Nicolas Maduro © REUTERS

Washington sanctionne le « dictateur » Maduro, qui rejette les « ordres impérialistes »

Le Vif

Les Etats-Unis ont infligé des sanctions financières et juridiques sans précédent au président vénézuélien Nicolas Maduro qui a rejeté les « ordres impérialistes », après l’élection dans le sang d’une toute puissante Assemblée constituante.

« Les élections illégitimes d’hier confirment que Maduro est un dictateur qui méprise la volonté du peuple vénézuélien », a tonné le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin cité lundi soir dans un communiqué de son ministère qui annonce le « gel » de « tous les avoirs » que possèderait le président vénézuélien aux Etats-Unis.

Il est extrêmement rare que le gouvernement américain prenne des sanctions contre un chef d’Etat étranger en exercice. M. Maduro est seulement le quatrième président à être ainsi sanctionné par Washington, rejoignant un « club exclusif » composé des présidents syrien Bachar al-Assad, nord-coréen Kim Jong-Un et zimbabwéen Robert Mugabe.

La réaction de Washington est survenue au lendemain de l’élection controversée de l’Assemblée constituante voulue par le président socialiste, un scrutin marqué par des violences qui ont fait dix morts.

« Je n’obéis pas aux ordres impérialistes, je n’obéis pas aux gouvernements étrangers, je suis un président libre », a affirmé quelques heures plus tard M. Maduro dans une allocution télévisée. Selon le président vénézuélien, les décisions du gouvernement américain soulignent « l’impuissance, le désespoir, sa haine » à l’issue du vote de dimanche. « Je suis tellement fier, M. Trump, allez-y alors », a lancé le président socialiste, avant d’ajouter « je suis puni parce que je n’obéis pas aux ordres des gouvernements étrangers ». « C’est une réaction de colère car le peuple vénézuélien et son président ont désobéi à son ordre de suspendre l’Assemblée nationale constituante (…) Qu’ils prennent les sanctions qui leur plaisent, mais le peuple vénézuélien a décidé d’être libre », a ajouté M. Maduro.

Un pays « plus divisé et isolé »

Lundi, le trafic a semblé normal à Caracas, mais des restes des barricades de la veille jonchaient encore les rues, vestiges des affrontements de la veille. Opposants et forces de l’ordre se sont affrontés à Caracas et dans d’autres villes lors de batailles rangées. « Je me sens mal, frustré par cette fraude », confiait, déçu, Giancarlo Fernandez, 35 ans. Le scrutin a été boycotté par l’opposition pour laquelle cette institution ne vise qu’à prolonger le pouvoir de M. Maduro dont le mandat s’achève en 2019.

La Constituante de 545 membres, qui doit diriger le pays pour une durée indéterminée, doit s’installer mercredi au siège du Parlement dominé depuis 2016 par l’opposition, qui ne reconnaît pas la nouvelle Assemblée. Cette dernière, qui se situe au-dessus de tous les pouvoirs, y compris du président, doit rédiger une nouvelle Constitution remplaçant celle promulguée en 1999 par le défunt président Hugo Chavez.

M. Maduro a qualifié d’historique le scrutin auquel ont participé selon les autorités plus de huit millions d’électeurs, soit 41,5% du corps électoral. Plus que les 7,6 millions de voix réunies par l’opposition le 16 juillet, lors d’un référendum contre le projet de Constituante. Chaque camp conteste les chiffres de l’autre.

Pour l’opposant Julio Borges, président du Parlement qui a assuré que le législatif continuerait de siéger malgré l’élection de la Constituante, le Venezuela se « réveille plus divisé et isolé du reste du monde ». Au total, plus de 120 personnes ont été tuées en quatre mois de manifestations antigouvernementales.

Condamnations internationales

Le résultat de l’élection a été accueilli par des condamnations internationales. Avant la décision de Washington de geler les avoirs de Nicolas Maduro, l’Union européenne avait fait part de sa préoccupation sur le « sort de la démocratie » au Venezuela. Une dizaine de pays, des Etats-Unis à la Colombie, en passant par l’Argentine ou l’Espagne, ont annoncé qu’ils ne reconnaîtraient pas la Constituante. A l’inverse, la Russie, Cuba, le Nicaragua, la Bolivie et le Salvador ont apporté leur soutien à M. Maduro. La Havane a dénoncé lundi soir une « opération internationale » contre le Venezuela dirigée par les Etats-Unis pour ne pas reconnaître « la volonté » du peuple vénézuélien.

Répondant sur le ton du défi à cette opprobre –« on s’en fiche de ce que dit Trump! Ce qui nous importe c’est ce que dit le peuple du Venezuela! »–, M. Maduro a souhaité que la Constituante lève l’immunité des parlementaires de l’opposition pour qu’ils soient jugés. Il a également menacé de « prendre le mandat » de la Procureure générale Luisa Ortega. Cette chaviste de longue date, qui a rompu avec le gouvernement pour en devenir un des principaux adversaires, a pris la parole lundi. « Je m’adresse au pays (…) pour refuser de reconnaître l’origine, le processus et le résultat présumé de la Constituante présidentielle amorale (…) Nous faisons face à une ambition dictatoriale », a déclaré Mme Ortega.

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