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Vers l’aggravation de la prolifération des armes en Amérique

Le Vif

Va-t-on pouvoir se promener avec une arme à feu au coeur de Manhattan ou autour de la Maison Blanche ? La Chambre des représentants a adopté mercredi une loi permettant à tout détenteur d’un permis local de port d’arme de voyager armé dans l’ensemble des Etats américains.

Le texte proposé par les républicains a été voté par une majorité de 231 représentants, dont six démocrates. Les opposants ont rassemblé 198 voix, dont 14 républicaines. La mesure doit désormais franchir l’étape du Sénat, ce qui n’est pas garanti. « Ces politiciens bradent notre sécurité contre des contributions politiques du lobby des armes », a réagi Gabby Giffords, une élue victime d’une fusillade en Arizona qui l’a handicapée.

Ce texte est en effet une priorité pour la National Rifle Association (NRA), le premier lobby des armes. Il s’inspire de ce qui existe en matière automobile: quel que soit l’Etat dans lequel on l’a obtenu, le permis de conduire est valide sur l’ensemble du territoire américain.

Qualifiée d' »incroyablement stupide » par le Los Angeles Times et dénoncée par les associations luttant contre les violences par balles, la mesure concerne les autorisations de transport d’une arme dissimulée sous les vêtements, dans le coffre ou la boîte à gants d’une voiture. Tous les Etats américains prévoient cette possibilité pour leurs citoyens. Dans 12 Etats, elle va de soi. Mais, dans 28 autres, elle est assortie de la présentation impérative d’un permis plus ou moins aisé à obtenir.

Malgré les tueries

En pratique, il est très difficile d’obtenir un tel permis dans des endroits comme la Californie ou New York, qui exigent que le candidat justifie sa nécessité de se déplacer armé par une « bonne raison ». Mais, « dans 41 des 50 Etats, le citoyen lambda n’a pas besoin de montrer grand chose pour obtenir un permis d’arme dissimulée », explique à l’AFP Gregg Carter, un expert de la Bryant University.

L’idée de la NRA est d’imposer une réciprocité entre les Etats. New York et la Californie seraient alors contraints d’accepter qu’un habitant de Louisiane ou de Floride, où les armes pullulent et les permis s’obtiennent facilement, puisse se comporter chez eux comme chez lui. « L’effroyable vote de la Chambre met tous les New-Yorkais en danger », a déclaré mercredi le gouverneur de New York Andrew Cuomo. « Ce projet de loi permettrait à des individus de l’extérieur de l’État reconnus coupables de certains crimes de transporter des armes cachées et chargées à New York, en violation de la loi bien meilleure et plus sûre de New York », a-t-il ajouté.

Cette loi « permettra à d’innombrables auteurs de violences conjugales et harceleurs de se déplacer armés dans tout le pays », a averti cette semaine Everytown for Gun Safety, une organisation qui lutte contre la prolifération des armes aux Etats-Unis.

L’examen du texte au Congrès témoigne qu’en dépit de récentes fusillades qui ont choqué l’Amérique, le lobby des armes parvient à faire progresser ses objectifs. Un retraité a tué 58 personnes et en a blessé près de 500 en ouvrant le feu sur les spectateurs d’un concert de musique country à Las Vegas en octobre. Le 5 novembre, un ex-caporal a fait 25 morts dans une église du Texas, dont des enfants et une femme enceinte.

Pas moins de 24 procureurs généraux – chefs des autorités judiciaires de leur Etat – ont adressé vendredi au Congrès une lettre de soutien à la réciprocité des permis. « Les Etats qui empêchent les visiteurs respectueux des lois de porter leur arme dissimulée mettent leurs habitants en plus grand danger de violence armée, et non en moindre danger. Ces Etats laissent les citoyens sans véritable option pour se défendre », ont-ils écrit.

Soutien républicain

Quelques jours plus tôt, 17 procureurs généraux s’étaient au contraire déclarés contre.

D’autres organisations représentant les maires ou les parquets judiciaires, comme la Conference of Mayors ou l’Association of Prosecuting Attorneys, ont prévenu que la loi effacerait les restrictions prises localement et compliquerait la mission des policiers. Des partisans de la limitation des armes et des familles de récentes tueries se sont rassemblés mercredi sur la colline du Capitole à Washington, devant le bâtiment du Congrès contrôlé par les républicains.

Cette loi « ne rendra pas notre pays plus sûr », mais « permettra à beaucoup de criminels d’obtenir des armes et de les transporter n’importe où », a dénoncé Chris Murphy, sénateur démocrate du Connecticut. Cet Etat commémorera la semaine prochaine les cinq ans du massacre de l’école primaire Sandy Hook, où 20 enfants et six adultes avaient été abattus par un déséquilibré mental.

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