Xi Jinping © Reuters

Xi Jinping , le ‘Mao du XXIè siècle’?

Le Vif

Le président Xi Jinping a réussi jeudi une démonstration de force lors du défilé de la victoire, mais il lui reste de nombreux défis pour asseoir son autorité, à commencer par la santé chancelante de l’économie chinoise.

Au lendemain de l’imposant défilé militaire célébrant la capitulation japonaise de 1945, la presse officielle a salué un moment fort de la « renaissance chinoise » chère au président, qui a vu sa stature de « premier parmi ses pairs » confortée, trois ans bientôt après son arrivée au pouvoir. En comparaison, les anciens présidents Jiang Zemin et Hu Jintao, présents dans les rangs des dignitaires place Tiananmen, faisaient pâle figure, tandis que Xi Jinping orchestrait sans fausse note une cérémonie et un défilé qui remettait à l’honneur l’Armée populaire de libération (APL), sévèrement malmenée ces derniers mois par sa campagne anti-corruption. Pour Willy Lam, spécialiste de la Chine à l’Université chinoise de Hong Kong, il est « symboliquement au sommet de son pouvoir », devenu le « big boss », le grand patron du Parti communiste chinois (PCC) et de ses quelque 88 millions de membres.

Xi, ‘inattaquable’

Les résistances au nouvel homme fort du pays à l’intérieur du PCC, riche de féroces luttes de factions, sont derrière: « Il semble que les résistances et les défis, réels ou potentiels, ont été matés », dit-il à l’AFP, en référence notamment aux clans de deux anciens présidents chinois, dont la présence jeudi soulignait l’unité formelle du PCC. « A ce stade, il (Xi Jinping) semble inattaquable », a-t-il souligné.

Dans un pays où la presse est étroitement contrôlée par l’appareil communiste, les rumeurs sont allées bon train ces derniers mois sur les complots, imaginaires ou réels, dont aurait fait l’objet Xi Jinping, « tombeur » de plusieurs personnages parmi les plus hauts placés du régime –dont l’ancien patron du « KGB chinois », Zhou Yongkang–, sur des accusations de corruption et de débauche. Et au plan international, le président chinois, attendu à Washington à la fin du mois, affiche clairement sa volonté d’imposer la Chine comme un partenaire incontournable, quitte à rudoyer ses voisins sur les épineuses querelles de frontières maritimes.

Un ‘Mao du XXIè siècle’?

Mais « maintenant que Xi Jinping est parvenu à s’affirmer comme le leader suprême, une sorte de Mao Tsé-toung du XXIe siècle, les gens se demandent quelle est la nouvelle étape », s’interroge Willy Lam. Selon lui, « au bout de trois ans, on n’a pas vu une quelconque nouvelle orientation majeure pour les réformes » attendues dans le pays. Or, la récente débâcle boursière a affecté les quelque 90 millions d’investisseurs chinois encouragés par les autorités à aller en bourse, le plus souvent des particuliers, petits épargnants et retraités, relève-t-il. Elle est venue s’ajouter au net ralentissement de l’économie chinoise, aux répercussions mondiales, source aussi de licenciements et donc de menace pour la « stabilité sociale », crédo du pouvoir communiste. Pour Carl Baker, directeur des programmes du « think tank » Pacific Forum CSIS d’Honolulu, Xi Jinping « a bouclé l’affaire militaire, affirmé le pouvoir de l’armée », mais « le leadership doit se concentrer sur l’économie ».

Willy Lam estime ainsi que le prochain grand rendez-vous à l’agenda politique sera le cinquième plénum du comité central du PCC, qui devra finaliser le 13e plan quinquennal, prévu en octobre.

En attendant les réformes, la répression

« Ce sera l’occasion pour lui (Xi Jinping)de démontrer sa fibre réformiste et de montrer à l’opinion et aux Occidentaux où sont toutes ces réformes » destinées à « libérer les forces du marché », plus souvent annoncées qu’entreprises.

« Ce qu’on a vu, c’est plutôt le contraire, des efforts maladroits pour relancer les marchés et l’intervention croissante de l’État », estime-t-il en référence aux tentatives gouvernementales de stopper la débâcle boursière. Kerry Brown, directeur du Centre d’études sur la Chine de l’Université de Sydney, dresse un constat sévère des trois années au pouvoir de Xi Jinping. « De bien des manières, c’est une sous-performance », écrit-il dans un mail à l’AFP. Le nettoyage anti-corruption du Parti communiste « ne peut guère être qualifié de réussite », car « c’est plutôt négatif que positif ». Et, contre les engagements de réformes, on a assisté à « des mesures très négatives contre les avocats ou la répression des journalistes », témoignant de ce que « la dimension politique des réformes est constamment repoussée à plus tard ». « Ce leadership est aussi obsédé de stabilité que son prédécesseur », a-t-il estimé, ajoutant: « Je ne vois aucune grande nouvelle vision audacieuse ».

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