© Reuters

USA : pourquoi Obama pourrait perdre face à Romney

Si une défaite démocrate aux élections américaines de novembre prochain vous semble totalement impossible, lisez ces quelques lignes. Vous serez surpris.

Et si Barack Obama s’inclinait face à Mitt Romney le 6 novembre prochain ? Vu de France, le président américain sortant peut sembler invincible. Mais sa réélection s’annonce plus difficile qu’on pourrait l’imaginer. Non seulement son adversaire va désormais rassembler sa famille politique après des mois de bataille pour obtenir l’investiture : il en sera d’autant plus redoutable. Mais surtout, Barack Obama n’est plus le candidat « magique » de 2008, loin de là.

Non, Obama ne fait plus rêver

L’Obamamania a vécu… Obama Boy aura beau entretenir la flamme en rééditant la déclaration d’amour d’Obama Girl à son champion, les Américains ne voteront pas pour un souvenir, aussi rempli d’espoir soit-il. L’armée de volontaires « qui avaient lâché leur job pour faire campagne pour lui, très localement, il y a quatre ans, ne le referont sans doute pas cette fois », estime Archippe Yepmou, vice-président du Comité français de soutien au candidat il y a 4 ans. En cause, les difficultés économiques sans doute, mais aussi le manque d’engouement suscité par le président-candidat. « Ce n’est même pas sûr que ses fervents soutiens en 2008 votent pour lui en 2012 », note le jeune homme.

Après un espoir peut-être démesuré, la déception… A l’image des nombreux commentaires qui ont suivi son prix Nobel de la paix, attribué après seulement quelques mois de mandat. « Désormais, Barack Obama est perçu comme un homme de l’establishment qui s’affiche avec des stars, mais n’a pas assez tenu les promesses faites il y a quatre ans. Son équipe de campagne va devoir changer de logiciel », suggère Archippe Yepmou.

C’est la crise…

Le 6 novembre prochain, au moment de choisir entre Barack Obama et Mitt Romney, les électeurs américains « regarderont leur porte-monnaie », résume Soufian Alsabbagh, auteur de L’Amérique de Mitt Romney (Ed. Demopolis). Les publicités déjà diffusées dans les Etats clés tout comme les derniers discours prononcés par les deux candidats dans l’Ohio se concentrent déjà sur l’économie, thème phare de 2012.

« L’économie, voilà clairement le talon d’Achille du président sortant. Il n’a aucun résultat à présenter », selon lui. Le taux de chômage sera particulièrement scruté. Exemple récent : il est remonté à 8,2% en mai, faisant craindre un ralentissement de l’économie… soit juste avant le croisement des courbes d’intentions de vote de Barack Obama et Mitt Romney – ce dernier est désormais en tête des sondages. Jim Bittermann, correspondant de CNN International à Paris, y voit un lien évident.

Du coup, « les républicains vont marteler les arguments économiques, afin de présenter Barack Obama comme le responsable de la situation », prédit le journaliste. Un piège pour le président sortant. « Se contenter de répondre ‘Ce n’est pas ma faute’ serait une erreur, le cas de Nicolas Sarkozy est un contre-exemple dont Barack Obama ferait bien de tirer les leçons », estime Soufian Alsabbagh.

Une équipe peu inspirée pour attaquer Romney ?

« L’équipe de campagne de Barack Obama a besoin d’une intervention », titrait Bloomberg ce week-end. Sous-entendu : elle va mal, elle a besoin d’être sauvée d’elle-même… Les conseillers de choc réunis à Chicago auraient-ils du mal à définir une stratégie pour attaquer Mitt Romney de façon claire, concise, limpide, donc efficace? « Plutôt que de s’attaquer à la personne et à son passé, Barack Obama ferait mieux de viser la ligne politique et le programme des républicains, plus à droite que jamais », estime Soufian Alsabbagh.

Barack Obama lui-même manquerait-il d’inspiration pour trouver un angle qui déstabilise son adversaire? En annonçant vendredi dernier son intention de mettre fin aux expulsions, sur la base de critères précis, de jeunes immigrés dépourvus de papiers, il a fait trembler certains démocrates « pour qui il s’agit d’une mesure électoraliste », note Jim Bittermann.

Certes, le journaliste souligne que « cela oblige Mitt Romney à clarifier sa position », alors que le républicain préfèrerait mener une simple campagne « contre » le président sortant. Mais cette prise de position, comme celle en faveur du mariage gay, peut aussi se révéler à double tranchant pour Barack Obama: elle pourrait séduire des électorats clés (hispaniques ou homosexuels dans ces deux cas) mais aussi détourner de lui modérés et indépendants.

Un bilan complexe et difficile à défendre

Au regard des promesses formulées en 2008, le bilan de Barack Obama semble assez maigre. Toujours admirateur du démocrate, Archippe Yepmou estime que le président-candidat devrait « mettre l’accent sur la réindustrialisation du pays et ses efforts contre les délocalisations, de très bons points pour lui. Mais des points qui sont insuffisamment visibles, alors que ses réformes les plus emblématiques apparaissent tronquées ou menacées ».

La réforme de la santé ? Beaucoup moins ample que prévu : le nombre d’Américains dépourvu de couverture maladie diminue, mais près d’une personne sur sept reste dans ce cas en 2011, selon un rapport des services de santé fédéraux publié ce mardi. Amendée de toute part, cette réforme est aussi susceptible d’être détricotée si les républicains l’emportent en novembre.

L’amélioration de l’offre éducation dans les zones défavorisées ? A la trappe. La réforme du système financier ? « L’administration américaine a sauvé les banques sans que Wall Street joue le jeu et réinjecte des fonds dans l’économie. Et pour expliquer tout cela, évoquer le blocage des républicains au Congrès ne suffira pas », s’inquiète Archippe Yepmou.

Comment mobiliser sa base et ses principaux bailleurs à la fois ?

Comment trouver la formule magique pour remobiliser ses troupes ? L’équation pourrait s’avérer très complexe, bien éloignée du simplissime « Hope » (espoir) de 2008. D’ailleurs qui connaît le slogan de Barack Obama pour 2012, « Forward » (en avant) ? En avant… mais dans quelle direction ?

Choisira-t-il d’attaquer Wall Street plus durement qu’il ne l’a fait jusqu’à présent, pour motiver sa base et reproduire l’incroyable levée de micro-dons en 2008 (605 millions de dollars) ?

Dilemme… Car il risque alors de détourner de lui de gros bailleurs qui, comme George Soros, préparent le terrain en assurant que « Mitt Romney et Barack Obama ne sont finalement pas si différents« . Barack Obama comptait s’appuyer sur un milliard de dollars en 2012, il en est très loin pour le moment… et Mitt Romney lève déjà plus de fonds que lui.

Marie Simon, L’Express.fr

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire