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USA: fin de la crise budgétaire

Le Vif

Le Congrès américain a relevé mercredi au dernier moment le plafond de la dette des Etats-Unis afin d’éviter un défaut de paiement, concluant la plus grave crise politique du second mandat de Barack Obama.

Le président américain a affirmé lors d’une intervention à la Maison Blanche que les élus auraient à regagner la « confiance » des Américains après deux semaines d’affrontements politiques, et dit souhaiter cesser de gouverner « de crise en crise ».

Le Sénat américain puis la Chambre des représentants ont adopté successivement dans la soirée à de larges majorités un texte de compromis dévoilé quelques heures plus tôt, après d’intenses tractations et des semaines de péripéties parlementaires. Ce texte devait être promulgué par Barack Obama dans la foulée.
Selon les termes du compromis, le Trésor est autorisé à emprunter jusqu’au 7 février, et l’Etat fédéral est financé jusqu’au 15 janvier. L’ensemble des fonctionnaires fédéraux mis au chômage technique depuis 16 jours à cause de l’impasse budgétaire ont été rappelés au travail dès jeudi matin. Ils seront tous payés rétroactivement.

Le compromis est provisoire et ne donne que quelques mois aux deux camps pour réconcilier leurs positions budgétaires. Une commission bicamérale doit être convoquée et élaborer d’ici le 13 décembre les contours d’un budget pour le reste de l’année 2014, une invitation au compromis dont se sont montrés jusqu’à présent incapables les élus du Congrès, divisé entre démocrates et républicains. Anticipant ce nouveau chantier, Barack Obama a répété qu’il était « prêt à travailler avec tout le monde (…) sur n’importe quelle idée qui fera croître l’économie, créera des emplois, renforcera la classe moyenne et remettra en ordre le budget à long terme ».

Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international, a souligné mercredi le caractère temporaire de l’accord, et déclaré dans un communiqué qu’il était « essentiel de réduire l’incertitude entourant la conduite de la politique budgétaire en relevant le plafond de la dette d’une manière plus durable ». Le dénouement marque un revers cinglant pour le camp républicain et son chef, le président de la Chambre John Boehner, qui a exigé pendant des semaines des concessions de l’exécutif, en particulier sur les dépenses sociales, avant tout vote budgétaire, avant de capituler mercredi. « Nous nous sommes battus pour la bonne cause, mais nous n’avons pas gagné », a déclaré M. Boehner à l’antenne de la radio WLW de son fief de l’Ohio (nord).
Il a promis de continuer à lutter contre « la catastrophe que représente la loi sur la réforme de la santé » promulguée par M. Obama en 2010 et dont un volet central a commencé à s’appliquer début octobre. L’accord de mercredi ne contient qu’une clause mineure relative à la loi sur la santé, visant à renforcer les contrôles des revenus des personnes bénéficiant d’une aide financière pour leur couverture maladie. Les démocrates estiment même que cet article renforce leur réforme.

La bataille laissera des traces au sein du parti républicain, dont la cote de popularité a atteint un niveau historiquement bas cet automne. « J’ai dit depuis le départ que je savais comment ça se terminerait », déclarait consterné mercredi le sénateur républicain John McCain, très critique de la stratégie d’intransigeance adoptée par ses collègues de la Chambre.

La mouvance ultra-conservatrice du Tea Party, dont les élus sont accusés d’avoir provoqué l’impasse, n’a jamais été aussi impopulaire. Selon une enquête de l’institut Pew publiée mercredi, 49% des Américains ont une opinion défavorable du Tea Party, contre 43% en août 2011, lors du précédent affrontement sur la dette. L’entrée dans une zone aussi inédite que dangereuse était promise à partir de jeudi à la première économie mondiale, avec un risque de défaut de paiement à court terme faute de capacité d’emprunt. M. Carney a toutefois révélé pour la première fois mercredi que la véritable échéance était jeudi « à la fin de la journée » et non mercredi minuit (jeudi 04H00 GMT).

Dès avant l’annonce de l’accord au Sénat, les marchés financiers avaient refusé de croire à un scénario catastrophe, et Wall Street a clôturé en hausse mercredi, ne se laissant pas déprimer par l’avertissement lancé mardi par l’agence Fitch, qui avait annoncé envisager d’abaisser la note de la dette souveraine des Etats-Unis, actuellement la meilleure possible à AAA.

Dans ce contexte, la Réserve fédérale (Fed) a révélé mercredi que l’économie du pays avait poursuivi son expansion de façon « modeste à modérée » pendant le mois de septembre et au début octobre. La Banque centrale a pointé chez les opérateurs économiques « une incertitude grandissante du fait de la fermeture de l’administration et du débat sur la dette ».

La crise au Congrès va coûter 24 milliards de dollars

Le blocage budgétaire à Washington qui aura forcé des centaines de milliers de fonctionnaires américains à rester chez eux pendant plus de deux semaines, va coûter 24 milliards de dollars à l’économie des Etats-Unis, selon l’agence Standard & Poor’s. Selon l’agence de notation, la fermeture partielle des services fédéraux va ôter 0,6 point de pourcentage à la croissance du Produit intérieur brut américain au quatrième trimestre, soit 24 milliards de dollars.

L’administration est partiellement fermée depuis le 1er octobre du fait d’un bras de fer entre républicains et démocrates au Congrès sur le budget et le relèvement du plafond de la dette. « En septembre nous espérions une croissance en rythme annuel de 3% pour le quatrième trimestre parce que nous pensions que les hommes politiques avaient appris leurs leçons depuis 2011 », dit l’agence. « Mais nos prévisions n’ont pas tenu et nous devons abaisser notre estimation pour la rapprocher de 2% », indique S&P.

A l’été 2011, une crise similaire, où la fermeture des services de l’état fédéral avait toutefois été évitée, avait provoqué « une baisse du moral des ménages atteignant un plancher en 31 ans », rappellent les économistes de S&P qui prévoient que « l’impact cette fois-ci sera sans doute plus sévère ». L’accord budgétaire conclu mercredi comprend par ailleurs le paiement rétroactif des centaines de milliers de fonctionnaires mis au chômage technique depuis le 1er octobre, selon le texte de 35 pages, transmis à la presse mercredi peu avant 18H00 (22H00 GMT)

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