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Violence extrême au Venezuela, qui vote pour la Constituante

Le Vif

La violence meurtrière a fait irruption dimanche au Venezuela, jour de l’élection de l’Assemblée constituante rejetée par les adversaires du président Nicolas Maduro : près d’une dizaine de personnes ont été tuées en deux jours, alors que des incidents éclataient à travers le pays.

« Je ne sais pas d’où vient leur haine, des Vénézuéliens contre des Vénézuéliens… Ca, c’est une guerre ! », a déclaré Conchita Ramirez, une habitante d’un quartier de la capitale après l’intervention musclée des forces de l’ordre équipées de véhicules anti-émeute.

Sous une pluie de gaz lacrymogènes et balles en caoutchouc, des manifestants bloquant une autoroute de Caracas ont par ailleurs été délogés sans ménagement.

Un peu plus loin, au passage d’un groupe de motards de la police, une puissante détonation retentit, montre une vidéo de l’AFP. Sept policiers sont blessés dans l’explosion, selon le parquet. L’un d’eux a la jambe en flammes, alors que plusieurs de leurs deux-roues brûlent à terre. Des scènes similaires ont eu lieu à Maracaibo (ouest), la deuxième ville du pays.

Le scrutin pour désigner les 545 membres de l’Assemblée constituante qui auront pour mission de réécrire la Constitution promulguée sous Hugo Chavez en 1999 était sur le point de se finir dimanche, alors qu’en tout, neuf personnes sont décédées en 48 heures, indique le Parquet.

Un candidat à la constituante a été abattu chez lui dans la nuit de samedi à dimanche à Ciudad Bolivar (sud-est), José Felix Pineda, un avocat de 39 ans. Et un dirigeant de l’opposition, Ricardo Campos, 30 ans, a été tué par balle durant une manifestation dans l’Etat de Sucre (nord-est).

Incident technique

Deux adolescents de 13 et 17 ont été tués durant une protestation dans l’Etat de Tachira (ouest), frontalier avec la Colombie. Un peu plus tôt dans le même Etat, un militaire, Ronald Ramirez, a été tué dans les mêmes circonstances.

En outre, trois manifestantsde 28, 39 et 43 ans sont morts dans les Etats de Mérida (ouest) et Barquisimeto (ouest), et un autre était décédé samedi au cours d’une protestation dans l’Etat de Merida (ouest).

Rassemblements, barricades, homicides : ce vote se déroule alors que le pays est au bord de l’effondrement économique. Depuis le mois d’avril des manifestations antigouvernementales ont fait plus de 110 morts ainsi que des milliers de blessés.

« Nous sommes sûrs que nombre de ces actes violents – nous avons comptabilisé plus de 100 machines (électorales) détruites (…) – sont provoqués par des motivations politiques », a déclaré le ministre de Défense, le général Vladimir Padrino Lopez.

Un incident technique rencontré par M. Maduro a retenu l’attention : au moment de faire valider en direct à la télévision son « carnet de la Patria », carte dotée d’un QR code qui permet à la fois de voter et de bénéficier des programmes sociaux, le lecteur a indiqué le message « la personne n’existe pas ou son carnet a été annulé ».

L’opposition, qui boycotte tout le processus et n’a donc présenté aucun candidat, a appelé à dresser des barricades dans tout le pays bien que le gouvernement ait menacé de cinq à dix ans de prison ceux qui feraient obstacle au scrutin.

« Rupture définitive »

Les antichavistes détiennent la majorité au Parlement et voient dans cette Constituante un moyen pour le président Maduro de se cramponner au pouvoir, contourner l’Assemblée nationale élue et éviter la présidentielle prévue fin 2018. Ils dénoncent une dérive vers un « régime à la cubaine ».

Le gouvernement assure de son côté que cette future assemblée, dont la durée du mandat n’est pas définie, sera un « super pouvoir » qui aura la capacité de dissoudre le Parlement, qu’elle apportera la paix et permettra au pays de se redresser économiquement.

La figure de l’opposition Léopoldo Lopez, assigné à résidence après plus de trois ans d’incarcération, a appelé les « démocrates du monde entier » à ne pas reconnaître la future Assemblée constituante. L’Argentine, la Colombie, le Panama et le Pérou l’ont déjà fait. Des manifestants vénézuéliens à Madrid ont demandé que l’Espagne elle aussi ne reconnaisse pas la Constituante.

« C’est une rupture définitive avec ce qui reste de la démocratie représentative au Venezuela. Cela va accélérer l’effondrement économique, social et politique », juge l’analyste Phil Gunson, analyste de l’International crisis group.

Nicolas Maduro a le soutien des pouvoirs judiciaire et militaire. Mais plus de 80% des Vénézuéliens désapprouvent sa gestion du pays et 72% son projet de Constituante, selon l’institut de sondages Datanalisis.

La participation à l’élection de dimanche sera une donnée-clef. Selon l’analyste Benigno Alarcon, le gouvernement cherche à éviter une forte abstention, sachant que 7,6 millions de personnes ont voté lors d’un référendum symbolique organisé par l’opposition il y a deux semaines contre le projet, selon la MUD.

Mais grâce au mode de scrutin, combinant vote territorial et par secteurs socio-professionnels, 62% des 19,8 millions d’électeurs pourront se prononcer deux fois, ce qui soulève des interrogations sur la validité du résultat alors qu’aucun observateur étranger ne sera présent, souligne un analyste, Eugenio Martinez.

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