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Vatican : symposium sur les abus sexuels dans l’Eglise

Evénement sans précédent : le Saint-Siège organise un symposium sur les abus sexuels dans l’Eglise, du 6 au 9 février. Un tournant analysé par le vaticaniste Marco Politi.

Le Vif/L’Express : Après des décennies d’omerta, le Vatican joue la carte de l’ouverture. Une petite révolution, non ?

Marco Politi : Ce symposium est historique, c’est vrai, même si les journalistes ne seront pas autorisés à assister aux débats. Jamais la secrétairerie d’Etat – en collaboration avec l’université grégorienne des jésuites – n’avait organisé une rencontre de cette ampleur, en réunissant les évêques du monde entier pour analyser le phénomène des abus sexuels commis par des prêtres et des religieux. L’événement va au-delà des mesures juridiques diffusées en 2011 par la Congrégation pour la doctrine de la foi, afin de répondre aux multiples affaires en cours dans plusieurs pays. A la suite de la kyrielle de scandales que l’on sait, le Vatican veut montrer qu’il ne se contente pas de s’atteler au problème, mais qu’il souhaite mobiliser toute l’Eglise et jeter les bases d’une stratégie globale. Il est néanmoins regrettable qu’il ait tant attendu.

En quoi consiste la stratégie vaticane ?

Elle repose sur trois axes : d’abord, améliorer la détection et la mise à l’écart rapide des coupables, afin qu’ils ne soient plus au contact des enfants. Ensuite, impliquer toute l’Eglise, des fidèles et responsables de paroisses jusqu’aux plus hautes instances, dans la lutte contre la pédophilie ; toute la communauté des catholiques doit être désormais en éveil sur cette question. Enfin, la plus grande attention doit être portée aux victimes et aux soins à leur apporter pour leur permettre de surmonter leurs blessures. Benoît XVI l’a lui-même reconnu dans sa lettre aux catholiques irlandais, en mars 2010 : par le passé, l’Eglise a fait primer la protection de l’institution sur celle des victimes. Aujourd’hui, la logique doit s’inverser.

Peut-on attendre des décisions concrètes de ce symposium ?

Le Vatican doit décider s’il donne comme consigne aux épiscopats de dénoncer systématiquement les religieux suspects à la police, ou s’il en reste à la ligne qui a prévalu jusque-là : respecter la législation du pays. En France et aux Etats-Unis, cette dénonciation est obligatoire, mais pas en Italie, par exemple. Le Vatican doit également se prononcer sur le fait d’ordonner ou pas à ces mêmes épiscopats de mener des enquêtes internes indépendantes, sur le modèle de l’Irlande, de l’Allemagne ou de la Belgique. Il reste une question qui ne sera sans doute pas abordée, mais qui reste sur la table : l’ouverture des archives vaticanes. Celles-ci donneraient une idée précise de la façon dont ces dossiers de pédophilie ont été traités et cachés par l’institution toutes ces années.

On connaît votre vision très critique du pontificat de Benoît XVI. Dans votre dernier livre (1), vous parlez même d’un « pontificat de stagnation ». Pourquoi ?

Si le pape a, en effet, pris des positions très fermes contre les abus sexuels, il y a été contraint par les circonstances. L’unique réforme conforme à ses projets est celle de la messe en latin et du rapprochement avec les intégristes. Sur le plan international, le Saint-Siège a vu sa présence s’affaiblir considérablement. Les révolutions arabes, par exemple, n’ont suscité aucune réaction géopolitique de la part de Benoît XVI. Les relations £cuméniques sont bloquées. La crise des vocations s’accentue de façon dramatique. Outre les prêtres, les femmes, elles aussi, délaissent maintenant les ordres. Benoît XVI est un brillant intellectuel et un grand prédicateur, mais un pape doit aussi être un leader qui guide et réforme sa communauté.
(1) Joseph Ratzinger. Crisi di un papato (La Crise de la papauté). Editori Laterza.

PROPOS RECUEILLIS PAR CLAIRE CHARTIER

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