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Xi Jinping, le tout puissant dirigeant chinois

Muriel Lefevre

Le Parti communiste chinois (PCC), le « plus grand parti du monde » (89 millions de membres), se réunit ce mercredi à Pékin. Le président chinois Xi Jinping attend un nouveau sacre. Mais qui est celui qui dirige la deuxième puissance mondiale ? Portrait.

Drapeaux rouges, slogans patriotiques, sécurité renforcée, air pur… par la magie du plus grand parti politique du monde (89 millions de membres), qui peut fermer les usines pour garantir un ciel bleu lors de ses grandes manifestations dans une des villes les plus polluées du monde. Pékin reçoit près de 2.300 délégués pour sa grand-messe politique, qui se tient tous les cinq ans dans le cadre monumental du Palais du peuple, place Tiananmen.

Au centre des attentions, Xi Jinping, 64 ans, arrivé au pouvoir à l’automne 2012 lorsqu’il a été nommé secrétaire général du parti. Quelques mois plus tard, début 2013, il devient président de la République populaire.

« Il représente ce que les Chinois veulent en termes de gouvernance: un pays bien tenu, une Chine forte et respectée », observe le sinologue Jean-Pierre Cabestan, de l’Université baptiste de Hong Kong. Le « rêve chinois » d’une « grande renaissance » du pays le plus peuplé du monde, après un siècle d’humiliation infligée par les Occidentaux, tient lieu de programme au président Xi, qui occupe quasi-quotidiennement l’ouverture du grand journal télévisé du soir, recevant des dirigeants étrangers, discutant avec des citoyens ordinaires ou discourant devant des assemblées de cadres qui l’applaudissent frénétiquement.

Autant de mises en scène dans le plus pur style soviétique, qui s’accompagnent d’un retour de l’idéologie, de la propagande et d’une répression tous azimuts contre les ferments potentiels de déstabilisation, à commencer par les réseaux sociaux, étroitement surveillés.

Xi Jinping, le tout puissant dirigeant chinois
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Xi Jinping, l’empereur rouge déterminé à sauver le communisme chinois

Celui qui est le plus puissant dirigeant chinois depuis un quart de siècle s’apprête donc à recevoir un nouveau sacre. A la tête de la deuxième puissance mondiale, Xi Jinping est bien décidé à tout faire pour cimenter le pouvoir du Parti communiste, sans concessions à la société civile.

Secrétaire général du PCC, président de la République populaire et de la commission militaire centrale, Xi Jinping, visage rond et silhouette massive, cumule les fonctions. Omniprésent dans les médias, au point d’être comparé à Mao Tsé-toung, Xi Jinping, 64 ans, doit obtenir un nouveau mandat de cinq ans lors du congrès du Parti communiste chinois (PCC) qui s’ouvre mercredi à Pékin.

‘Réparer le Parti’

« Xi Jinping se présente comme l’anti-Gorbatchev. C’est quelqu’un qui a été traumatisé par la chute de l’URSS, ce qui explique la répression de la société civile et le retour de l’idéologie depuis son arrivée au pouvoir », analyse le journaliste François Bougon, auteur d’un récent ouvrage intitulé « Dans la tête de Xi Jinping ».

« Si nous dévions du marxisme ou l’abandonnons, notre parti perdra son âme et son cap », avertissait encore M. Xi le mois dernier, comme si son parti n’avait pas fait un pas de géant vers l’économie de marché depuis la fin des années 1970.

Xi Jinping, le tout puissant dirigeant chinois
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Xi Jinping est né dans un milieu privilégié, le 15 juin 1953 à Pékin. Il est le fils de Xi Zhongxun, l’un des fondateurs de la guérilla communiste, et appartient à la caste toute puissante des « princes rouges », descendants des révolutionnaires arrivés au pouvoir en 1949 avant d’être broyés par les purges de Mao Tsé-toung.

« Son attachement au Parti est très fort du fait de son origine familiale. Si son père a été purgé par Mao, Xi fait partie de ces fils qui veulent réparer le Parti et non s’en venger », estime François Bougon. « Il croit que le Parti est la force qui peut vraiment transformer la Chine. »

Xi Jinping cherche à gommer ses origines et cultive une image de dirigeant proche du peuple. La presse officielle insiste sur sa vie à la campagne pendant la « Révolution culturelle » (1966-76), lorsqu’il habitait dans une grotte.

Winnie l’ourson

Avec la fin des troubles de l’ère maoïste, Xi Jinping décroche un diplôme d’ingénieur chimiste de la prestigieuse université Tsinghua à Pékin, mais fait carrière dans l’appareil du Parti, où il entre l’année de ses 21 ans. Gouverneur du Fujian en 2000, patron du Parti au Zhejiang en 2002, deux provinces côtières vitrines des réformes économiques, il est appelé par le président Hu Jintao pour faire le ménage en 2007 à Shanghai, où le chef du Parti a été emporté par un scandale de corruption.

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La même année, Xi Jinping entre au Comité permanent du Bureau politique, le cénacle dirigeant du PCC, dont il prendra les rênes en novembre 2012. Le président chinois connaît l’Occident: il a séjourné aux Etats-Unis, en 1985, pour étudier l’agriculture. Divorcé, il a épousé en secondes noces en 1987 la chanteuse Peng Liyuan, alors beaucoup plus célèbre que lui. Le couple a une fille, tenue à distance des médias.

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Son visage poupin lui vaut les moqueries d’internautes qui ont rapproché des photos de lui et de… Winnie l’ourson. A tel point que tout commentaire sur le sympathique nounours a été bloqué l’été dernier sur les réseaux sociaux.

Pas de suspens, mais un test pour voir si la suprématie de Xi Jinping est absolue

Les observateurs guetteront avant tout les nominations au sein du bureau politique, pour voir jusqu’à quel point Xi Jinping parvient à placer ses hommes au sein de l’instance de 25 membres qui dirige la Chine. « Le congrès du parti nous révèlera l’extension exacte de la puissance de Xi », prévoit la sinologue basée à Shanghai Carly Ramsey, du cabinet britannique Control Risks. Chef du parti, chef de l’Etat, commandant en chef des armées, culte de la personnalité, omniprésence médiatique…

Xi Jinping a accumulé plus de pouvoir que ses deux prédécesseurs, Jiang Zemin et Hu Jintao, suscitant des comparaisons avec Mao Tsé-toung, le fondateur du régime en 1949, et Deng Xiaoping, dont les réformes à la fin des années 1970 ont fait de la Chine une grande puissance économique.

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« Pour résumer, on peut dire qu’il y a eu trois époques: quand Mao était au pouvoir, puis l’ère Deng Xiaoping. Le XIXe congrès est en quelque sorte l’avènement de l’ère Xi Jinping », observe le politologue chinois Chen Daoyin. L’homme fort de Pékin a mis à profit ses cinq premières années pour déclencher une guerre à la corruption qui a châtié plus de 1,3 million de cadres, selon une évaluation officielle. Les détracteurs du président le soupçonnent d’en avoir profité pour frapper des opposants internes liés à ses deux prédécesseurs.

Le régime n’a fait aucune concession à la société civile, arrêtant avocats et dissidents et refusant la clémence à l’opposant Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix, mort en juillet après huit ans de détention, malgré les appels des Occidentaux à le laisser quitter la Chine.

Une photo manipulée du président chinois Xi Jinping.
Une photo manipulée du président chinois Xi Jinping.© Reuters

A l’extérieur, le président chinois a suivi une politique de fermeté, augmentant régulièrement le budget militaire et revendiquant la souveraineté de son pays sur la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale quand bien même un arbitrage international rejetait les prétentions de Pékin. Mais face aux velléités protectionnistes d’un Donald Trump, il a été acclamé en début d’année au forum économique de Davos (Suisse) en défendant le libre-échange et la mondialisation.

Plus de limite d’âge?

L’ère Xi Jinping durera-t-elle 15 ans? Les membres du bureau politique sont en principe astreints à une limite d’âge de 68 ans, un âge que M. Xi aura dépassé en 2022, lors du XXe congrès. Mais si jamais son bras droit Wang Qishan, 69 ans, devait obtenir un nouveau mandat en ce mois d’octobre, cela signifierait que la limite d’âge n’existe plus. La voie serait libre pour un troisième mandat de Xi Jinping dans cinq ans. Ce faisant, « Xi risque d’affaiblir les fondations de la réussite et de la stabilité de la Chine en sapant des normes cruciales » du parti, avertit Mme Ramsey.

Les pékinologues guetteront aussi une possible inclusion du nom de Xi Jinping dans la charte du PCC, un honneur réservé à ce jour à Mao et Deng. « Cela serait le signe qu’il est vraiment entré au panthéon », prévoit Bill Bishop, auteur de la lettre d’information Sinocism China Newsletter.

Le XIXe congrès du PC chinois, mode d’emploi

C’est un événement central de la vie politique du pays se déroule tous les cinq ans.

Déroulement

En tout, 2.287 délégués, choisis par les différentes assemblées du Parti, se réunissent à huis clos après une cérémonie d’ouverture à Pékin dans l’imposant Palais du Peuple, l’un des symboles de ce pouvoir communiste qui règne sans partage depuis 1949. Ils sont chargés de désigner le Comité central (205 membres), sorte de parlement du parti, qui, lui, consacre le noyau dirigeant: les 25 membres du Bureau politique, dont le secrétaire général — Xi Jinping depuis le précédent congrès en 2012. La composition de l’équipe dirigeante ne sera annoncée qu’à la fin du congrès, dont la date n’est pas encore connue. La réunion dure habituellement une semaine et pourrait donc s’achever le 25 novembre.

Réalité du pouvoir

En pratique, la réalité du pouvoir est entre les mains des sept membres permanents du Bureau politique. Jusqu’à cinq membres du comité permanent sortant pourraient cette fois être remplacés. La Commission militaire centrale (11 membres), fondamentale car elle contrôle l’armée, est elle aussi renouvelée, de même que la très redoutée Commission centrale d’inspection disciplinaire, qui fait la chasse aux cadres corrompus.

Dans les faits, les décisions les plus importantes se jouent bien avant le congrès entre les plus hauts responsables du pays, qui tentent de s’entendre sur la répartition des sièges du bureau politique entre les différentes factions. Comme dans tous les systèmes de type soviétique, le Parti prime l’Etat: c’est ainsi que Xi Jinping tient son pouvoir de ses fonctions de secrétaire général du Parti, auxquelles il a accédé en 2012, avant celles de président de la République populaire (il a été élu par le parlement en 2013).

Un successeur pour Xi Jinping?

Les pékinologues scruteront aussi l’arrivée d’une nouvelle génération de dirigeants au bureau politique, celle des quinquagénaires nés dans les années 1960. Le comité permanent sortant est composé de sexagénaires et de septuagénaires. Le benjamin de l’équipe dirigeante pourrait ainsi apparaître comme bien placé pour devenir le futur numéro un chinois, tout en permettant à Xi Jinping de s’assurer de la fidélité de son successeur. Parmi les prétendants possibles, sont fréquemment cités Chen Min’er, 57 ans, chef du Parti dans la grande métropole de Chongqing (sud-ouest), et Hu Chunhua, 54 ans, numéro un de la riche province du Guangdong (sud).

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