© Reuters

Un sommet de l’Otan suspendu à l’humeur de Trump

Le Vif

Donald Trump est arrivé mardi soir à Bruxelles pour un sommet de l’Otan sous haute tension, les Européens s’interrogeant sur les intentions du président américain qui multiplie les déclarations tonitruantes.

Acrimonieux, difficile, imprévisible: le sommet de l’Otan qui s’ouvre mercredi à Bruxelles s’annonce tendu tant il dépendra de l’humeur de Donald Trump, invité par les Européens à « mieux considérer » ses alliés. Tout est pourtant prêt: la déclaration finale, les projets, les engagements, ont confié à l’AFP plusieurs responsables de l’Alliance sous couvert de l’anonymat. « La seule inconnue vient des participants », a souligné l’un d’eux. Et le président des Etats-Unis a quitté Washington d’humeur belliqueuse.

Donald Trump est arrivé mardi soir à Bruxelles pour un sommet de l’Otan sous haute tension, les Européens s’interrogeant sur les intentions du président américain qui multiplie les déclarations tonitruantes.

L’avion présidentiel Air Force One s’est posé peu après 21H00 (19H00 GMT) sur l’aéroport militaire de Melsbroek en provenance de Washington. M. Trump est accompagné de sa femme Melania pour sa tournée européenne d’une semaine.

M. Trump rencontrera lundi son homologue russe Vladimir Poutine à Helsinki, pour un premier sommet bilatéral historique.

Au moment de quitter la Maison Blanche, il avait, comme il a en pris l’habitude depuis plusieurs semaines, tancé ses alliés et ménagé l’homme fort du Kremlin.

« Il y a l’Otan, le Royaume-Uni (…) et il y a Poutine », avait-il énuméré le président américain, des jardins de la Maison Blanche. « Franchement, Poutine pourrait être le plus facile de tous. Qui l’aurait pensé… », avait-il ajouté.

– « Vont-ils rembourser? » –

Peu avant son arrivée, le locataire de la Maison Blanche avait une nouvelle fois déploré, d’un tweet, que de nombreux pays de l’Alliance « ne tiennent pas leurs engagements » en matière de dépenses militaires.

Le président américain n’a de cesse de réclamer aux Européens d’accroître leurs dépenses militaires afin de respecter leur engagement de les porter à 2% de leur PIB en 2024.

« De nombreux pays de l’Otan, que nous sommes censés défendre, non seulement ne tiennent pas leur engagement de 2% (ce qui est bas), mais depuis des années sont défaillants dans leurs paiements qu’ils ne versent pas. Vont-ils rembourser les Etats-Unis ? » a tweeté le tempétueux président américain.

Les dépenses militaires des Etats-Unis ont représenté en 2018 près de 70% des dépenses militaires totales de l’ensemble des 29 pays de l’Otan.

Depuis lundi, M. Trump prépare le terrain en enchaînant les messages vindicatifs.

« Les pays de l’Otan doivent payer PLUS, les Etats-Unis doivent payer MOINS. Très injuste ! », a-t-il lancé mardi avant son départ pour l’Europe. « Ce n’est pas juste pour le contribuable américain ».

De nouveaux chiffres publiés mardi semblent confirmer l’argumentation du président américain, sept pays seulement -le Royaume-Uni, la Grèce, la Lettonie, l’Estonie, la Pologne, la Lituanie et la Roumanie- devant atteindre en 2018 l’objectif de 2% du PIB en dehors des Etats-Unis.

« Le partage du fardeau n’est pas équitable », a reconnu mardi le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg. Mais « des progrès considérables ont été accomplis », a-t-il estimé.

« L’Europe dépense aujourd’hui beaucoup plus dans la défense que la Russie et autant que la Chine », a pour sa part souligné le président du Conseil européen Donald Tusk, s’adressant directement à M. Trump.

« J’espère que vous ne doutez pas qu’il s’agisse d’un investissement dans notre sécurité, ce qui ne peut pas être dit avec la même assurance au sujet des dépenses russes et chinoises », a lâché le dirigeant polonais.

– « Chère Amérique » –

« Chère Amérique, considérez mieux vos alliés, après tout vous n’en avez pas tant que ça », a-t-il également déclaré, se faisant le porte-voix des Européens, qui craignent qu’avec ses critiques, le président américain ne cherche à les diviser et à remettre en cause le fonctionnement même de l’Alliance, après avoir déjà fait capoter un G7 en juin au Canada.

M. Tusk a rappelé que l’Europe avait été « la première à réagir » après les attentats du 11 septembre 2001 sur le sol américain, « 870 hommes et femmes européens » ayant « sacrifié leur vie » en Afghanistan.

« Monsieur le Président, n’oubliez pas cela demain, lorsque nous nous réunirons au sommet de l’Otan, mais surtout lorsque vous rencontrerez le président Poutine à Helsinki. Il est toujours intéressant de savoir : qui est votre ami stratégique ? Et qui est votre problème stratégique ? », a-t-il lancé.

Environ 2.400 policiers et 1.000 militaires belges seront mobilisés pour sécuriser le sommet de l’Otan pendant deux jours.

M. Trump doit ensuite se rendre vendredi au Royaume-Uni pour rencontrer la Première ministre Theresa May.

Contentieux sur les dépenses de l’Otan: les faits

Le contentieux sur le montant des dépenses militaires des membres de l’Otan va dominer mercredi et jeudi le sommet de l’Alliance à Bruxelles, au cours duquel le président Donald Trump devrait tancer ses alliés pour qu’ils augmentent leur budget de défense.

Le président américain s’en est pris à plusieurs reprises aux membres européens de l’Otan et au Canada pour ne pas respecter leur engagement à consacrer 2% de leur PIB à la défense en 2024, et il en a remis une couche mardi sur Twitter.

– Combien d’argent les Etats-Unis consacrent-ils à la défense ?

Donald Trump affirme que Washington paie « pour 90% de l’Otan », bien que la façon dont il soit arrivé à ce chiffre ne soit pas claire.

Les dépenses militaires des Etats-Unis ont représenté en 2018 près de 70% des dépenses militaires totales de l’ensemble des 29 pays de l’Otan.

Le Royaume-Uni arrive en deuxième position avec 61 milliards de dollars, suivi de la France (52 milliards) et de l’Allemagne (51 milliards).

– L’engagement de 2% du PIB

Mais ces montants ne prennent pas en compte la taille relative de l’économie de chaque pays, alors que les Etats membres se sont engagés à des dépenses calculées sur la base de leur PIB.

En 2006, les ministres de la Défense de l’Otan sont tombés d’accord pour fixer un objectif de dépenses représentant au moins 2% de leur PIB. Mais nombreux sont les Etats qui, face à la crise, ont taillé dans leurs dépenses militaires.

Lors du sommet de l’Alliance au Pays de Galles en 2014, inquiets de la baisse des budgets de Défense en pleine crise ukrainienne, les membres de l’Otan s’étaient engagés à « viser d’atteindre l’objectif de 2% en une décennie ».

Donald Trump a régulièrement eu recours à cet engagement pour affirmer que les membres de l’Alliance qui n’atteignaient pas l’objectif de 2% ne respectaient pas leur promesse. Mais les diplomates soulignent que ce n’est pas exactement ce qui avait été convenu, bien que tous les Etats aient reconnu qu’il fallait dépenser plus.

– Qui respecte l’objectif des 2% du PIB?

Les Etats-Unis sont de loin le plus gros contributeur de l’Otan, aussi bien en termes de pourcentage du PIB (3,50% en 2018 contre 3,57% en 2017) que de montant brut de dépenses, selon les chiffres de l’Alliance.

La Grèce est deuxième position (2,27%), suivie de l’Estonie (2,14%), du Royaume-Uni (2,10%) et de la Lettonie (2%). Ce sont les seuls pays européens a avoir déjà atteint l’objectif de 2% du PIB.

Mais la Pologne est à 1,98% en juillet 2018, la Lituanie à 1,96% et la Roumanie à 1,93%. Ces trois pays devraient avoir atteint l’objectif d’ici la fin 2018, a précisé l’Otan. La France atteint 1,81%.

L’Allemagne, première économie européenne, n’est qu’à 1,24%, ce qui en fait une cible privilégiée de M. Trump. Le Canada est à 1,23%.

– Budget défense et contributions à l’Otan

Donald Trump a parfois suggéré que les alliés de l’Otan « devaient » de l’argent à l’Alliance. Cela crée une confusion alors que l’engagement de 2% concerne les budgets nationaux de défense, à distinguer des contributions directes au budget de l’Otan.

Ces contributions directes sont utilisées pour financer le « budget civil » de l’Alliance (248 millions d’euros en 2018), qui couvre les coûts de fonctionnement du siège de Bruxelles, et le « budget militaire » (1,325 milliard en 2018), qui finance la structure de commandement de l’Otan.

Les 29 membres contribuent à hauteur d’une formule de partage des coûts fondée également sur la taille de leur économie: les Etats-Unis paient 22% du total, suivis de l’Allemagne (14%) puis de la France et du Royaume-Uni (10,5% chacun).

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire