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Venezuela, le champion déchu de l’Amérique latine

Le Vif

Il est loin, le temps où le Venezuela était le champion de la gauche latino-américaine: dimanche, c’est un pays affaibli sur la scène internationale qui se rend aux urnes, pour un scrutin qui pourrait donner à l’opposition les clés du Parlement.

« Le Venezuela n’a plus le leadership d’un Chavez ni une ressource naturelle – le pétrole – à 100 dollars le baril », résume David Smilde, analyste du Bureau de Washington sur l’Amérique latine (WOLA) ayant vécu une vingtaine d’années à Caracas. Elu en 1999, le charismatique Hugo Chavez avait consacré la majeure partie de ses efforts, jusqu’à son décès en 2013, à constituer un bloc latino-américain libéré de l’influence des Etats-Unis. Initiateur d’un effet domino de victoires de la gauche dans la région, le leader combinait discours enflammés et fourniture de pétrole, dont le pays dispose des plus importantes réserves au monde, à des conditions préférentielles. De quoi s’attirer les faveurs des pays des Caraïbes dont Cuba, mais aussi du Nicaragua ou de l’Uruguay, outre l’appui de deux poids lourds: le Brésil de Dilma Rousseff, l’Argentine de Nestor puis Cristina Kirchner.

« Le Venezuela avait un certain leadership régional, surtout parmi les pays de l’Alba (Alliance bolivarienne pour les Amériques) et du Petrocaribe (alliance entre pays des Caraïbes et Venezuela), qui se réduit de plus en plus », observe Carlos Malamud, spécialiste de la région à l’institut Real Elcano de Madrid. « Il n’a plus les ressources d’avant pour acheter des volontés », dit-il: les cours du brut ont fondu, plongeant Caracas dans une grave crise économique. A cela s’ajoute « un facteur personnel », note Olivier Dabène, président de l’Opalc, l’observatoire de l’Institut de sciences politique de Paris sur l’Amérique latine: l’actuel président vénézuélien « Nicolas Maduro n’est pas très crédible ».

Elu en 2013 peu après la mort de son mentor, Nicolas Maduro peine à s’affirmer sur la scène internationale, juge l’analyste, dans un environnement régional transformé notamment par le rapprochement amorcé fin 2014 entre Cuba, son allié traditionnel, et Washington.

‘Marre du jusqu’au-boutisme’

« Il y a eu des évolutions un peu partout et le Venezuela reste accroché à des positions qui étaient peut-être nouvelles et séduisantes il y a 10-15 ans mais ce n’est plus du tout le cas maintenant », estime M. Dabène. « Je crois que (les pays d’Amérique latine) en ont tous un peu marre du jusqu’au-boutisme des chavistes », ajoute-t-il. « L’heure est au pragmatisme ».

« La détérioration en matière de droits de l’Homme (au Venezuela) a fait beaucoup de dégâts dans la région » et sa perception du pays, renchérit Elsa Cardozo, politologue à l’université Simon Bolivar de Caracas. Signe révélateur de cette prise de distance: la condamnation en septembre de l’opposant radical vénézuélien Leopoldo Lopez à près de 14 ans de prison, pour incitation à la violence lors des manifestations meurtrières de 2014, avait été fraîchement accueillie en Amérique latine.

De manière inédite, les gouvernements du Pérou et du Costa Rica avaient exprimé des critiques, de même que la Cour suprême du Chili. L’affaiblissement diplomatique de Caracas « incite les leaders régionaux à dire tout haut leur opposition sur certains sujets », souligne David Smilde. Pour lui, c’est une bonne nouvelle car « cela avertit le gouvernement et le conseil électoral que la région les regarde et qu’ils ne pourront pas compter sur son soutien s’il y a des problèmes dans les élections » législatives, où l’opposition, favorite, pourrait ravir au chavisme la majorité pour la première fois en 16 ans.

D’autant que le Venezuela ne peut plus s’appuyer sur le Brésil, où Dilma Rousseff concentre toute son attention sur la crise politique la fragilisant en interne, ni sur l’Argentine, qui vient de virer à droite avec l’élection le 22 novembre du libéral Mauricio Macri.

Ce dernier a prévenu, au lendemain de sa victoire, qu’il demanderait l’exclusion temporaire du Venezuela du marché commun sud-américain, le Mercosur, lors du sommet du 21 décembre, en raison de la « persécution des opposants politiques ». M. Macri avait multiplié dans sa campagne les messages de soutien aux opposants vénézuéliens emprisonnés, exigeant leur libération. Et, prévient Olivier Dabène, « s’il y a une fraude grossière (lors du scrutin), je pense que c’est l’Argentine qui va déclencher l’offensive ».

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