Geoffrey Pleyers

« Vive Paris! Vive la vie! », que Paris reste toujours Paris!

Geoffrey Pleyers Sociologue à l'UCL et au CADIS-EHESS Paris

Vendredi soir, ceux qui célèbrent la vie ont été tués. Paris était leur ville. Paris doit le rester.

C’est le coeur de Paris qui a été touché. Pas le coeur historique, la Tour Eiffel, le quartier du pouvoir ou celui des affaires.

C’est le coeur de Paris parce que c’est l’amitié et la joie de vivre qui rayonnaient de ces terrasses de café. C’est là que nous nous réunissons pour diner en amoureux, revoir des amis, célébrer un anniversaire ou le début du week-end.

C’est notre manière de vivre ensemble, d’être heureux en partageant nos émotions dans un concert, en regardant un match au Stade de France ou sur un écran d’un café, ou simplement en se retrouvant entre amis après une semaine de boulot. Les terroristes connaissaient bien la vie festive parisienne. Ils ont été là où nous allons pour passer une soirée en amoureux, célébrer un anniversaire, revoir des amis.

Dans la salle de concert, aux terrasses des cafés, ce sont des jeunes qui ont été assassinés, blessés, terrorisés. Ces terrasses de café bondées un vendredi soir, c’est Paris. Et lorsque la lumière du jour achève progressivement cette nuit tragique, je voudrais avant tout crier « Vive Paris ! Vive la vie ! » et que Paris reste toujours Paris.

Et pourtant, leurs assaillants étaient plus jeunes encore, et certains étaient probablement tout aussi Parisiens que leurs victimes. Dans la ville globale, les flux d’un discours de haine ont trouvé des échos. Les tirs et les bombes des batailles de Syrie retentissent dans nos rues, au nom d’une idéologie qui célèbre la mort et qui tient bien plus du fascisme que d’une quelconque religion. Le champ de bataille est global. Ceux qui célèbrent la mort ont tué ceux qui célébraient la vie. Et Paris est évidemment au coeur de cette bataille. Les flux globaux, qui partent de Syrie mais aussi des banlieues européennes et du coeur de nos villes, qui envoient des contingents de sanglants tortionnaires en Iraq et en Syrie. Dans cette ville globale, qui clame haut et fort les valeurs de la République, tous n’ont pas trouvé leur place. Bien avant les attentats de janvier, le sociologue Farhad Khosrokhavar a montré que la radicalisation était à l’oeuvre dans les prisons et dans les villes.

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Comment résoudre ce problème sans rien céder à la célébration de la vie, ni aux droits de l’homme et surtout sans tomber dans la stigmatisation d’une communauté et en particulier des jeunes hommes de communautés issus de l’immigration. Tergiverser sur nos valeurs, serait céder aux terroristes. Le soulèvement des banlieues qui célèbre cette année son dixième anniversaire n’a pas trouvé de réponse politique et sociale à la hauteur de la situation. Stigmatiser les jeunes musulmans et les empêcher de trouver leur place dans leur société et leur ville et les empêcher de célébrer la vie serait une autre victoire pour les terroristes.

La lutte de ceux qui célèbrent la vie et la liberté passe bien sûr par une vigilance et la lutte contre l’Etat Islamique, mais elle se joue tout autant dans notre capacité à ne pas céder sur les valeurs et à continuer à vivre ensemble, dans nos différences.

Geoffrey Pleyers, sociologue à l’UCL et au CADIS-EHESS Paris

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