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Un sommet européen sous le signe de la détente, mais qui n’emballe guère Di Rupo

Les chefs d’Etat et de gouvernement européens se réunissent lundi à Bruxelles – en pleine grève générale – pour un sommet extraordinaire qui sera le premier depuis longtemps à échapper au qualificatif de réunion « de la dernière chance » grâce à la relative accalmie observée sur le front de la crise de la dette.

La détente que connaît le marché obligataire depuis plusieurs semaines, à la suite de l’injection massive de capitaux dans le secteur bancaire par la Banque centrale européenne, a ramené un peu de calme après deux ans de tension continue et d’interrogations sur la survie de l’euro.

Jeudi, alors que le spread belge était à son plus bas depuis octobre dernier, l’Italie remportait un franc succès en émettant 5 milliards d’obligations à deux ans à un taux en forte baisse. « Il semble que les marchés aient changé d’attitude », note Hans Martens, économiste à l’European Policy Center, soulignant que la dégradation de la note de plusieurs pays européens, dont la France, l’Italie et l’Espagne par Standard and Poor’s n’a pas empêché le succès des récentes émissions obligataires.

Signe des temps: après un premier débat sur le futur traité intergouvernemental de discipline budgétaire, les Vingt-sept consacreront leur conclave aux moyens de relancer la croissance et l’emploi. « On voir s’il y a moyen de réorienter des budgets de la Commission européenne pour les concentrer sur des sujets plus structurants », a détaillé vendredi le Premier ministre Elio Di Rupo au Parlement fédéral.

L’Europe est en effet pressée de tourner la page aiguë de la crise de la dette et, avec elle, celle de la seule austérité budgétaire pour perspective commune. Mais « il n’y aura ni chiffre, ni décision spectaculaire », a toutefois tempéré le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker.

L’essentiel n’est toutefois pas là: il s’agit d’envoyer un message d’optimisme aux opinions publiques éreintées par la crise. Les ministres français et allemand des Finances, François Baroin et Wolfgang Schäuble affichent un optimisme prudent. « Il existe des signes d’une certaine stabilisation en zone euro (…) et les investisseurs semblent prendre conscience des réformes importantes accomplies par la grande majorité des Etats membres », a souligné M. Baroin. « Nous sommes sur la bonne voie », lui a fait écho M. Schäuble, tout en jugeant qu’il était « encore trop tôt pour dire que le pire est derrière nous ».

Une prudence partagée par un responsable européen directement impliqué dans la gestion de la crise. A ses yeux, il est « trop tôt pour baisser la garde » parce que « les marchés gardent un comportement irrationnel » et que le calme relatif s’explique en partie par un facteur technique: les injections justement de liquidités de la BCE qui permettent aux banques de recommencer à acheter de la dette publique.

« Il y a un an, on a aussi connu une phase d’accalmie et puis c’est reparti de plus belle avec le Portugal » qui a dû faire appel à l’aide internationale, met-il en garde. Or ce pays ne semble toujours pas sorti d’affaire. L’Espagne enregistre aussi un net dérapage de son déficit par rapport aux prévisions, dont s’est inquiétée l’UE cette semaine.

Quant à la Grèce, elle ne parvient pas à sortir du marasme.L’incertitude persiste quant à un accord avec les banques, appelées à accepter une réduction de leur créances de 100 milliards d’euros afin d’éviter un défaut de paiement « désordonné » du pays. Un scénario qui n’est plus exclu. « Même une issue brutale aux négociations sur la participation du secteur privé, même la possibilité que la Grèce quitte la zone euro semblent désormais être intégrées dans des scénarios supportables », souligne Hans Martens.

La question dossier grec ne sera officiellement pas évoqué par les chefs d’Etat à l’occasion de leur sommet de lundi, même s’il est probable qu’il fasse l’objet de conversations dans la coulisses. Les choses semblent en revanche bouger, bien que lentement, concernant l’arsenal anti-crise de la zone euro. Le FMI mène campagne pour que la zone euro porte à 750 milliards d’euros la force de frappe de ses Fonds de secours pour les Etats en difficulté, contre un maximum de 500 milliards prévus jusqu’ici.

L’Allemagne refuse toujours de remettre au pot mais pourrait accepter bientôt de lâcher du lest sur ce point compte tenu, en contrepartie, de l’adoption prévue lundi d’un nouveau traité européen renforçant la discipline budgétaire. Texte que Berlin a exigé. Malgré les dénégations officielles, la chancelière Angela Merkel semble disposée à assouplir sa position, selon une source très au fait de l’état des négociations, pour qui « il y a le sentiment que les pièces du puzzle se mettent en place ».

Vendredi, à l’occasion d’un débat au Parlement en présence du Premier ministre, plusieurs députés écologistes, mais aussi dans les rangs socialistes, ont critiqué les effets, selon eux dangereux, de ce futur traité de discipline budgétaire.

Interrogé sur ces nouveau plans européens, le Premier ministre a indiqué que le gouvernement belge les soutiendrait, mais en demandant dans la foulée une action en faveur de l’emploi et le social en Europe.

Quant à l’intégration en droit belge de la « règle d’or » (interdiction de déficit) prévue par le nouveau traité, le gouvernement n’a pas encore décidé si celle-ci serait introduite dans la Constitution, ou si elle ferait l’objet d’une loi spéciale.

Face aux critiques et doutes exprimés parmi les parlementaires quant à ce nouveau traité, M. Di Rupo n’a pas caché n’être guère emballé par le scénario qui se trame. « Si je pouvais dire tout ce que je pense, il en serait autrement. Cette liberté de langage qui est la vôtre doit faire du bien », a-t-il souri aux députés. « Mais bon, j’ai choisi de me contenir. Pour la fonction… ».

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