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Vatican: des soeurs dénoncent leur exploitation économique

Le Vif

Des soeurs ont jeté un pavé dans la mare vendredi en dénonçant l’exploitation parfois gratuite des religieuses dévolues à des tâches ménagères au service de la hiérarchie masculine de l’Eglise, pointée du doigt ainsi à une semaine de la Journée internationale des femmes du 8 mars.

Dans l’édition de mars du magazine mensuel « Femmes Eglise Monde », distribué vendredi avec le très officiel quotidien du Vatican, l’Osservatore Romano, les soeurs Marie, Paule et Cécile ont décidé de témoigner longuement mais anonymement.

« Certaines soeurs, employées au service d’hommes d’Eglise, se lèvent à l’aube pour préparer le petit déjeuner et vont dormir une fois que le dîner a été servi, la maison mise en ordre, le linge lavé et repassé… », décrit soeur Marie, arrivée à Rome en provenance de l’Afrique noire voici vingt ans.

« Dans ce type de service, les soeurs n’ont pas d’horaire précis et réglementé, comme dans le monde laïc, et leur rétribution financière est aléatoire, souvent très modeste », dénonce-t-elle, attristée de voir qu’elles sont rarement invitées à manger à la table de ceux qu’elles servent docilement.

« Est-il normal qu’un consacré se fasse servir de cette manière par une autre consacrée? », s’interroge soeur Marie, constatant que ce sont presque systématiquement des femmes qui sont chargées des tâches domestiques dans l’univers de l’Eglise.

Cette situation très ancienne suscite chez certaines « une rébellion intérieure très forte » et « beaucoup de blessures », rélève-t-elle.

Pour de nombreuses religieuses venant d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine, c’est parfois la mère supérieure de leur congrégation religieuse qui a payé les soins d’un parent malade ou les études d’un frère aîné … « Les soeurs se sentent redevables, ligotées, et alors elles se taisent ».

Abus de pouvoir

Des religieuses tombant malades sont souvent renvoyées dans leurs congrégations, pour être remplacées auprès des hommes d’Eglise « comme si elles étaient interchangeables », critique une autre soeur, Paule.

Elle évoque aussi le sort d’une religieuse docteur en théologie envoyée sans explication « nettoyer des plats » ou celui d’une enseignante chargée après l’âge de cinquante ans d’ouvrir les portes d’une paroisse.

« Nous sommes des héritières d’une longue histoire, celle de saint Vincent de Paul, et de toutes les personnes qui ont fondé des congrégations pour les pauvres dans un esprit de service et de don », analyse de son côté soeur Cécile, une enseignante sans contrat.

Cela crée la conviction qu’une rétribution « ne rentre pas dans l’ordre naturel des choses » et « les soeurs sont perçues comme des volontaires dont on peut disposer comme on veut, ce qui donne lieu à de véritables abus de pouvoir », analyse-t-elle.

En mai 2016, le pape François avait formulé un conseil à l’Union internationale des Supérieures générales: « quand on vous demande une chose qui révèle davantage de la servitude que du service, ayez le courage de dire non ». Dans la même rencontre, il ajoutait néanmoins qu’il ne fallait pas « sombrer dans le féminisme ».

« Est-il en faveur des femmes? La question reste en suspens », conclut la scientifique et théologienne féministe indienne, Astrid Lobo Gajiwala, qui soulève les « contradictions et incohérences » du pape sur les femmes.

Elle a été chargée d’aborder ce sujet dans « Pape François – Lexique », un livre d’essais rédigé par des experts, des religieuses mais aussi des cardinaux proches du pape, expliquant les grandes thématiques du pontificat, dévoilé jeudi en anglais et en français au siège mondial des jésuites à Rome.

« Il est sensible à la subordination des femmes dans l’Eglise et dans le monde, problème qu’il dénonce vigoureusement », convient cette conseillère respectée de conférences épiscopales en Asie. Plus que ses prédécesseurs, il a nommé des femmes laïques ou religieuses à quelques postes d’autorité au Vatican.

Mais François reste dans la pure tradition catholique-romaine en interdisant l’ordination des femmes malgré la sévère crise des vocations. Son grand synode sur la famille d’octobre 2015 fut « une occasion ratée », avec trente femmes auditrices sans aucun droit de vote.

Et de conclure que le pape argentin a une vision plutôt intuitive sur les femmes sans puiser dans une idéologie. « D’où peut-être son incapacité à voir la trame patriarcale et sexiste d’un large pan de l’Eglise et de son enseignement ».

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