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Un taliban à Malala: « rentre au Pakistan et étudie à l’école coranique »

Le Vif

Un commandant des talibans pakistanais a écrit une lettre à la militante pour le droit à l’éducation. Il semble s’excuser de l’attaque perpétrée contre elle, avant de lui conseiller de se « pencher sur le livre d’Allah ».

L’adolescente pakistanaise Malala est reconnue, notamment par l’ONU, comme le symbole du combat pour l’accès à l’éducation des filles. Mais elle reste très mal perçue par les talibans qui multiplient les attaques à son encontre.

Dans une lettre qui lui est adressée, Adnan Rashid, un haut responsable des talibans pakistanais du TTP, soutient dans un premier temps avoir été « offusqué » lorsqu’il a appris l’attaque en octobre dernier contre Malala. L’adolescente a été touchée d’une balle à la tête par les hommes du TTP à Swat, dans le nord-ouest du Pakistan. « Je souhaiterais que (cette attaque) ne se soit jamais produite », écrit-il dans ce courrier rédigé à « titre personnel » en anglais et dont l’authenticité a été confirmée par ses proches. Tentative d’excuse? Pas vraiment.

« Epouser la culture islamique »

Dans ses écrits, le commandant taliban n’épargne pas l’adolescente, et semble justifier les actes commis contre elle. « Les talibans ne t’ont jamais attaquée parce que tu allais à l’école et aimais l’éducation…. Les talibans estiment que tu écrivais délibérément contre eux et tentais de déjouer leurs efforts pour établir un système islamique à Swat », ajoute Adnan Rashid.
Malala Yousafzaï, aujourd’hui âgée de 16 ans, s’était fait connaître en dénonçant sur un blog de la BBC en ourdou, la langue nationale du Pakistan, le régime du TTP qui a contrôlé la vallée de Swat de 2007 à 2009, et a notamment empêché les jeunes filles de se rendre à l’école.

Si les talibans « n’ont rien contre l’éducation », ils abhorrent la « satanée » éducation « séculière », imposée par les « Anglais », qui sont « les esclaves des Juifs », souligne la lettre de près de trois pages trempée dans l’encre de la théorie du complot. « Je te pose la question suivante, et soit honnête dans ta réponse, si tu avais été la cible d’une attaque d’un drone américain, est-ce que le monde entier se serait soucié de ton état de santé? Aurais-tu été nommée la fille de la nation? Est-ce qu’il y aurait eu cet engouement médiatique », demande le commandant à Malala.
Avant de conclure sur des conseils: « rentrer à la maison, épouser la culture islamique et pachtoune, joindre une école coranique pour femmes dans ta ville, étudier et de te pencher sur le livre d’Allah… ».

Les anti-Malala, toujours là

Adnan Rashid, qui s’était échappé en avril 2012 d’une prison du nord-ouest du pays où il purgeait une peine pour avoir fomenté un complot, déjoué par les autorités, visant à tuer Pervez Musharraf à l’époque où il était au pouvoir, n’est pas le seul réticent aux discours de Malala. L’adolescente, qui a livré vendredi dernier un appel vibrant à l’ONU pour l’accès à l’éducation et la tolérance, suscite l’admiration à l’étranger et au Pakistan. Mais elle compte aussi son lot de détracteurs dans son pays d’origine où plusieurs l’accusent d’être instrumentalisée par les puissances occidentales, et d’avoir été propulsée sur la scène internationale en dépit d’accomplissements jugés minces.

L’envoyé spécial de l’ONU pour l’éducation, l’ancien Premier ministre britannique Gordon Brown, a pourfendu la lettre d’Adnan Rashid à Malala. « Personne ne croira un mot des talibans à propos du droit à l’éducation des filles comme Malala à moins qu’ils cessent de brûler des écoles et de massacrer des étudiants », a-t-il fait valoir à Islamabad.

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