l’Holocauste est politiquement pertinent », déclare-t-il quelques jours avant une visite en Belgique. « Partout, en Europe, on assiste à de nouveaux actes antisémites et racistes. »

Avez-vous un exemple concret ?

Yuli Edelstein: Ces derniers temps, nous voyons toutes sortes de personnages qui tentent de ranimer l’antisémitisme traditionnel. Soyons clairs : toutes les critiques à l’encontre d’Israël ne sont pas antisémites. Mais quand j’entends certaines organisations parler de « crimes de guerre » ou de « brutalités » de l’armée israélienne, leur motivation est claire.

Cette critique vient d’ONG reconnues telles qu’Amnesty International. Ces déclarations sont-elles vraiment motivées par l’antisémitisme?

Écoutez, je peux admettre un terme tel qu' »occupation », même si je ne suis pas d’accord. Je n’ai jamais compris qu’on puisse prétendre que la Palestine, un pays qui n’a jamais existé, puisse être occupée. Mais les crimes de guerre, c’est tout à fait différent. L’armée israélienne n’a jamais commis de crimes de guerre. Ceux qui le prétendent sont clairement motivés par de bons vieux instincts. C’est ce qu’on a vu aussi quand Haïti a été touché par un tremblement de terre en 2010, et qu’Israël a envoyé une équipe de secours. De nombreuses ONG ont alors répandu la rumeur qu’Israël était là uniquement pour voler des organes. Si ce n’est pas de l’antisémitisme, alors je ne sais pas. Cela vaut aussi pour le Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui vote la moitié de ses résolutions sur Israël. Pas sur la Syrie, pas sur le Venezuela, pas sur l’Iran – seulement à propos de nous.

Accusez-vous le Conseil des droits de l’homme d’antisémitisme ?

Disons que si je gare ma voiture quelque part où je n’ai pas le droit de la mettre et que j’écope d’une amende, cela ne me pose pas de problème. Si vingt voitures se garent où c’est interdit et je suis le seul à me voir infliger une amende, je me pose des questions. L’ONU vient de voter une résolution qui affirme que le peuple juif n’a pas de lien spécial avec Jérusalem. Alors, je ne suis pas étonné quand on se met à lancer des cocktails Molotov vers les synagogues.

Donald Trump a reconnu ce lien avec Jérusalem, en décembre. Comment évaluez-vous sa première année comme président américain du point de vue d’Israël ?

Notre bonne relation avec l’Amérique répond à un sentiment largement partagé par le peuple américain. Mais il est clair que la position de Trump sur Jérusalem est un signe encourageant.

Après coup, il a déclaré que le statut de Jérusalem est toujours négociable. A-t-il vraiment reconnu Jérusalem ?

Si le geste de Trump n’est que symbolique, pourquoi nos amis européens ne le répètent-ils pas? Il y a beaucoup de nations amies en Europe qui – Dieu les en préserve – ne peuvent être soupçonnées de sentiments anti-israéliens, et n’osent le faire. Je pense que le président américain reconnaît que les juifs chérissent leur lien avec Jérusalem depuis trois mille ans.

Êtes-vous déçu que Trump n’ait pas renoncé à l’accord nucléaire avec l’Iran, comme il l’a promis pendant sa campagne?

Je ne suis pas vraiment optimiste. Les Iraniens demeurent déterminés à accéder aux armes nucléaires. En outre, l’Iran exploite l’accord à des buts politiques. Aujourd’hui, la communauté internationale refuse de condamner le pays pour ce qu’il fait de ses citoyens, parce qu’elle veut absolument garder l’accord nucléaire.

Voyez-vous certains progrès dans le processus de paix avec les Palestiniens?

J’aimerais vous rappeler la célèbre citation d’Albert Einstein:  » La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. » Au lieu de négocier, nous devons construire la paix depuis la base. La plupart des pays sunnites l’ont enfin compris : l’Iran est le grand ennemi, et Israël une partie de la solution. Il ne fait pas de doute que cela amènera les Palestiniens à plus de raison.

Ne trouvez-vous pas risqué d’embrasser un pays comme l’Arabie saoudite? Une grande partie de la population saoudienne veut détruire Israël.

Effectivement, ce sont surtout les dirigeants politiques qui comprennent que nous ne sommes pas le problème. Malheureusement, cinquante ans de boycott et de campagnes antisémites ont fait beaucoup de tort. C’est fou que les techniques d’irrigation israéliennes aient fait progresser l’agriculture chinoise, mais que personne sur les territoires palestiniens ne les utilise. Nous voyons déjà qu’aux endroits où les Israéliens et les Palestiniens travaillent ensemble à ces projets, c’est la paix qui règne.

Les Palestiniens n’auront-ils plus d’aspirations nationales si la situation économique s’améliore?

Au contraire, plus les gens seront rassurés à propos de leur situation économique, plus ils réfléchiront à leur identité et à leurs droits. Mais je ne m’inquiète pas pour ça. Je désire justement que les Palestiniens viennent à la table des négociations quand ils auront quelque chose à perdre.

Estimez-vous qu’avec leurs leaders actuels une solution soit possible?

Sincèrement? Je ne pense pas. Il y a quelques jours, le président Mahmoud Abbas a qualifié Israël de « projet colonial européen » qui « n’a rien à faire ici ». Il n’est pas assez fort ou motivé pour conclure la paix.

Heureusement, nous ne devons pas négocier tout de suite. Israël souhaite travailler à des projets communs via la communauté internationale pour rassembler la population israélienne et palestinienne.

Qu’avez-vous à offrir aux Palestiniens si vous ne voulez pas parler d’un état palestinien ?

Je peux immédiatement vous donner cinq solutions, mais vu l’ambiance actuelle, elles n’ont aucune chance.

Vous avez prétendu un jour qu’Israël déclarerait immédiatement la guerre à un éventuel état palestinien. Êtes-vous toujours de cet avis ?

J’ai dit que si on créait un état palestinien sous les circonstances actuelles, Israël devrait l’attaquer rapidement, car nous serions continuellement la cible de missiles. C’est exactement ce qui s’est produit dans la Bande de Gaza. Bien qu’il n’y ait pas de juifs qui vivent à Gaza, les Palestiniens consacrent des centaines de millions de dollars à des tunnels et des missiles destinés à nous mitrailler. Pourquoi voudrions-nous à nouveau créer un État de terreur ? Comment cela ferait-il progresser les Palestiniens ?

(pause) Vous savez que des centaines de milliers de Palestiniens dépendent totalement des soins de santé israéliens. S’il y a un état dépendant, il y aura aussi un régime de visa, et ces gens ne pourront plus se rendre dans les hôpitaux israéliens. Parfois, il faut oser dépasser les slogans, et regarder les faits sur place.

Ces faits ne sont-ils pas qu’aujourd’hui les Palestiniens de Gaza doivent attendre des jours pour se rendre dans un hôpital israélien ?

C’est justement ce que je veux dire: avant qu’Israël se retire de Gaza et qu’Hamas y prenne le pouvoir, il était beaucoup plus facile pour les habitants de Gaza de réussir à rentrer en Israël. La vie à Gaza est carrément misérable.

Israël n’est-il pas en partie responsable de cette situation?

On dit toujours qu’il y a tant de pénurie à Gaza. Une pénurie de quoi ? À chaque missile qu’on envoie sur Israël, je pense spontanément : combien de langes, de médicaments et de pain pourrait-on acheter avec l’argent dépensé pour ces armes ? Combien de familles pourrait-on nourrir avec tout ça ?

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