Venezuela: La « révolution bolivarienne » de Chavez a-t-elle porté ses fruits?

Le charismatique président vénézuélien brigue ce dimanche un nouveau mandat. Les progrès accomplis sous son règne en matière d’éducation, de santé et de recul de la pauvreté sont incontestables. Mais le tissu économique du pays est atrophié.

Hugo Chavez, 58 ans, brigue ce dimanche 7 octobre un nouveau mandat qui lui permettrait de cumuler deux décennies au pouvoir. Le charismatique président vénézuélien est favori dans les sondages, mais il est talonné de peu (10 points) par son principal opposant, Henrique Capriles, un dynamique avocat de 40 ans. Etonnamment prudent lors des derniers jours de la campagne, Hugo Chavez a invité ses partisans à « ne pas céder au triomphalisme ». Il a reconnu des échecs et demandé plus de temps aux électeurs afin d’achever sa « révolution socialiste ». « Le prochain gouvernement Chavez sera meilleur que le précédent gouvernement Chavez », a-t-il assuré pendant la campagne.

Pourtant, son bilan social est flatteur. Les progrès en matière d’éducation, d’alphabétisation, de santé et de recul de la pauvreté sont impressionnants. Le taux d’analphabétisme a chuté de 9,1% en 1999 à 4,9% en 2011. 83% des jeunes accèdent à l’enseignement supérieur. La mortalité infantile a chuté de 19,15% à 13,95%, l’espérance de vie a progressé de deux ans. Près de la moitié de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 1999, moins d’un quart aujourd’hui. La pauvreté extrême a été divisée par deux (de 21,7% à 10,7%).

« Hugo Chavez a crée un système de protection sociale, il a rendu gratuit l’accès à la santé et à l’éducation, il a instauré un salaire minimum et généralisé les retraites pour le secteur informel: ce sont de vraies grandes avancées pour la population vénézuélienne, notamment pour les plus défavorisés », explique Jessica Brandler-Weinreb, doctorante en sociologie à l’Institut des Hautes Études de l’Amérique latine (Paris 3). Résultat : l’écart de revenus entre les plus riches et les plus pauvres s’est réduit – l’indice de Gini est passé de 0,46 à 0,39 en dix ans, sachant que 0 signifie l’égalité parfaite des revenus.

Le pays souffre de la « maladie hollandaise »

Tous ces acquis sociaux ont été financés grâce à l’or noir. Hugo Chavez a en effet mis le pétrolier PDVSA (Petroleos de Venezuela SA) au service de la « révolution bolivarienne ». L’entreprise publique est devenue une gigantesque agence de distribution d’allocation. Elle finance, grâce à ses ressources évaluées à 100 milliards de dollars par an, tous les programmes sociaux du gouvernement. Le Venezuela possède les réserves de pétrole les plus importantes du monde (296,5 milliards de barils, selon les chiffres officiels), devant l’Arabie Saoudite. Il produit 2,3 millions de barils de brut par jour (bpj), selon l’Opep. L’or noir fournit plus de 90% des recettes en devises du Venezuela.

C’est sans doute là le plus grand échec d’Hugo Chavez : il n’est pas parvenu à émanciper son pays de la rente pétrolière. Et comme tous les pays qui vivent de la manne du pétrole, le Venzuela souffre de la « maladie hollandaise »: l’augmentation importante des exportations de ressources naturelles fait s’apprécier le taux change de la monnaie, ce qui nuit à la compétitivité-prix des exportations hors hydrocarbures. Le tissu agricole et industriel vénézuélien a été ravagé par les effets de ce syndrome. « 170.000 entreprises ont fermé depuis l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez », époque où le baril était quinze fois moins cher, explique aux Echos Hector Ciavaldini, ancien président de PDVSA.

Résultat: le pays importe les deux tiers de ce qu’il consomme et l’inflation tourne en rythme annuel autour des 30%, en dépit du contrôle drastique des changes et de la fixation des prix de certains aliments de base. « Au Venezuela, l’eau potable est plus chère que l’essence », confie Jessica Brandler-Weinreb. Le pays souffre de pénuries alimentaires chroniques, de coupures d’électricité et d’eau régulières. C’est l’autre conséquence de la « révolution bolivarienne » de Chavez: l’extension outrancière du secteur public au détriment du secteur privé.

Sous Chavez, 1.600 compagnies sont passées sous contrôle de Etat qui représentait en 2009 30% du PIB du pays, selon le président de l’organisation patronale Fedecamaras, Jorge Botti. Le secteur privé est aujourd’hui asphyxié, voire atrophié. l’Etat a exproprié près de trois millions d’hectares. Quelque 30 millions d’hectares de terres fertiles sont aujourd’hui laissées à l’abandon, ce qui oblige le pays à importer 80% de sa consommation alimentaire.

Capriles veut revenir à une économie de marché

Les mesures sociales d’Hugo Chavez ont eu un impact politique majeur, mais elles ne sont pas venues à bout des problèmes structurels du pays. La crise du logement en est l’illustration: le gouvernement vénézuélien a lancé en 2010 un plan de création de trois millions d’habitations. Selon les chiffres officiels, 243 943 unités auraient été livrées depuis fin 2010. Mais selon Rafael Uzcategui, membre de l’ONG Provea qui se confie au journal Le Monde, seuls 44 954 logements ont réellement été livrés clés en main en deux ans. Car le secteur privé du BTP est déficient et les chantiers sont paralysés par des pénuries de ciment.

La situation économique du Venezuela est donc très contrastée. Le pays est la quatrième puissance économique latino-américaine, après le Brésil, l’Argentine et le Mexique. Sa croissance devrait atteindre 4,7% cette année après 4,2% en 2011. Le taux de chômage officiel s’établit à 6,5% mais 41,6% de la population active est employée dans le secteur informel et le reste dans le secteur public. Premier exportateur de pétrole du continent, le Venezuela peine à figurer dans le top 10 mondial – il produit à peine 3% du pétrole mondial -, parce que PDVSA n’investit pas dans la sécurité de ses installations, ni dans la qualité de son pétrole et encore moins dans sa productivité.

Henrique Capriles a mené une campagne basée sur les problèmes quotidiens des Vénézuéliens. Celui que Chavez qualifie de représentant de « la bourgeoisie apatride » promet d’en finir avec les pénuries, les coupures d’électricité, la corruption et la violence qui minent ce pays affichant le taux d’homicide le plus élevé d’Amérique du Sud (50 pour 100.000 habitants en 2011, selon des chiffres officiels). Il veut mettre fin à l’omniprésence de l’Etat pour revenir à une économie de marché et compte démanteler l’ensemble des nationalisations. Il promet toutefois de maintenir les programmes sociaux. Une campagne semble-t-il réussie puisqu’il est en position de mettre en difficulté l’animal politique Hugo Chavez. Le résultat de l’élection s’annonce serré.

Par Emilie Lévêque – L’Express

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